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Trésor public: l’argent de la MIC a-t-il servi à racheter des bons du trésor du NPF pour réduire la dette?
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Trésor public: l’argent de la MIC a-t-il servi à racheter des bons du trésor du NPF pour réduire la dette?
On apprenait le 13 décembre que Rs 25 milliards ont été transférées de la MIC à Airport Holdings Ltd. On a très vite compris que ces milliards sont destinés en fait non à relancer l’aviation mais à permettre au gouvernement de récupérer de l’argent frais et à rembourser le NPF. Probablement pour ne pas provoquer une baisse de note par Moody’s, entre autres...
Le bref communiqué de décembre du ministère des Finances disait que des Rs 25 milliards investies par la Mauritius Investment Company (MIC) dans Airport Holdings Ltd (AHL), Rs 12 milliards seront utilisées pour rembourser le Covid-19 Projects Development Fund et le National Resilience Fund qui les avaient prêtées à AHL. Retour donc de Rs 12 milliards dans les caisses de l’État à travers ces fonds. Et les 13 autres milliards ? Empochées également par le gouvernement grâce à la vente à la MIC des actions que le gouvernement détenait au sein d’Airports of Mauritius (AML) et d’autres compagnies comme Mauritius Duty Free Paradise, compagnies qui font désormais partie, rappelons-le, d’AHL. En tout, ces Rs 25 milliards représentent 49 % des actions que la MIC détient maintenant chez AHL, dont les actifs auraient été évalués par Deloitte à Rs 52 milliards dans un rapport préliminaire. C’est un peu compliqué mais ce qu’il faut retenir c’est que cette acrobatie comptable a permis au trésor de s’en sortir avec Rs 25 milliards grâce à l’argent de la MIC, argent qui n’était pas prévu pour ce genre «d’investissement».
Quelle est l’urgence à rembourser les Rs 12 milliards au Covid-19 Projects Development Fund et le National Resilience Fund ? Pour financer des projets tout aussi urgents ? «Si les Rs 12 milliards seront utilisées pour construire des ‘super ponts’ et des drains, nous dit un expert-comptable, elles ne seront pas dépensées tout de suite. Tout porte à croire que ce serait pour compenser un problème général de cash-flow du Trésor.» En fait, le communiqué du ministère ne précise pas à quoi serviront ces Rs 12 milliards.
Attention, Moody’s en vue
En revanche, le ministère des Finances a bien voulu souligner que les autres Rs 13 milliards serviront à effectuer un «early repayment of its debt to NPF (Rs 11 billion), NSF (Rs 1.5 billion) and NSF Transitional Unemployment Benefit (Rs 500 million)». Pourquoi un remboursement avant l’heure ?
Pour un actuaire de renom, c’est une transaction «fishy». «Il est vrai que dans son ruling du 7 décembre 2020, l’ex-chef juge Asraf Caunhye avait demandé au ministère des Finances de s’assurer que le National Pensions Fund (NPF) soit suffisamment pourvu en liquidités pour être en mesure de faire face à ses obligations envers les retraités, le NPF ne recevant plus depuis septembre 2020 de contributions, ces dernières étant versées à la Contribution sociale généralisée (CSG). Toutefois, le NPF n’avait pas besoin d’argent, là, tout de suite et en tout cas pas une si grosse somme !» C’est pour cela que l’actuaire tend plutôt à épouser la thèse de l’expert-comptable qui nous avait dit (voir l’express du 9 janvier) que le remboursement de l’argent au NPF servirait à réduire la dette publique avant le 31 décembre 2021 car, sinon, ajoutait l’expert-comptable, le pays risquait de voir sa note dégradée par Moody’s.
Pourtant, le Fonds monétaire international (FMI) avait condamné cette démarche consistant à utiliser l’argent de la MIC / Banque centrale pour des mesures fiscales (financement de projets et maintenant réduction de dettes). Donc, en plus de Moody’s, c’est à ce même FMI que le gouvernement compte présenter une dette publique réduite avec les milliards de la MIC.
Bons du Trésor
Mais comment la réduction de la dette envers le NPF pourrait-elle réduire la dette publique ? avons-nous demandé à l’actuaire. Et de quelle dette parle le ministère des Finances, si ce n’est pas le paiement aux retraités comme l’exigeait la Cour suprême ?
«Le NPF a sûrement investi dans des bons du Trésor tout comme le National Saving Fund (NSF)», explique l’actuaire. «Ces bons du Trésor représentent une dette de l’État envers le NPF et le NSF. En rachetant ces bons avant la date d’échéance, le gouvernement diminue la dette publique.» Voilà une explication qui tient un peu plus la route. Nous avons cependant voulu obtenir confirmation que le NPF a bien investi dans des bons du Trésor mais personne ne nous a répondu.
C’est pour cette raison que notre interlocuteur pense que les Rs 12 milliards remboursées au Covid 19 Projects Development Fund et au National Resilience Fund obéit au même besoin que celui au NPF et au NSF: la réduction de la dette publique grâce aux mannes de la MIC.
Bilan
Ces Rs 25 milliards qui représentent un tiers des Rs 80 milliards matérialisées à la Banque de Maurice sont donc déjà allées colmater les comptes, se moque un économiste. «Cet argent sorti de nulle part devait être utilisé pour créer de la valeur et des produits, sinon c’est l’inflation galopante.» C’est ce qui nous arrive malheureusement.
Quant à l’expert-comptable, ces transactions lui donnent l’impression que l’on fonctionne au jour le jour au ministère des Finances. «Ils ont dû comprendre maintenant qu’avec l’état actuel des finances, Moody’s nous dégraderait, avec toutes les conséquences attendues, non seulement sur notre réputation à l’international mais sur nos finances, car l’argent emprunté sur les marchés financiers nous coûtera plus cher. Pris de panique, ils font n’importe quoi !» D’autant plus que sur le plan politique interne, cela risque de faire mal. «N’oubliez pas que Paul Bérenger avait prévenu plusieurs fois que Moody’s pourrait nous dégrader si l’on continuait sur cette voie. Le ministre des Finances ne voudrait pas lui donner raison.»
Ces mesures prises par le ministère des Finances sont-elles définitives ? Ou y aura-t-il d’autres ajustements à venir ? nous sommes nous enquis auprès de l’économiste. «Il est possible que les comptes soient maquillés le temps que les inspecteurs de Moody’s et du FMI vérifient nos comptes. À prévoir donc la reprise des largesses dans quelques mois ou même semaines.» Il ne prévoit aucune amélioration avec les promesses démagogiques, les contrats qu’il faut allouer et, bien sûr, avec les gaspillages, fraudes comme ceux concernant l’achat des médicaments et les subventions aux importateurs de lait. «En dépit de l’arrogance et assurance affichées du ministre des Finances au Parlement face aux mises en garde de l’opposition, il est clair que son ministère ne maîtrise pas tous les tenants et aboutissants.»
Pour l’expert-comptable qui connaît bien le système de gouvernement, cette utilisation de l’argent de la MIC sert en fait deux objectifs du gouvernement : réduire la dette pour plaire à Moody’s et dépenser. «Croyez-vous que l’on va rendre cet argent à la MIC après le départ des inspecteurs ? Je crois qu’il restera au Trésor public et sera utilisé pour les dépenses courantes et les gaspillages. Ainsi, au lieu d’aider les secteurs productifs, on financera les contracteurs indirectement.»
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