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Guerre des prix entre consommation réfléchie et crise sanitaire
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Guerre des prix entre consommation réfléchie et crise sanitaire
Le constat le confirme : pas de frénésie de consommation en cette fin d’année. La prudence dicte désormais les comportements d’achat des ménages, qui craignent des lendemains difficiles alors qu’ils subissent déjà les effets économiques du Covid-19 depuis une vingtaine de mois.
L’extension des restrictions sanitaires jusqu’au 15 janvier et la baisse du pouvoir d’achat renforcent l’opinion des spécialistes que plus de la moitié de la population dépensera moins en shopping. «La situation sanitaire joue quelque peu au trouble-fête, sans gâcher la magie de cette période festive. Nous notons chez les consommateurs une envie de se faire plaisir tout en tenant compte du contexte économique et sanitaire. Traditionnellement, les ventes décollent vraiment deux à trois jours avant Noël. Nous pensons que cette tendance va se vérifier cette année encore, même si l’acte d’achat sera probablement plus réfléchi», explique Pierre-Yves Martin, directeur général de Somags, détenteur des enseignes Jumbo et Jumbo Express.
Cependant, la crise sanitaire et son impact sur l’économie ont effectivement modifié le comportement d’achat des consommateurs. «C’est une tendance qui se vérifie depuis bientôt deux ans. Il y a de la prudence chez certains certes, mais pour d’autres, qui ont subi des coupes au niveau des revenus, c’est beaucoup plus une obligation.» L’amélioration de la situation économique en 2022, en considérant que les moteurs de développement seront activés, ajoute-t-il, «est de nature à impacter le moral des consommateurs qui voudraient retrouver leur mode de vie même si c’est par étapes. Nous sommes donc optimistes sur le festive mood des consommateurs en cette fin d’année»
Si les shopping malls, supermarchés et supérettes rivalisent d’imagination pour séduire les consommateurs à coups de promotions et offres alléchantes pour rattraper les périodes maigres, marquées par une consommation en berne avec le deuxième confinement et de nouveaux variants comme Delta et Omicron, rien ne présage une explosion des ventes finales. Raison avancée par les spécialistes : une consommation qui privilégie les produits essentiels face aux revenus rabotés par la crise. La dernière étude de Kantar confirme que la précarité des ménages confrontés à la cherté de la vie et une anticipation de baisse des revenus font que les Mauriciens épargnent quand cela s’avère possible.
Ignace Lam, CEO d’Intermart, qui opère huit magasins et s’apprête à en ouvrir un neuvième près du Plaza à Rose-Hill en 2022, note que les ventes se maintiennent avec toutefois un shift dans les comportements d’achat. «Le segment alimentaire représente plus de 70 % de ventes de fin d’année et assure générale- ment la profitabilité des grandes surfaces en cette période. Certes, la dépréciation de la roupie – près de 20 % sur l’année – et la hausse du coût du fret sont les deux facteurs susceptibles de plomber le chiffre d’affaires des opérateurs. Stratégie de marketing oblige, les commerçants réalisent en décembre entre 50 % et 75 % de leur chiffre d’affaires, comparé à un mois normal.» Le propriétaire d’Intermart ajoute que, vu les premières tendances, il estime que son chiffre d’affaires pour cette période sera comparable à celui de l’année dernière.
Stéphanie Serret, Senior Manager - Marketing and Sustainability de la chaîne Winners, abonde plus ou moins dans le même sens, constatant que «le trafic dans nos magasins est relativement stable depuis le début du mois avec une forte progression le week-end dernier». Avec cette tendance, le niveau de fréquentation des supermarchés Winners devrait continuer jusqu’à la fin de l’année. Elle indique dans la foulée une nette augmentation des achats de produits de base, tant en quantité qu’en valeur. Elle cite les produits alcoolisés, qui enregistrent une progression conséquente, plus de 30% du chiffre d’affaires. Idem pour les chocolats.
Surprendre le client
Mais, comment rivaliser d’imagination pour attirer les clients fidèles à une enseigne tout en sachant qu’ils ont un budget serré ? Pierre-Yves Martin de Somags souligne que les promos, les offres innovantes et la qualité du service sont des facteurs clés. «Il faut constamment surprendre le consommateur pour stimuler l’achat. En fin d’année, l’achat plaisir est une composante plus importante d’où le besoin de mettre en avant ces produits avec une animation en magasin. Les clients voudront aussi se sentir rassurés par les mesures sanitaires dans les magasins.»
Chez Winners, le lancement d’une loterie avec à la clé une Kia Picanto devrait attirer et séduire sa clientèle, confie Stéphanie Serret, rappelant que la chaîne a prévu une gamme de produits festifs frais – saumon, huîtres, fromages spéciaux, crevettes roses et foie gras, entre autres, arrivant chaque semaine par avion. Des produits toutefois limités à certains magasins, précise-t-elle.
Pour autant , d’autres opérateurs dans la grande distribution trouvent qu’il est trop tôt d’anticiper la performance de ventes dans la grande distribution. Pascal Tsin, CEO d’Udis Ltée, holding familiale, détenant l’enseigne Super U à Maurice, remarque qu’il n’y a pas encore cette ruée des consommateurs vers les rayons des grandes surfaces pour le traditionnel shopping de fin d’année. «Comme les années précédentes, ils vont attendre à la veille de Noël pour faire plaisir aux enfants et à leurs proches. Cette année, la conjoncture économique invite à la prudence, la population étant particulièrement attentionnée à ce qu’elle achète alors que pour certains, le décès d’un proche invite au recueillement, donc loin de l’ambiance festive de la nouvelle année» souligne le patron de la chaîne de magasins de Super U.
Certes, la concurrence est rude entre les différentes enseignes, même si, selon Ignace Lam, elle a toujours existé car les types de produits proposés sont presque identiques. «Tout est une question de confiance que chaque consommateur entretient dans son enseigne. Le rapport qualité-prix des produits joue certainement.» Pascal Tsin mise sur les services – espaces de parking, services d’accueil, confort d’achat et ambiance conviviale – pour marquer sa différence, dit-il, de ses concurrents. À Jumbo, PierreYves Martin se dit optimiste de réaliser de bonnes affaires. Les produits festifs sont déjà en magasin (jouets, chocolats, accessoires trendy, coffrets de beauté, bûches glacées, dinde, etc.)
Certes, qui dit consommation, dit également circulation d’argent dans le public. Elle est estimée à plus Rs 40 milliards par les économistes de la Banque de Maurice. En décembre, il faut compter de Rs 2 milliards à Rs 3 milliards en plus, avec le boni et, exceptionnellement cette année, la publication du rapport PRB. Mais en 2021, avec la crise économique, les économistes s’interrogent si les dépenses de consommation mobiliseront une telle masse monétaire.
Quid du Wage Assistance Scheme pour doper le pouvoir d’achat des travailleurs et les inciter à consommer ? Les opérateurs sont convaincus que ce plan va certainement alléger le fardeau des ménages et leur permettre d’assurer l’essentiel de leurs besoins de consommation. Une démarche certes positive en cette période d’incertitude économique où le ministre des Finances, Renganaden Padayachy tente de relancer la croissance à travers la consommation.
L’année dernière, les dépenses de consommation s’élevaient à Rs 315 milliards. Ce qui représente une baisse de Rs 63 milliards par rapport aux Rs 378 milliards de 2019. Presque 20 % en moins dus aux effets économiques de la pandémie du Covid-19 en 2020, qui ont lourdement impacté le pouvoir d’achat des consommateurs. «Notre PIB est tiré généralement à 75 % par la consommation. Ce qui n’est pas sain économiquement car une crise affectant le pouvoir d’achat des consommateurs, comme c’est le cas actuellement, serait néfaste à l’équilibre économique du pays. Il faut viser un PIB à base élargie, dopé par l’exportation, l’investissement et la consommation. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», soutient l’économiste Rajeev Hasnah.
N’empêche que les commerçants, tout comme les opérateurs de grandes surfaces et les propriétaires de centres commerciaux, vont mettre le paquet pour faire exploser leur chiffre de ventes, malgré la posture réfléchie d’une frange importante des consommateurs. Toutefois, n’oublions pas qu’à la clé, un marché de plus de Rs 34 milliards est en jeu… Qui dit mieux !
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