Publicité
Côte-d’Or International : Eldorado ou mirage ?
Par
Partager cet article
Côte-d’Or International : Eldorado ou mirage ?
La nouvelle a fait les grands titres de la presse la semaine dernière : Côte-d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd a été incorporée auprès du Registrar of Companies par le ministère des Finances, le 29 avril. Avec le soutien de l’État et de partenaires étrangers, cette nouvelle compagnie compte développer à l’avenir un lieu qui comprendra un nou- vel hippodrome, lequel ne sera pas uniquement réservé aux courses mais servira également à organiser des spectacles ainsi que des carnavals réguliers. Dans ce contexte, on laisse entendre qu’un appel d’offres pourrait bientôt être lancé pour la gestion d’un nouvel hippodrome à Côte-d’Or.
Il est bon de faire ressortir qu’au cours des dernières décennies, plusieurs projets de nouveaux hippodromes dans des endroits tels que le Domaine Les Pailles, Bagatelle, Pamplemousses, Côte-d’Or ou encore Médine ont été évoqués, mais aucun d’entre eux n’a abouti. Qu’est-ce qui nous fait croire que le nouveau projet de Côte-d’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd ne connaîtra pas le même sort ?
Il ne fait pas l’ombre d’un doute que la piste du Champ-de-Mars, vieille de 210 ans, est dépassée depuis longtemps et qu’à bien des égards, la construction d’un nouvel hippodrome ne pourrait qu’être bénéfique à l’industrie hippique. En tant que passionnés de course de chevaux, nous serons d’ailleurs les premiers ravis si le projet se réalisait. Toutefois, dans le contexte actuel, plusieurs éléments nous poussent à entretenir des doutes sur la concrétisation d’un tel projet.
i) D’emblée, vu la conjoncture actuelle dans le pays – la pandémie, la montée des prix, la dépréciation de la roupie, la paupérisation globale de la société, la frustration palpable au sein de la population – et le contexte économique mondial précaire avec la guerre en Ukraine, on peut se demander si, par les temps qui courent, le ministère des Finances n’a pas d’autres priorités plus urgentes que la construction d’un nouvel hippodrome.
ii) En sachant que la construction d’un hippodrome à Petit-Gamin avance à grands pas et que c’est le magnat des paris, Jean Michel Lee Shim, qu’on présente souvent comme l’un des principaux bailleurs de fonds du MSM, qui le finance à coup de plusieurs millions de roupies, cela peut paraître surprenant que le gouvernement vienne soudainement de l’avant avec un autre projet qui risque éventuellement de concurrencer celui de Lee Shim.
C’est un fait que dans le passé, Jean Michel Lee Shim a été parmi l’un des initiateurs d’un projet d’hippodrome à Côte-d’Or, mais il semble avoir abandonné cette idée car il a désormais mis le paquet en termes d’infrastructures, de logistique et de ressources humaines pour que le Centre hippique de PetitGamin devienne un centre de classe mondiale.
Comme l’a révélé notre collègue Jonathan Chatigan dans un reportage publié dans notre édition de samedi, une opération 24/7 est en cours à Petit-Gamin pour la construction d’un hippodrome avec une piste en sable fibré longue de 1 700 mètres.
iii) Le «timing» de l’incorporation de la compagnie Côted’Or International Racecourse and Entertainment Complex Ltd auprès du Registrar of Companies soulève quand même quelques questions. Pour rappel, elle a été enregistrée quelques jours seulement après que la mairie de Port-Louis a décidé de résilier le bail du Mauritius Turf Club (MTC) sur le Champ-de-Mars. Cette décision, qui émanait du ministère des Collectivités locales et de la gestion des catastrophes et des risques, était la conséquence directe du refus du président du MTC, Jean-Michel Giraud, de signer les conditions relatives à l’obtention de sa licence d’orga- nisateur de course, le 22 avril.
Quelque part, on ne peut s’empêcher de penser que si Giraud avait accepté les conditions de sa licence, la mairie n’aurait de facto jamais enlevé le bail du MTC sur l’utilisation du Champ-de-Mars et que par la même occasion, le gouvernement n’aurait probablement jamais songé à créer la compagnie Côte-d’Or Racecourse and Entertainement Complex.
À moins que l’idée d’un nouvel hippodrome ait germé dans la tête des techniciens du ministère des Finances depuis bien avant et que ce ne soit qu’une pure coïncidence si la compagnie a été incorporée seulement après le refus initial du MTC d’accepter toutes les conditions attachées à sa licence.
iv) Alors que l’industrie hippique est à genoux et que la plupart des écuries ont du mal à joindre les deux bouts, on peut se demander comment les «éventuels organisateurs de courses» feront-ils pour dis- poser d’un cheptel de chevaux suffisant pour assurer la compétition sur trois hippodromes différents : Champ-de-Mars, Petit-Gamin et Côte-d’Or, à l’avenir ?
Par ailleurs, la construction d’un hippodrome nécessiterait un investissement d’au moins deux milliards de roupies. Certes, l’État peut éventuellement compter sur l’apport d’investisseurs étrangers pour la réalisation du projet, mais à long terme est-ce qu’un tel projet est viable ?
Il est bon de rappeler qu’en 2016, le groupe Medine et la firme Automatic Systems Ltd avaient envisagé de construire un hippodrome aux normes internationales (piste de 1 600 mètres qui pourrait accommoder 15 chevaux) dans l’Ouest avec le soutien des sociétés étrangères, Phumelela et Gold Circle, qui ont une certaine expertise dans l’organisation des courses en Afrique du Sud.
À cette époque déjà, il était question que cet hippodrome et ses infrastructures annexes servent comme centre de loisir accessible à la population, un peu comme ce qu’on prévoit de faire à Côte-d’Or. Les promoteurs avaient finalement abandonné le projet à la suite de la promulgation des amendements à la Gaming Act.
v) Qu’on le veuille ou non, Côte-d’Or est un endroit où la pluviométrie est assez élevée et on peut se demander s’il est vraiment propice à la création d’un nouveau centre hippique.
Publicité
Les plus récents