Publicité

Affaire Peter Uricek: Troublantes interrogations sur la procédure adoptée

3 mai 2022, 18:25

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Affaire Peter Uricek: Troublantes interrogations sur la procédure adoptée

Pourquoi le gouvernement s’est-il prévalu de l’Immigration Act alors que la procédure sous l’Extradition Act était en cours ? Selon Me Varma, la demande d’extradition de Peter Uricek datait du 20 août 2020 ! Pour quelles raisons, se demande l’avocat, a-t-on pris tout ce temps pour engager la procédure ? Dans un pourtant long communiqué émis le 30 avril, le bureau de Premier ministre (PMO) se garde bien de préciser depuis quand la demande d’extradition a été faite par les autorités slovaques, se contentant de dire qu’«At the time of the lawful removal of Peter Uricek from the Mauritian Territory, there were extradition proceedings entered by the Attorney-General that were and are still pending in the District Court of Port-Louis» et que «this Office (NdlR, PMO) is informed that the next returnable date for the extradition hearing is 11 May 2022»

Alors qu’une procédure était devant la justice, les autorités ont-elles changé de tactique pour ne pas avoir à attendre le 11 mai ? Pourquoi cette hâte ? Est-ce que la demande d’extradition des autorités slovaques avait été négligée et que le gouvernement a dû se réveiller de toute urgence face à une demande pressante ? Il faut savoir qu’un avion slovaque chauffait déjà ses réacteurs à l’aéroport mardi dernier pendant que la Cour suprême interdisait l’extradition. D’ailleurs, pourquoi l’avion était-il déjà à Maurice ? «Pourquoi Maurice ne fait-elle pas de même pour extrader des Mauriciens réfugiés à l’étranger ?» se demande Me Varma.

Les autorités mauriciennes gardaient-elles l’option des articles 6 et 9 de l’Immigration Act sous le coude au cas où la Cour suprême donne- rait gain de cause aux avocats de Peter Uricek ? Si c’est le cas, l’exécutif n’a-t-il pas contourné l’ordre de la Cour suprême pour arriver à ses propres fins, à savoir l’extradition de Peter Uricek ? N’est-ce pas faire preuve quand même de nonrespect d’un ordre de la cour ? Si les autorités voulaient absolument expulser le Slovaque, pourquoi n’ont-elles pas utilisé la procédure sous l’Immigration Act dès le départ ? Pourquoi ont-elles attendu que son permis de séjour soit expiré ? À voir cette loi de près, il semble qu’il ne soit pas possible de l’utiliser avant l’expiration d’un permis.

Sans doute pour attirer des étrangers, la loi ne semble prévoir aucune possibilité de déclarer prohibited immigrant un professionnel ou un investisseur. Sauf si l’alinéa (m) de l’article 8 est utilisé, à savoir «persons who, from information or advice which in the opinion of the Minister is reliable information or advice, are likely to be undesirable inhabitants of, or visitors to, Mauritius». Ce fameux alinéa, connu comme «loi Hofman», donne au Premier ministre (PM) le pouvoir de se débarrasser d’un étranger qu’il juge subjectivement indésirable. Il n’aura été utilisé que contre l’ex-pilote belge d’Air Mauritius, ce qui a causé et cause toujours beaucoup de polémiques.

Peut-être que le PM ne voulait plus se servir de ce pouvoir jugé ar- bitraire de peur d’effrayer des investisseurs ou professionnels, même trafiquants de drogue… Il semble donc que l’Immigration Act ait été utilisée en dernier recours et que même les policiers ne savaient pas de quelle loi il s’agissait. À moins qu’ils le savaient et n’ont pas voulu le dire à Yatin Varma. Dans ces conditions, comment ce dernier pouvait-il deviner qu’une autre loi était utilisée ? Justement, le communiqué du PMO affirme que «at no material time was there any Supreme Court order against the police».

Pourquoi le PMO a-t-il précisé que la police n’était pas concernée par l’injonction de la Cour suprême alors qu’il affirme que l’expulsion n’a pas été effectuée sous l’Extradition Act ou la Deportation Act que la cour a interdite ? On ne le sait pas. Il est vrai que l’injonction était dirigée contre, entre autres, le Passeport and Immigration Office. Ce dernier ne fait-il pas partie des forces policières ? Qu’en est-il de l’Aviation civile, dont le directeur ne voulait pas recevoir l’ordre de la cour servi par l’huissier ? Si le PMO exclut la police, à tort ou à raison, comme destinataire de l’injonction, l’Aviation civile, elle, n’en est pas exclue et a bien permis à l’avion slovaque de prendre Peter Uricek à bord.

De plus, le PMO affirme que le Slovaque a été informé du retrait de son permis de séjour… par la poste. Uricek affirme ne l’avoir jamais re- çu. Si l’expulsé est bien un dangereux criminel – ce qui en a tout l’air – d’autres questions se posent, surtout sur le rôle de l’Economic Development Board (EDB) qui distri- bue des permis à tour de bras. On se demande aussi pourquoi le Red Flag d’Interpol sur Peter Uricek a mis tout ce temps pour parvenir à l’EDB et aux autres autorités.

Devant le tollé créé, le PMO n’a pas jugé bon d’émettre un communiqué disant respecter cette même cour. En tout cas, le retard à émettre ce communiqué a permis au PM de tenter de scorer des points contre l’opposition, invitant même cette dernière à lui poser une PNQ à ce sujet.