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Inflation: la barre de 10% déjà franchie, selon des spécialistes
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Inflation: la barre de 10% déjà franchie, selon des spécialistes
Jusqu’où iront les pressions inflationnistes ? Les spécialistes sont catégoriques. Avec un taux d’inflation en glissement annuel de 9 % en février dernier, la barre de 10 % est déjà franchie en attendant la confirmation de Statistics Mauritius. Une situation qui donne froid dans le dos vu l’effet d’entraînement sur le coût de la vie déjà fortement en hausse. C’est d’ailleurs le sens de la démarche du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, en proposant un train de mesures pour soulager les gens au bas de l’échelle et ceux de la classe moyenne.
Rendant toutefois à César ce qui appartient à César car le premier à appréhender des lendemains difficiles pour les ménages avec l’effet de la guerre russo-ukrainienne est l’ex-ministre des Finances et économiste Rama Sithanen. D’où une série de propositions allant dans le sens d’une meilleure protection sociale aux familles économiquement faibles subissant durement la cherté de la vie.
En saisissant la balle au bond, Xavier-Luc Duval est venu interpeller le ministre des Finances, mardi au Parlement, l’invitant à diriger des aides économiques et sociales vers ceux qui sont les plus affectés : les retraités de la société, les défavorisés qui, avant la crise, avaient des difficultés pour joindre les deux bouts et les membres de la classe moyenne qui se trouvent en tenaille entre les défavorisés de la société et la population financièrement aisée.
«Le pire est à venir pour les consommateurs. Car il est probable qu’on subisse déjà l’effet d’une inflation à deux chiffres compte tenu des augmentations en cascade de prix des produits de grande consommation, dont ceux du carburant. On nous annonce des hausses prochainement du ticket d’autobus et des factures salées pour l’électricité», analyse l’économiste Rajeev Hasnah.
Comme on pouvait s’y attendre, Renganaden Padayachy tente ces jours-ci de relativiser le phénomène inflationniste à Maurice, rappelant que cette accélération est mondiale. Il cite le taux de 7,9 % aux États-Unis pour les 12 derniers mois se terminant au mois de février 2022, soit le plus fort taux depuis 40 ans ; 6,2 % au Royaume-Uni ; 7,3 % en Allemagne ; 9,8 % en Espagne ; et 7,5 % dans la zone euro. Et souligne, dans la foulée, que selon les derniers chiffres publiés, Maurice a connu une inflation de 5,2 % sur les 12 derniers mois se terminant au mois de février 2022, alors que la Banque de Maurice estime que l’inflation en 2022 pourrait s’élever à 6,7 %.
Or, les spécialistes persistent et signent. Visiblement, disent-ils, le ministre des Finances fait fausse route car il s’appuie sur le «headline inflation» pour minimiser l’impact inflationniste sur le coût de la vie, ce qui est loin d’être le meilleur indicateur pour mesurer l’ampleur de la hausse du coût de la vie. Mais Renganaden Padayachy a un autre son de cloche. «En prenant en compte l’incertitude entourant la durée du conflit russo-ukrainien et son impact sur nos principaux marchés, il est vraisemblable que le taux d’inflation aille au-delà de ces projections», soutient en revanche le ministre.
Pour autant, c’est une inflation largement importée, comme c’est le cas à Maurice, qui impacte sérieusement le pouvoir d’achat des familles au bas de l’échelle avec en plus une roupie largement dépréciée. Tous les spécialistes s’accordent à affirmer qu’une poussée inflationniste n’est ni plus ni moins qu’une taxe additionnelle sur les familles défavorisées de la société. «À quoi sert d’augmenter les pensions des retraités et de compenser adéquatement les travailleurs au bas de l’échelle quand l’inflation des prix dans les supermarchés va inexorablement reprendre de la main gauche ce que le gouvernement a donné de la main droite ? La solution, c’est d’adopter une approche ciblée pour les bénéficiaires de prestations sociales et d’autres aides économiques et sociales», explique Azad Jeetun, économiste et ex-directeur de la défunte Mauritius Employers Federation.
Ignace Lam, CEO d’Intermart, subit déjà l’effet de cette inflation importée, largement répercutée par une hausse généralisée des prix des marchandises d’une année à l’autre. Si les prix de marchandises importées ont augmenté de 7 % à 8 % en 2020 comparativement à 2021, en revanche, sur la base de son chiffre d’affaires, il constate en janvier 2022, par rapport à la même période l’année dernière, que le prix moyen des produits de consommation courante a augmenté de 10 % à 13 %. Et Dean Lam, Managing Director du pôle bancaire de HSBC (Mauritius), de préciser que le commerce fait les frais d’une inflation par les coûts (costpush inflation) liés à la conjoncture internationale dominée par l’effet de la guerre en Ukraine. «Même l’augmentation du taux d’intérêt aura un effet limité pour contenir ce type d’inflation et peut au contraire renchérir les coûts de production et augmenter ceux du financement.»
Pour le moment, Renganaden Padayachy ne s’est pas engagé à accepter le package de mesures de Xavier-Luc Duval. «Un certain nombre de pistes et propositions discutées lors des consultations prébudgétaires ont directement pour objectif de maintenir le niveau du pouvoir d’achat à Maurice. Or, ce gouvernement fera tout ce qui est en son pouvoir, en tenant comme des marges de manoeuvre actuelles, pour protéger la population qui lui a accordé sa confiance», selon le ministre des Finances.
Et ce n’est certainement pas demain que les consommateurs, écorchés vifs par la hausse vertigineuse des prix dans les supermarchés et autres grandes surfaces, peuvent s’attendre à une meilleure protection sociale. Pas de mesures intérimaires avant le prochain budget dans six semaines, semble dire le ministre.
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