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Métiers: Jimmy répare vos chaussures et votre humeur
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Métiers: Jimmy répare vos chaussures et votre humeur
Vous l’avez sans doute vu, ce cordonnier de rue, qui s’affaire toujours, la tête baissée, en train de recoudre une sandale à Port-Louis, près de la gare Victoria. Ils étaient trois auparavant, alignés l’un à côté de l’autre. Les deux autres sont morts et il ne reste plus que le grand Jimmy qui contribue à sa façon à l’économie circulaire.
Combien de chaussures auraient été jetées à la poubelle ou dans la nature s’il n’y avait pas de ces ouvriers comme Jimmy ! Les cordonniers d’antan qui travaillaient dans leur petite bicoque remplie de vieux souliers, on en trouve de moins en moins. On constate maintenant l’apparition de ces cordonniers de rue. Causée sans doute par l’inflation.
Chez Jimmy, la plupart des clients donnent une chaussure qu’ils portent à réparer sur place. Et le client d’attendre debout sur un seul pied, parfois en sautillant. Jimmy met une petite chaise à disposition de celui qui ne veut pas poser le pied nu par terre. Il n’a qu’une chaise, car il est difficile pour lui de tout transporter chaque jour. Il doit reprendre son barda le soir pour rentrer et le lendemain matin pour revenir.
Auparavant, Jimmy devait aller et venir par autobus. Les receveurs ne se montraient pas regardants. «Grâce à Dieu, nous dit Jimmy, depuis deux ans, j’ai une moto pour me transporter ainsi que mes équipements.» Très peu de travail «pending» pour ce cordonnier, sinon il aurait de plus en plus de chaussures à rapporter chaque jour.
Rs 100 par réparation
Il habite à Résidence Vallijee. Sa femme ne travaille pas. Sa fille est institutrice. Ses modestes tarifs – Rs 100 par réparation – et modestes revenus lui suffisent, nous dit-il. Ses clients payent le plus souvent sans discuter. «J’ai toutefois remarqué que les plus aisés sont les plus difficiles et demandent des réductions.» A-t-il déjà été victime de grivèlerie ? «Oui, mais très rarement. Certains me disent qu’ils n’ont pas d’argent et qu’ils paieront après. Mais ne reviennent jamais.» Il nous raconte aussi comment un jeune lui a fait réparer une basket neuve et aussitôt chaussée, s’est mis à courir. «Je croyais qu’il essayait la chaussure mais il n’est pas revenu. Le jeune criait ‘voler, voler’, alors que moi et mon ami criions aussi ‘voler, voler.» Heureusement, des chauffeurs de taxi de la place Victoria qui connaissent bien le truc, ont arrêté le coureur et l’ont forcé «à payer ce malheureux».
Jimmy ne refuse pas d’aider les autres, lui qui n’est pourtant pas riche. «Une vieille dame m’a demandé de mettre deux points de couture à sa chaussure tout en me prévenant qu’elle n’avait pas d’argent à me donner. Je l’ai fait de bon cœur. Je ne cours qu’après les clients malhonnêtes», ricane-t-il.
Son ami Gérard, ancien cordonnier et «maintenant à la retraite», lui tient compagnie et lui donne des conseils de temps en temps. En l’absence de radio, Gérard anime la journée en chantant et en sifflotant. Et en faisant des blagues à se faire taper sur les cuisses les clients et clientes qui ne s’en offusquent jamais, tellement les paroles sont respectueuses. Les gros mots sont bannis de l’espace.
La police ne l’embêtet-il pas trop ? «Pas du tout. Ils sont très compréhensifs.» Un bon point donc pour les hommes en bleu. Le bâtiment de la MauBank sert d’abri contre la pluie et le soleil mais uniquement le matin. L’après-midi, le soleil couchant tape fort mais Jimmy est habitué et son rythme de travail n’en faiblit pas. Pourquoi ne s’installe-t-il pas dans le nouveau Urban Terminal ? «Il me sera difficile de trouver Rs 4 000 mensuellement.»
Ceux et celles qui veulent aider Jimmy le cordonnier, l’économie circulaire et notre balance de paiements sont invités à le faire. Nul doute que des organisations non gouvernementales ou même les autorités trouveront une solution pour installer Jimmy dans le Victoria Urban Terminal. Touristes et voyageurs apprécieront.
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