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Sans-abri en temps de pandémie: de l’autre côté du masque
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Sans-abri en temps de pandémie: de l’autre côté du masque
Cette semaine, une photo a été largement publiée sur les réseaux sociaux, montrant un policier du poste de Trou-Fanfaron donnant un masque à un sans domicile fixe, lui évitant ainsi une amende. Mais qu’en est-il de ces personnes sans-abri qui sont constamment exposées au virus ? Nous sommes allés à leur rencontre. Témoignages.
Ils sont des visages connus, bien malgré eux, dans les environs de la cathédrale St-Louis dans la capitale. Du moins eux semblent connaître beaucoup de monde – récitant les noms un à un, d’avocats, avoués et autres – qui travaillent dans les immeubles des environs et qui les aident, selon leurs dires, quand les temps sont durs. Eux, ce sont ces enfants issus de familles brisées, qui n’ont pas eu beaucoup de chance dans la vie. Fabrice, 25 ans, et Juliano, 22 ans, font partie de ces sans domicile fixe. «Nou bann zanfan shelter nou ek depi ki nou finn gagn 18 an nou lor simé», confie le premier, d’emblée. Comment vivent-ils la pandémie ? Très, très mal, disent-ils.
«Nous seuls savons comment c’est dur de survivre car la situation est aujourd’hui sans précédent. Il y a des jours où nous n’avons rien à nous mettre sous la dent. Bann seki la avan nou mem nepli kapav tini ek sa miser nwar la !» Pour subvenir à leurs besoins, les quatre ‘amis’ de la rue ont trouvé une astuce qui rapporte parfois, souvent, dépendant des jours et de leur bonne étoile. Ils lavent les voitures des gran palto pour arrondir les fins de journée. «Ils sont plusieurs à nous avoir fait confiance car nous donnons un service qualité-prix et nous savons aussi comment parler à ces personnes. Nous avons une façon de les aborder. Zame nou pou fer brit», explique Juliano.
Parmi les quatre, ajoute-t-il, Fabrice, le plus âgé, est le «cerveau de l’équipe» et c’est lui qui en a eu l’idée. Aujourd’hui, pour les sortir de la rue, il a eu une autre source d’inspiration, monter sa ferme où ses amis et lui élèveront ensemble des animaux et habiteront sur place pour les surveiller et s’en occuper. «Mais, il nous faut trouver un terrain. Si seulement on pouvait avoir une aide, une personne qui voudrait bien nous tendre la main», soupire Fabrice.
Revenant au Covid, comment fontils pour respecter les mesures sanitaires en vigueur ? Les visages se referment, les sourires disparaissent. «Nous n’arrivons pas toujours à toutes les respecter. Lerla nou gagn zouré, baté, maltreté ek lapolis akoz mask... Mais pas tous, quelques-uns nous demandent de nous couvrir le visage en public et s’en vont», confie Juliano. Ainsi, pour avoir un masque chacun, ils doivent presque mendier au quotidien auprès des passants pour s’en procurer. «Nous demandons quelques roupies. Et nous achetons chacun notre masque.» Pas de gel hydroalcoolique, de lavage de mains régulier ou encore de distanciation physique entre eux. «Mais nous avons une hygiène de vie plus au moins correcte. Nou pa pou res malang... On sait que l’on doit prendre notre douche, changer de vêtements ou encore nous brosser les dents au quotidien.»
«Ek nou pena malad... On n’a pas le droit d’être malade. Chaque jour qui se lève est une raison pour nous de combattre cette vie sombre. Si nous ne nous bougeons pas, rien ne viendra vers nous sans effort», explique l’homme de 25 ans. Aussi, ils ne sauront jamais s’ils ont contracté le virus entre eux ou s’ils l’ont déjà eu. Car même s’ils ne se sentent pas bien, ils ne vont jamais se diriger vers un centre hospitalier, car disent-ils, «nou gagn pousé» ; ainsi, ils préfèrent guérir par eux-mêmes. «Ena enn ki ti bien malad, li res dormi lor simé mem pandan plisier semenn me li pann al lopital.»
Essayent-ils tout de même d’éviter la foule ? «Non, disent-ils, car ils travaillent aussi, de temps à autre, au marché central. «Comment éviter les gens ? D’ailleurs, toute la journée, nous devons parler à des gens pour leur demander quelques sous ou du boulot.» Du côté de la police, l’on soutient que bien que la loi s’applique à tous, sans distinction, il est important de prendre en compte leur situation précaire. «D’où le fait que souvent, on leur demande de se couvrir le nez et la bouche, même avec du tissu, pour limiter les risques, même si ce n’est pas efficace à 100 % quand ils ne peuvent pas avoir recours à un vrai masque. Mais l’on constate qu’une grande partie portent le masque dans la capitale», explique une source policière.
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