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«Survivant» de l’hôpital de Souillac: récit d’un dialysé atteint de Covid-19
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«Survivant» de l’hôpital de Souillac: récit d’un dialysé atteint de Covid-19
26 mars 2021. Une date que Didier Lesage n’oubliera jamais. Un an après, les souvenirs, toujours aussi douloureux, refont surface à chaque fois qu’il en parle. Si quelques améliorations ont été faites suivant les recommandations du Fact-Finding Committee (FFC) comme l’a dit le ministre de la Santé ; pour le dialysé, cette mésaventure, il la revit comme l’un des survivants du Titanic. Cela fait six ans depuis que cet habitant de Rivière-des-Aiguilles souffre d’une insuffisance rénale. «Au début, j’étais un peu réticent à l’idée de suivre les sessions car je ne connaissais pas cette maladie. Dans ma tête, quand on parlait de dialyse, c’était synonyme de mort. C’est grâce au soutien de mon épouse et à ses encouragements que j’ai commencé les séances. Le médecin m’a dit qu’il n’y avait pas d’autres choix, sauf si j’avais eu une greffe.»
Dans un premier temps, il a fréquenté l’hôpital de Jawaharlal Nehru, à Rose-Belle. Puis, lorsqu’une unité a été mise en place à Souillac, il a opté pour cette région car c’était plus près de chez lui. «Avec la dialyse, je me sentais mieux. Ma santé s’améliorait. Et cerise sur le gâteau, j’ai même pu reprendre le travail. Je vivais normalement.» Jusqu’au jour où sa vie a basculé. «Le Covid-19, franchement, je ne savais pas ce que était avant le 26 mars. Pourtant, le 15 mars, j’ai fait ma première dose de vaccin, l’AstraZeneca, pour me protéger, car au travail, on nous l’avait demandé.» Hormis lui, un autre dialysé de l’unité de Souillac a également fait le vaccin. «On n’était les deux seuls, sur tous ceux qui avaient contracté le virus…»
Sa voix se perd à l’évocation de ce pénible moment passé en centre de quarantaine. «Le 25 mars, le département sanitaire de la région m’a informé que j’allais être placé en quarantaine, le lendemain. Et m’a demandé de préparer mes affaires. Le vendredi 26 mars, on m’a de nouveau appelé pour me dire qu’un véhicule allait me récupérer aux alentours de 11 heures et si je refusais d’y aller, ce serait les officiers de la Special Mobile Force (SMF) qui allaient être sollicités pour m’y emmener de force.» Notre interlocuteur confie que vers les 16 heures, une ambulance l’a conduit près du moulin de Britannia, qui allait être le point de rencontre. «Un bus devait nous déposer à l’hôtel. À ce moment précis, personne ne savait qui était positif ou non au Covid-19. Le bus a démarré vers les 20 heures, et il n’y avait pas de distanciation sociale car le bus contenait plus d’une cinquantaine de personnes.» Ce n’est que vers 23 heures environ qu’ils ont pu atteindre le lieu de quarantaine, à Bel-Ombre. Après les formalités, ils ont été acheminés vers leurs chambres respectives. «Seule une partie des patients a eu à dîner. De 17 heures à l’heure de dormir, je n’ai rien eu à manger.» Des restrictions leur ont été imposées, comme aucune sortie dans la cour. «Le lendemain, j’ai appelé ma famille pour les informer que j’allais bien. Il me fallait les rassurer. À ma grande surprise, au petit déjeuner, j’ai eu droit à des saucisses, des oeufs, un massepain au coco, tous les aliments que nous, dialysés, nous ne pouvons manger. Mais, comme je n’avais pas dîné la veille, j’ai été forcé de les consommer. Tout en pensant à ma tension artérielle qui a joué au yo-yo», se souvient-il.
Rats et araignées
Didier Lesage confie qu’à l’issue du premier test PCR, une partie des patients, positifs, ont été dirigés vers l’hôpital. Une semaine après, il a aussi été testé positif et a été conduit à l’hôpital de Souillac. Une fois sur place, il constate que les salles ne sont pas propres. «Les draps n’ont pas été changés, on a même vu des rats qui sortaient des micro-ondes, les toilettes et les salles de bains étaient sales. Des araignées tapissaient les murs… Un stress pas possible s’est fait ressentir. On a eu à nettoyer la salle et les toilettes.» Rebelote au sujet des repas. Ceux-ci étaient livrés très tard aux patients, qui, par conséquent, «allaient faire la dialyse sans rien manger», raconte Didier Lesage. «Si la famille essayait de nous apporter de la nourriture, on nous la refusait. Quant aux repas fournis, c’est une autre histoire. Le riz était tellement dur que l’on aurait pu casser une vitre avec rien qu’en en faisant une boule. Je pesais 97 kilos et après ce passage à l’hôpital, je pesais 88 kilos. Mentalement, on n’était pas bien.» Outre le manque de nourriture, le dialysé fait ressortir également le «manque d’oxygène» dans les chambres. Puis, cette peur constante d’être placé en salle d’isolement «car tous ceux qui y ont été conduits, y sont morts...»
Ce dernier s’interroge aussi sur les séances de dialyse. «J’aurais aimé savoir qui a donné l’ordre pour que l’on fasse uniquement deux heures de dialyse, alors que l’on doit en faire quatre ! Les toxines n’avaient pas été éliminées de nos corps, et nous en avons souffert pendant plusieurs semaines», soutient-il.
Cet épisode a laissé beaucoup de cicatrices à ces patients. «Aujourd’hui, quand on entend que certains patients ont contracté de nouveau le Covid-19, on est inquiet.» Ce dernier a déposé auprès du FFC, «avec des preuves à l’appui». Selon lui, les des défunts, de même que les familles des défunts, auraient dû bénéficier d’un suivi psychologique. «Pas comme lors de notre expérience à l’hôtel où le psychologue restait chez lui et nous demandait par téléphone comment on se sentait et si nos voisins allaient bien. Cela a été la même histoire quand on a été admis à l’hôpital. Je devais aller voir mes collègues et faire un rapport au psychologue.»
Par ailleurs, Didier Lesage soutient que le coût des médicaments pèse aussi lourd dans la balance. «Avant, les médicaments me coûtaient entre Rs 5 000 et Rs 6 000 mensuellement, aujourd’hui, ils ont atteint la barre des Rs 8 000.» Quid des médicaments fournis à l’hôpital ? «On nous parle de rupture de stock comme pour les vitamines B complexe. Tous les mois, il faut faire des provisions d’aliments et de médicaments, et les poches doivent être solides…» Au milieu de tout cela, il s’accroche quand même à l’idée que le rapport du FFC soit dévoilé pour la sérénité de tous ceux qui sont encore traumatisés par cette expérience.
Le ministre de la santé campe sur sa position
<p>Le ministre Kailesh Jagutpal ne compte pas rendre public le rapport du <em>«Fact-Finding Commitee»</em>. Il a réitéré l’information en conférence de presse mercredi.<em> «Le FFC a fait ses recommandations, comme je l’ai dit au Parlement. Et le ministère compte appliquer ces recommandations. Tous les problèmes personnels seront traités devant le Negligence Committee. Je ne peux faire de commentaire sur une équipe (le FFC) qui a bien fait son travail.»</em></p>
Jennifer Hart «La colère nous empêche de faire notre deuil»
<p>Jennifer Hart attend les retombées du rapport du FFC. Sa mère, Nicole Hart, patiente à l’hôpital de Souillac, est décédée à celui de Rose-Belle. Elle raconte son périple.<em> «Déjà quand ma mère devait se rendre en quarantaine à l’hôtel, elle avait peur. Je l’ai réconfortée en lui disant de profiter de ce séjour. Mais, ce n’était pas une partie de plaisir là-bas.» </em>Sentant que la patiente n’arrivait pas à se débrouiller seule, les responsables du centre de quarantaine ont accepté que Jennifer Hart vienne aider sa mère. Mais rien n’a pu être fait car au moment où elle devait être admise à l’hôtel, sa mère a été conduite à l’hôpital, pour sa séance de dialyse. Le calvaire ne faisait que commencer. En effet, Nicole Hart a contracté le Covid-19 et sa fistule s’est aussi obstruée. <em>«Ce qui a rendu difficile la dialyse. Le 3 avril, elle m’a appelée pour me dire que le docteur lui a parlé. Il lui a dit qu’il n’y a plus de ‘veines’ pour faire la dialyse et que c’est la fin pour elle.» </em></p>
<p>Toute la famille a été chamboulée. Par la suite, Jennifer Hart a été informée qu’elle devait aller en quarantaine, ayant eu contact avec sa mère. <em>«On est restées en contact tous les jours. Quand elle avait un souci, elle m’appelait. Et je me suis retrouvée à appeler l’hôpital, ce qui n’était pas normal, vu qu’elle y était hospitalisée. On s’est alors posé beaucoup de questions.» </em></p>
<p>Finalement, Nicole Hart a pu rentrer chez elle vers le 18 avril.<em> «On était heureux de la retrouver. Mais sa dialyse ne se passait pas toujours bien. Puis, elle était mal en point. Finalement, elle a été envoyée à l’hôpital de Rose-Belle.»</em> Mais le lendemain, en soirée, elle y est décédée. <em>«Comment les infirmiers n’ont pas pu l’aider à faire sa dialyse ? Pourquoi y a-t-il eu ce problème de fistule ?»</em> Jennifer Hart en a même parlé devant le FFC et, en tant que fille affligée qui partage la souffrance des autres familles, elle espère que les retombées de cette commission seront divulguées.<em> «Nous ne pouvons faire notre deuil car nous sommes toujours en colère. Il faut être serein pour arriver à le faire…»</em></p>
Association rénale: une lettre remise au Premier ministre
<p>La<em> «Renal Disease Patient’s Association»</em> ne compte pas baisser les bras. Le secrétaire de l’association, Bose Soonarane, compte déposer une lettre adressée au Premier ministre afin que ce dernier intervienne dans cette affaire.<em> «Les jours passent, et nous ne pourrons pas rester éternellement en attente. On espère qu’il entendra notre appel.» </em>Dans cette lettre, les proches des patients de l’hôpital de Souillac qui ont perdu l’un des leurs durant cet épisode de Covid-19 de mars à avril 2021, ont apposé leur signature. À savoir qu’un<em> «Medical Complaint Standing Committee»</em> a été mis sur pied par le ministère de la Santé. Ce comité compte de nouveau interroger les proches des patients décédés afin de mener une enquête.</p>
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