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Eastern Highway Project: une autoroute qui ne tient pas la route… économique, écologique et agricole
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Eastern Highway Project: une autoroute qui ne tient pas la route… économique, écologique et agricole
50 km d’asphalte et de béton annoncés entre Forbach et Plaisance au coût prévu pour le moment de Rs 10 milliards. Au Parlement, mardi, le Premier ministre a déclaré qu’il est difficile d’annuler les projets déjà commencés. Au vu de la situation économique et alimentaire critique, celui-ci le sera-t-il, d’autant qu’il attire toutes sortes de critiques ?
Pravind Jugnauth a, mardi au Parlement, refusé de tenir compte de la suggestion de Xavier-Luc Duval d’annuler les projets par milliards pour venir à la rescousse de la population, surtout celle au bas de l’échelle. Voudra-t-il le faire pour le projet d’autoroute de l’Est ? Selon Bobby Hurreeram, le ministre des Infrastructures nationales, on en est encore au stade de consultations. Osman Mahomed, député travailliste et ingénieur civil, se pose la question : «Cet Eastern Highway Project (M4) est-il une urgence, alors que nous subissons toutes sortes de déficits et de dettes ? En revanche, il y a urgence à protéger la population de l’inflation.»
Souveraineté alimentaire
L’inflation des prix de produits alimentaires qui impacte surtout les pauvres est constamment expliquée par le gouvernement par le fait que le pays importe la plupart de ses besoins en nourriture. Le prix ascendant du fret, la dépréciation de la roupie, le Covid et maintenant la guerre en Ukraine sont, dit-il, la cause de nos malheurs. À quand une politique visant à valoriser nos terres au lieu de les goudronner et les bétonner ?
Un planteur d’Henrietta nous raconte comment un autre projet d’autoroute, celui de La Vigie à Rivière Noire, le privera de terres fertiles. «Aucun autre terrain ne m’a été proposé pour continuer mes activités, juste une indemnité, qui ne représente qu’une fraction de la valeur du terrain.» Voilà comment on encourage l’agriculture ! Des centaines d’arpents de cultures de cannes et légumes disparaissent chaque année sous le bitume et le béton.
Concernant le coup de fouet à notre économie et les emplois de ces projets de routes que le ministre des Infrastructures nationales a remis en avant le 16 avril, durant la conférence de presse du MSM, Osman Mahomed se demande «comment relancer l’économie et l’emploi en particulier si les contrats sont alloués aux étrangers ? » Il nous rappelle que l’appel d’offres est international. De toute façon, «la construction de routes n’est pas une activité durable et ne dure que le temps des travaux, effectués d’ailleurs plus par des machines que par des ouvriers».
Adieu crécerelle, bonjour asphalte
Le député travailliste veut aussi savoir si une étude de faisabilité a été ou sera effectuée, quelle est la source du financement de ce vaste projet de Rs 10 milliards et si un certificat d’Environmental Impact Assessment sera requis, étant donné la présence de zones sensibles sur le tracé de cette route.
Un écologiste nous rappelle que l’oiseau décrété il y a peu comme l’oiseau de Maurice, la crécerelle, vit et se reproduit dans la forêt du sud-est, la Bambous Mountain Range, après la disparition dans les années 80 d’un autre de leurs habitats à la montagne de Moka. «Bobby Hurreeram sera éventuellement connu à la postérité comme responsable de l’extinction de cette espèce qui rejoindra le dodo parmi celles détruites par les Mauriciens.»
Le ministre Hurreeram avait laissé planer le doute le 5 avril au Parlement sur la partie du tracé à Ferney, en déclarant être en attente de discussions avec les parties prenantes, dont on ignore l’identité. Le même Hurreeram a tenté, samedi 23 avril lors de la conférence de presse du MSM, de donner une autre tournure au débat en demandant à Osman Mahomed «si les circonscriptions nos 5 à 12 n’ont pas le droit d’avoir leur autoroute». Ces arguments subtilement communaux utilisés par le ministre pour justifier son projet à Rs 10 milliards ont étonné plus d’un.
Quadrillage de l’île par des routes
De façon générale, notre interlocuteur-écologiste pense qu’en quadrillant le pays de routes pour supposément régler le problème de congestion routière «on n’encourage pas le transport en commun, y compris le métro, dans lequel on a investi près de Rs 20 milliards, sans compter les Rs 11 milliards de don de l’Inde».
Pour lui, en fait, on ne fait que déplacer le problème constamment sans penser à réduire les véhicules. En encourageant l’usage de la voiture, on aggrave aussi le déficit de la balance des paiements puisqu’on importe davantage de carburant. Et on pollue encore plus l’atmosphère. «Les nouvelles routes ne feront que détruire le peu de forêt qui nous reste et qui séquestre le carbone et absorbe le trop-plein d’eau, évitant les inondations.»
«Ce que je ne comprends pas, nous dit Osman Mahomed, c’est qu’il existe déjà le projet de réhabilitation de la Coastal Road entre Grand Sables et Bois des Amourettes (B 28) au coût de plusieurs centaines de millions. Quel est le justificatif économique et technique à lancer un autre projet en parallèle si ce n’est pour gaspiller nos ressources ? » Sans compter «qu’il y a déjà la partie existante de l’autoroute entre Ferney et l’aéroport. Pourquoi faudrait-il absolument d’une nouvelle autoroute passant éventuellement par la Vallée de Ferney ? »
Les commissions, principale motivation ?
Le député travailliste est d’avis que ce projet de M4 ne correspond pas du tout aux engagements pris à la COP26, où le Premier ministre avait déclaré : «We, therefore, commit to take actions that will contribute towards the following: 1. Reducing gas emissions by 40 per cent by 2030.»
Pour l’écologiste, nos gouvernants sont préoccupés et presque obsédés par les infrastructures routières et ne semblent pas être concernés par l’environnement (et l’agriculture), malgré les promesses faites à la COP26 de Glasgow. Tout en ruinant le pays financièrement. «En raison des 10 % de commissions, on endette le pays par milliards.»
Ces énormes échangeurs !
Et l’on ne parle pas de ces gigantesques structures en béton que sont les échangeurs destinés à remplacer les ronds-points plantés parfois de fleurs et d’autres arbustes. Si l’on comprend l’utilité des échangeurs dans les régions où le trafic est dense, sa justification ailleurs l’est moins. Mélissa Leclézio le disait dans nos colonnes le 15 avril, en parlant du «développement» du projet immobilier à Roches-Noires. Ce qu’elle dit est applicable aux autoroutes : «Cette obsession macabre pour le bâti menace ce qui fait précisément l’attrait de notre petit bout de paradis : sa beauté naturelle.»
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