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Production d’électricité │ CEB vs Terragen: le courant ne passe plus
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Production d’électricité │ CEB vs Terragen: le courant ne passe plus
• La centrale qui a suspendu ses opérations fournissait 17 % de la consommation nationale
• Joe Lesjongard étale les dessous des négociations
• Black-out, délestage : «Ena asé kouran», dit le ministre de l’Énergie
• Cinq ministres, dont le PM, ont fait le pont entre le producteur indépendant et le CEB
Le climat est électrique. Depuis 16 heures, vendredi, Terragen (ex-CTBV) ne produit plus d’électricité à sa centrale thermique située à Belle-Vue… Plus tard dans la soirée, le Central Electricity Board (CEB) a émis un communiqué «pour informer la population que toutes les dispositions nécessaires ont été prises pour assurer la fourniture d’électricité dans le pays». Mais, concrètement, qu’est-ce que cela implique pour nous, consommateurs, et pour l’économie ? Doit-on craindre un black-out ? Les consommateurs pèteront-ils un câble ?
De prime abord, le fait que la suspension des opérations de Terragen a été évoquée en long et en large par le ministre de l’Énergie Joe Lesjongard, hier, à la conférence de presse hebdomadaire du gouvernement, en dit long. Il faut dire que ce nouveau brûlant dossier concerne de très près les 491 287 abonnés, alors que la demande ne cesse d’augmenter. Rappelons qu’un pic record historique de 507,2 Megawatts (MW) avait été enregistré le 10 décembre 2019 à 14 heures.
À partir de bagasse et d’un peu de charbon utilisés comme combustibles pendant la coupe et le charbon uniquement durant l’entrecoupe, Terragen fournissait 15 à 17 % (71,20 MW) de la consommation nationale en électricité. Ce qui est loin d’être insignifiant et explique le communiqué du CEB, vendredi soir. Le ministre de l’Energie a, lui, affirmé, dans un premier temps, que «ena asé kouran» pour pallier le manque avant de juger utile de préciser que les dispositions ont été prises par le CEB et ses partenaires pour augmenter sa production énergétique. Le ministre aurait également pu détailler comment cela se fera, concrètement, pour dissiper toute appréhension d’un possible délestage dans les prochains jours. Mais il ne l’a pas fait…
Pourquoi en sommes-nous là ?
Terragen, un des Independent Power Producers (IPP) du pays, a signé un contrat de 20 ans avec le CEB le 24 juin 1998. La centrale est entrée en opération en juillet 2000. Ce Power Purchase Agreement, qui a expiré le 30 juin 2020, a été renouvelé pour une période de 30 mois, soit jusqu’au 31 décembre 2022, comme on peut le lire dans le rapport annuel 2019-20 du CEB – le dernier disponible.
Dans un communiqué envoyé, hier, Terragen affirme qu’aux termes du contrat liant la compagnie au CEB, «le quadruplement du prix du charbon ne peut que partiellement être pris en compte dans le tarif de l’énergie vendue; ce qui fait que le prix du charbon est maintenant en lui-même plus élevé que le prix de vente de l’électricité au CEB, ce qui est de nature à mettre en danger l’équilibre économique de Terragen». De plus, depuis juin 2020 et ensuite en octobre 2021, Terragen a informé le CEB de cette «anomalie contractuelle».
Début mars, confrontée à une nouvelle envolée des prix du charbon, liée à la crise ukrainienne, Terragen dit s’être retrouvée dans l’obligation de servir un Avis de force majeure au CEB. Cette clause, toujours selon le producteur indépendant, qui figure dans le contrat, permet à l’autre partie de suspendre ses obligations quand elle est confrontée à des circonstances imprévisibles et insurmontables.
Toujours selon la version de Terragen, le 4 mars, elle a notifié le CEB du fait qu’elle ne serait rapidement plus en mesure de faire face à son obligation de lui fournir de l’électricité, étant dans l’impossibilité d’acheter du charbon, après avoir épuisé ses stocks de combustibles. Pour Terragen, cette démarche ne résulte pas d’une décision intempestive.
De son côté, Joe Lesjongard a expliqué que la demande de révision du contrat, plus précisément la Price Indexation Formula par Terragen, n’a pas été agréée par le CEB. «Li vré ki prix sarbon inn monté. Mé li normal ki o milié enn kontra, demann sanz kontra la ?» a déclaré le ministre de l’Énergie face à une partie de la presse, hier. Il fait ressortir qu’il est aussi vrai que pendant des années, le prix du charbon est resté bien bas sur le marché mondial. Il soutient que selon ses informations, de 2000 à 2020, Terragen a réalisé un chiffre d’affaires de Rs 22 Mds, avec un profit net de Rs 1,5 Md de 2012 à 2021 (dont Rs 135 M l’année dernière) et que la compagnie avait amorti ses investissements dans la centrale en 2011.
«Kan sitiasyon ti bon pa ti bizin revoir formil. Li inakseptab kan fer profi, met dan pos ek kan sarbon monté, gouvernman ki bizin payé sirtou dan enn période d’extrême difikilté», a lancé Joe Lesjongard. Il a surtout révélé que cinq membres du Cabinet dont le Premier ministre, le ministre des Finances, celui du Commerce, l’Attorney General et luimême «ont essayé de faire le pont entre le CEB et Terragen» sur la question. «Nous avons fait des propositions mais à chaque fois que Terragen écrivait, elle brandissait la menace d’arrêter sa production énergétique. Pa kapav anvi diskité ek met kouto anba la gorz.»
Le ministre a indiqué que la demande de Terragen impliquait que le CEB aurait eu à payer Rs 700 M au producteur indépendant pour la période de janvier à décembre 2022. Que malgré les différentes formules proposées, Terragen a campé sur sa position. D’où le recours du CEB à la Cour suprême le 22 avril.
En attendant, ce qui inquiète aussi, comme Terragen, trois autres gros producteurs indépendants utilisent eux aussi du charbon pour la production énergétique alors que la part d’énergies renouvelables à partir du soleil, du vent et des déchets dans le mix énergétique est de seulement 23,45 %. Encore très loin de la barre des 40 %, qui serait portée à 60 % d’ici 2030, évoquée dans le discours du Budget 2021-2022…
Terragen répond à Joe Lesjongard
Le principe de base de tout Independent Power Producer (IPP), rétorque Terragen face aux dires du ministre Lesjongard, est qu’il est responsable de transformer le charbon en électricité et ne prend pas la responsabilité du prix du charbon car il ne peut pas le répercuter aux consommateurs. «La mauvaise indexation de Terragen déroge à ce principe et la force à payer une partie du coût du charbon; ce qui avec le prix actuel l’emmène droit à la faillite.» Terragen se dit toujours prête à redémarrer les turbines de la station si le CEB accepte de revoir et de renégocier les conditions de l’accord pour tenir compte des augmentations substantielles du prix du charbon, chose que le CEB a toujours refusé de faire, sans aucune raison valable, selon la compagnie. Terragen espère toujours que le CEB reviendra sur sa position, «dans l’intérêt du pays». Concernant les profits mentionnés par le ministre de l’Énergie, le producteur indépendant rétorque qu’il est inexact de prétendre que si Terragen a réalisé des profits pendant les 20 premières années du contrat, c’était dû au niveau, bas, du prix du charbon. «La formule du contrat d’origine prévoyait un pass through des coûts du charbon, et le niveau de profitabilité de Terragen était donc indépendant des prix du charbon si les prix du charbon ont été bas pendant les 20 premières années du contrat, le bénéficiaire en aura été la CEB et donc le consommateur d’électricité», affirme-t-elle.
De préciser qu’il est vrai que, comme toute compagnie responsable, Terragen a assuré la pérennité de l’entreprise, pour ses actionnaires, notamment la communauté des planteurs. La compagnie affirme que dans son cas, le coût du prix d’électricité était d’environ Rs 2 et grâce à cela, le pays et les consommateurs ont pu économiser approximativement Rs 800 millions par an.
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