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Rapport du «Public Accounts Committee»: relations incestueuses entre la Santé et le Commerce
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Rapport du «Public Accounts Committee»: relations incestueuses entre la Santé et le Commerce
Le rapport du «Public Accounts Committee» (PAC) 2020-2021 a été rendu public lundi. Comme le rapport de l’Audit, le document met en lumière les transactions non-documentées entre le ministère de la Santé et celui du Commerce, ce qui pose problème au niveau de la transparence de l’utilisation des fonds publics.
▪ Directives verbales
Les commandes de médicaments et autres équipements médicaux pour un montant total de Rs 1,7 milliard par le ministère de la Santé font, encore une fois, sourciller. Selon le PAC, seulement 35 % des commandes ont été effectuées par le ministère. Le reste est passé par le ministère du Commerce à travers la State Trading Corporation (STC).
La STC n’agissait qu’en agent payeur car les directives venaient du ministère du Commerce, qui lui-même obtenait les spécifications des commandes de la Santé. Par la suite, le paiement était remboursé par la Santé à la STC. Sauf que la décision de ce montage ne figure dans aucun document.
Un des représentants du ministère du Commerce a d’ailleurs déclaré au comité «the instructions I received for the award of the contract for the nasal swabs and for the other two equipment were verbal instructions that I received from my Minister». Même son de cloche du côté de la Santé. Les fonctionnaires interrogés ont fait savoir qu’à sa sortie des rencontres du High Level Committee, le ministre leur donnait des instructions verbales.
▪ Les fournisseurs obscurs
Un des obstacles auquel a fait face le comité est le changement à la tête du ministère de la Santé. L’Acting Senior Chief Executive et le nouveau supervising officer, tous deux en place depuis que les anciens sont partis, dans le sillage du scandale de l’achat de Molnupiravir, n’avaient pas d’informations sur les dossiers.
Ainsi, malgré sept auditions des représentants de ces deux ministères, le PAC n’a pas pu établir comment les fournisseurs étaient choisis. De ce fait, il ressort que Red Jewel Ltd et Gitanjali Co Ltd, deux compagnies sans track record dans l’importation des masques et pas sur la liste des fournisseurs du ministère, ont obtenu des contrats. «And even more surprisingly there was absolutely no record of any attempt by the Ministry of Health and Wellness to negotiate with these companies for a reduction in prices to get value for money», précise le document.
Aucune explication non plus sur l’octroi d’un contrat de Rs 44 millions à AV Techno World.
Le scandale Pack & Blister a aussi été évoqué. Aucune indication sur comment la compagnie a été choisie pour fournir des respirateurs artificiels. Aucune explication n’a été demandée lorsque la compagnie a fait savoir qu’elle ne pourrait pas fournir 50 respirateurs Aeomed VG70 et qu’elle donnera plutôt des AeroDuo, ni sur le fait que le paiement de Rs 77,9 millions a été effectué avant même la livraison des machines. «Surprisingly the Ministry accepted the AeroDuo ventilators without any revision in prices.»
Pire, après le calibrage, il a été noté que les appareils ne répondent pas aux critères du ministère et ont été rendus, mais aucun remboursement n’a été effectué. Plus surprenant : l’officier de la Santé a expliqué aux membres du comité que sans cet achat, le pays aurait déploré 100 morts par jours alors que ces appareils n’ont jamais été utilisés.
Un autre point qui est ressorti est le fait que non seulement il n’y avait pas de contrats proprement dressés entre les autorités et les fournisseurs, mais il n’y avait aucune clause de pénalité pour les retards et les produits défectueux. Ainsi, les compagnies qui ont livré des médicaments six mois après l’octroi de l’appel n’ont rien eu à payer.
▪ Le protocole bafoué
Depuis le début de la pandémie, l’Emergency Procurement a été brandi comme un bouclier à chaque fois qu’une question surgissait sur l’approvisionnement. Cependant, le PAC met en lumière le fait que même les directives de l’achat en urgence n’ont pas été respectées. La directive 44 sous la Public Procurement Act, émise le 19 mars 2020 pour les achats relatifs au Covid, stipule clairement que les «Accounting Officers shall keep proper records with respect to the decision to resort to emergency procurement» et aussi que rien n’empêche le ministère de lancer un appel d’offres normal en parallèle.
Mais à plusieurs reprises, il a été prouvé que les instructions étaient verbales au niveau du ministère de la Santé Ce qui a donné lieu à des réponses approximatives des fonctionnaires. Quant à la Pharmacy Unit, les fonctionnaires «were at a loss» et les informations qu’ils fournissaient étaient «so unclear that it not only verged on approximation but many a times they were completely inaccurate and misleading».
▪ Conflit d’intérêts
Le comité technique du ministère de la Santé a le monopole lorsqu’il s’agit d’établir les spécificités des produits à commander, l’appel d’offres et l’évaluation des offres. «There seem to be a conflict of interest as they are the same officers who identify the needs, the quantity needed, the specification of the product needed and they are the same officers who contact the suppliers, evaluate their bids and give their consent to procure.» De plus, il est précisé que les fonctionnaires interprètent les circulaires du Public Procurement Office à leur guise.
▪ Sauver des vies
Même rengaine lorsque les fonctionnaires étaient confrontés aux nombreuses irrégularités dans la procédure d’appel d’offres et que les directives de l’achat en urgence n’étaient pas respectés : il fallait sauver des vies.
▪ Le rôle des ministres
Plusieurs fonctionnaires du ministère de la Santé et de celui du Commerce ont expliqué qu’ils ne faisaient qu’exécuter les directives de leurs ministres respectifs. Les ministres, rappelle le PAC, ne doivent pas être impliqués à n’importe quel niveau de l’exercice d’achat.
Pêche: de Rs 5 millions pour un comité inopérationnel
<p>Le PAC a noté que depuis la création du <em>National Ocean Council</em>, en 2014, et ce, jusqu’en 2019, des membres de ce comité ont touché une somme de Rs 5,4 millions pour des réunions. Il a aussi découvert qu’en 2020, les membres ont toujours droit à une allocation alors que le <em>National Ocean Council</em> ne fonctionne pas. </p>
<p style="text-align:center"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/article/peche.jpg" width="620" /></p>
<h4>Un bateau de Rs 55 m sans certificat </h4>
<p>Le ministre de la Pêche a fait l’acquisition d’un bateau au coût de Rs 55 millions en 2020. Toutefois, l’embarcation n’a jamais eu de certificat de remise en service, malgré sa présence dans la rade de Port-Louis pendant 18 mois. De plus, le navire a été utilisé pour des études au large de Pointe-d’Esny après le naufrage du <em>MV Wakashio </em>et il y a même eu une cérémonie pour le lancement du bateau alors qu’il n’avait pas de certificat. </p>
<h4>Le programme pour la gestion des zones côtières retardé </h4>
<p>Le PAC note que le ministère de la Pêche peine à exécuter le programme pour la gestion des zones côtières en raison de l’absence du <em>Wetland Bill</em>, qui n’a pas été voté au Parlement. Ce projet devrait être cofinancé par l’<em>United Nations Development Programme </em>(UNDP)-<em>Global Environment Facility</em> (GEF) à hauteur de 20 millions de dollars. Le gouvernement mauricien n’a dépensé jusqu’ici que Rs 33 millions. Il a bénéficié d’un délai jusqu’à décembre 2022 pour compléter son programme de la gestion des zones côtières. </p>
<h4>Terres et Logement: un manque de personnel </h4>
<p>Le PAC a noté que le gouvernement fait face à un manque de personnel pour réaliser les projets comme la construction de 12 000 maisons, le Metro Express et des drains. Il fait aussi mention que le gouvernement a dépensé la somme de Rs 876 millions pour l’acquisition obligatoire des terres pendant l’année financière 2018- 2019 et Rs 137 millions ont été payées comme intérêt.</p>
Enfants: dix des 23 abris opèrent illégalement
<p>Le rapport du PAC est très sévère envers le ministère de l’Égalité du genre, du développement de l’enfant et du bien-être de la famille. Sur 23 abris pour enfants (Residential Care Institutions – RCI), dix opèrent sans être enregistrés. Pourtant, tous ces abris auraient dû être enregistrés depuis janvier 2020. L’explication fournie par un fonctionnaire du ministère est qu’il y avait une décision administrative prise car un délai de trois mois n’est pas suffisant à un RCI pour obtenir un certificat de la police, du service des pompiers et du ministère de la Santé. Outre ces problèmes, il y a eu deux<em> lockdowns</em>, selon les explications. Aucune sanction n’a été prise contre ces centres qui opèrent illégalement, bien au contraire, note le comité, ces centres obtiennent des subventions gouvernementales. </p>
<p>Toutefois, selon les membres du PAC, le fait de ne pas être enregistrés est plutôt dû à un manque de fonds pour que le personnel de ces centres obtienne un certificat médical. Le comité note avec surprise que le ministère a pu justifier l’existence de ces abris en affirmant qu’ils ont fait leurs preuves et ils n’ont pu être enregistrés car les critères établis selon les règlements sont trop onéreux ! Pourtant, ce sont ces mêmes fonctionnaires qui avaient travaillé sur la liste des conditions à être respectées par les centres. </p>
<p>Au sujet des crèches, les membres du PAC notent qu’il en existe 371, et 210 n’ont pas de certificat d’enregistrement. Sur les 65 éligibles à une subvention du ministère, seulement 18 d’entre elles en ont bénéficié et dont huit seulement sont enregistrées auprès du ministère ! Sur le budget de Rs 10 millions, prévu en 2018-19, une somme de Rs 4,9 millions seulement a été déboursée. Le comité trouve surprenant que ces crèches opèrent au vu et au su du ministère. Il recommande ainsi que des sanctions soient prises contre ceux qui opèrent illégalement. Les membres du comité trouvent inacceptable qu’un enfant ne soit pas déclaré plusieurs années après avoir été placé dans un abri. </p>
<h4>Des tablettes inutilisables </h4>
<p>En mars 2019, le ministère a mis sur pied un service d<em>’Integrated Support Centre</em> (ISC) afin que des cas de violence sur les femmes et les enfants puissent être enregistrés sur une hotline 24/7. Vingtsix tablettes ont été remises aux fonctionnaires du ministère pour assurer ce service de leur résidence après les heures de travail. Or, ces tablettes n’ont pu être utilisées et ces fonctionnaires ont dû se servir de leur portable pour accéder à ce service. Du coup, ces tablettes au coût de Rs 520 000 sont à l’IT Unit du ministère. Le comité recommande que les tablettes soient retournées au fournisseur et que ce dernier soit poursuivi. </p>
<h4>Police déboursement excédentaire de rs 3,4 m pour des uniformes </h4>
<p>Les membres du comité notent que la police, bien qu’elle avait accordé un contrat à un fournisseur pour la confection de chemises et de pantalons pour ses membres, n’a pris possession que des chemises. Résultat : comme les pantalons ne répondaient pas aux spécifications, un appel d’offres d’urgence avait été lancé. Cet exercice a résulté en un déboursement excédentaire de Rs 3,4 millions. Au niveau réparation et maintenance des véhicules de la police, le comité note qu’une somme de Rs 132 millions a été déboursée pour la période 2018-2019. Ainsi, les membres du PAC recommandent que pour les réparations mineures, la police ait recours à un appel d’offres ouvert. </p>
<p style="text-align:center"><img alt="" height="330" src="/sites/lexpress/files/images/article/police_uniforme.jpg" width="310" /></p>
<p>Une décision a été prise en novembre 2018 pour vendre un avion. C’est finalement en décembre 2020 que cette vente au coût de Rs 6,9 millions a été effectuée. Alors que pour des pièces de rechange, la police avait déboursé une somme de Rs 13,8 millions. Des pièces obtenues en cadeau par le gouvernement indien n’étaient pas compatibles et elles sont stockées. </p>
<p>Sept ans après la découverte de la disparition d’une somme de Rs 33,2 millions au niveau de la collecte des quartiers généraux de la police du Nord, l’enquête est toujours en cours pour retrouver les coupables. Un seul officier de police qui agissait comme revenue clerk a été interdit de ses fonctions, alors que plusieurs autres travaillant à cette division sont partis à la retraite.</p>
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