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Dossier: recensement et droit de vote aux étrangers

18 mai 2022, 21:30

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Dossier: recensement et droit de vote aux étrangers

C’est ce qu’on a compris de la réponse du Premier ministre à qui la PNQ était adressée. Le leader de l’opposition voulait savoir si le gouvernement compte restreindre le droit de vote aux étrangers issus des pays du Commonwealth à ceux qui sont restés à Maurice durant cinq ans au moins.

Comme il fallait s’y attendre, le Premier ministre (PM) a expliqué longuement et lentement les lois et procédures existantes, ne donnant aucune nouvelle information sauf que chaque «canvassor» visite chacun/e 200 ménages sur un total de 300 000 foyers. Après 12 minutes de discours de Pravind Jugnauth, Xavier Duval interviendra pour dire que celui-ci n’a pas encore répondu aux questions. 

Après que le speaker a déclaré qu’il n’a aucun contrôle sur les membres de l’exécutif, le PM continue sur sa lancée. Pour dire à la fin qu’il faut être prudent avant d’interdire aux étrangers du Commonwealth de voter à Maurice car c’est réciproque. Et qu’il y avait 643, 614 et 766 citoyens étrangers du Commonwealth enregistrés pour les élections de 2012, 2013 et 2014 respectivement. Alors qu’il y en a eu 766 en 2014 et 838 en 2019, dira-t-il plus tard. 

C’est presque après une demi- heure que le leader de l’opposition a pu venir avec sa première question supplémentaire. «Il y a 30 000 travailleurs étrangers à Maurice et la plupart des pays d’origine de ces derniers, dont l’Inde, l’Afrique du Sud, les Seychelles, les Maldives, le Bangladesh et le Sri Lanka, ont interdit le vote des étrangers. Donc, il n’y a pas de réciprocité dont parle le PM.» Tout en ajoutant que vu les faibles différences de votes enregistrées entre les candidats aux élections de 2019, le vote des étrangers aurait pu peser de tout son poids. Le PM devient agressif et rappelle au leader de l’opposition que l’Angleterre, elle, admet toujours le vote des citoyens du Commonwealth. 

De graves anomalies 

Xavier Duval explique que les travailleurs étrangers sont pauvres et vulnérables, et peuvent se laisser acheter ou influencer. «On les voit d’ailleurs dans les meetings.» Piqué au vif, Pravind Jugnauth rétorque que ces allégations n’ont jamais pu être prouvées en cour lors des pétitions électorales, dont la plupart, ajoute-til, ont été rejetées ou retirées. 

Reza Uteem intervient alors pour rappeler au PM qu’il y a toujours trois pétitions devant la Cour suprême et que l’on ne peut les commenter. Arbitrage du speaker : «Non, il n’y a pas de subjudice» puisque, selon le PM, il parlait des affaires qui ne sont plus devant les tribunaux. Mais cette précision du PM est intervenue après le ruling du speaker donnant raison au Leader of the House. 

Xavier Duval citera Soopramanien Kistnen qui avait déclaré à plusieurs personnes qu’il avait transporté des Bangladais par camion pour aller voter. Avant de souligner que de graves anomalies ont été constatées aux élections de 2019, dont le fait que le nombre d’électeurs n’a augmenté que de 4 700 par rapport à 2014 alors qu’entre 2019 et 2020, il y avait eu une augmentation de 20 000. Il demandera gentiment au gouvernement de mettre sur pied un Select Committee pour se pencher sur ce problème. Pas de réponse de Pravind Jugnauth. Qui se lance alors dans une comparaison entre 2019 et 2020, 1997 et 1998, 2006 et 2007, 2009 et 2010 – années sous régime travailliste, tient-il à préciser – où le nombre d’électeurs avait baissé. «Alors que quand elle a augmenté, fût-il de 4 700 sous le MSM, il y a un problème.» 

C’est vrai que les fluctuations surtout celles à la baisse du nombre d’électeurs durant ces dernières années interpellent. Ces fluctuations suivent-elles la tendance du nombre de la population en âge de voter ? Une étude statistique devrait permettre de nous éclairer. À moins que ce soit la façon d’enregistrer les électeurs qui est fluctuante ? Pour rappel, à une demande de Xavier Duval hier pour que le gouvernement ne compte plus sur les recensements et enregistrements d’électeurs par porte-à-porte, Pravind Jugnauth a refusé, affirmant que ce moyen permet une captation d’un maximum d’électeurs. Bref, le statu quo, y compris le vote des travailleurs indiens et bangladais, lui convient.

Duval: «Une méthode surannée datant de 1958»

Après les réponses du PM à sa PNQ, Xavier-Luc Duval est d’avis qu’il n’y a aucune volonté de la part du gouvernement d’améliorer les choses en ce qui concerne les élections. Il rappelle que des 37 minutes accordées par le speaker à sa PNQ, 30 ont été consacrées à la réponse du PM et qu’il n’a eu, lui, que sept minutes pour poser trois questions supplémentaires. Et que Pravind Jugnauth s’est dérobé aux questions pour cacher «ce qui s’est passé de terrible dans les listes électorales de 2019». 

Xavier-Luc Duval explique ensuite que 34 000 travailleurs étrangers issus des pays du Commonwealth travaillent à Maurice, «plus que le nombre d’électeurs de certaines circonscriptions». Et qu’ils ont le droit de voter après seulement deux ans à Maurice. «Pourquoi ne pas établir un minimum de cinq ans pour leur permettre de voter ou alors leur interdire de voter comme c’est le cas pour les étrangers dans leur pays d’origine ?» Le leader de l’opposition a alors déclaré que toute l’opposition voterait un amendement constitutionnel en ce sens. 

Il dit ne pas comprendre pourquoi le gouvernement refuse de changer le système d’enregistrement des électeurs alors que même l’Electoral Supervisory Commission (ESC) l’avait recommandé ainsi que la Commission Sachs, dès 2002. «Les ‘canvassors’ utilisent une méthode surannée datant d’une loi de 1958 consistant à appeler un électeur deux fois avant de laisser un message à la boutique du coin. Et si le citoyen fréquente un supermarché ?» Il souligne qu’il existe pourtant plusieurs facilités pour contacter les citoyens : par téléphone, les réseaux sociaux ou à travers la MRA, entre autres. «Il n’existe aucune raison valable pour exclure un électeur juste parce qu’il a changé d’adresse.» 

Il dit aussi avoir appris que le «canvassor» n’a que 17 jours pour le recensement, entre le 13 et le 30 mai. Et l’expérience de ces «canvassors» se dégrade d’année en année. Xavier-Luc Duval demande que le registre électoral reste ouvert tout le temps comme au Royaume-Uni. Et que le registre soit en ligne et non pas uniquement sur papier. «Eh ou la, ankor pé servi rézist!» 

Le leader de l’opposition est revenu sur les chiffres produits par le PM sur le nombre d’électeurs depuis 1997. «Il reconnaît ainsi que le système d’enregistrement n’est pas fiable !» Alors que le nombre d’électeurs, selon son calcul, devrait avoir augmenté entre 30 000 et 64 000 chaque année. Il est revenu également sur les 6 800 électeurs qui n’ont pas pu voter aux dernières élections générales. «Deux fois plus que les années précédentes.» Au n°1, il n’y avait qu’un écart de votes de 47, alors que 526 électeurs n’ont pu voter ; au n°15, 45 votes d’écart et 486 n’ont pu voter et au n°16 un écart de 25 voix avec 502 électeurs n’ayant pu voter.

Troublant système d’analyse à l’ESC 

Concernant le système informatique, Xavier-Luc Duval rappelle que le recensement se fait à la main et les données transférées dans un serveur sous le contrôle du National Computer Board (NCB). «On ne sait pas si le problème provient du recensement ou de la base de données gérée par le NCB.» Et de faire une révélation qui interpelle. Selon lui, l’ESC a acquis un logiciel appelé «Social media Analysis Cloud» qui ressemble étrangement au tristement célèbre «Cambridge Analytica». «Que fait l’ESC de ce logiciel ? Pour prédire les élections ? S’il ne l’utilise pas, le NCB le fait-il ?» Il demande qu’une organisation indépendante et, pourquoi pas, du Commonwealth vérifie les données hébergées au NCB.

Recensement: comment ça marche

Ces derniers jours, vous avez sans doute reçu la visite d’officiers du bureau du commissaire électoral à votre domicile. Ils procèdent du 13 mai au 30 mai, à une mise à jour du registre électoral à Maurice, Agalega et Rodrigues. Les préposés, munis chacun d’un pass, font du porte-à-porte pour recueillir les informations en vue d’enregistrer les électeurs dans chaque famille. 

«Parmi les 2 578 fonctionnaires qui sont sur le terrain pour cette première phase du recensement, plusieurs comptent plus de 35 ans de service. En fait, ce premier volet de porte-à-porte devait se faire en janvier mais avec le Covid-19 et l’Omnicron notamment, nous l’avons décalé pour mai. La législation mauricienne prévoit un nouveau registre électoral chaque année», déclare le commissaire électoral, Irfan Rahman. 

La deuxième phase du recensement est ainsi prévue du 17 septembre au 1er octobre. «La première phase a bien commencé vendredi dernier. Nous recevons beaucoup d’appels. Je suis très content car les gens montrent plus d’intérêt. Une réunion quotidienne a lieu pour évaluer la situation. On effectue le recensement après les heures de bureau pour capter le maximum de gens. Et si on ne les trouve pas, on laisse un avis de passage», poursuit-il. 

Généralement, indique le site de la commission électorale, dans le cadre de cet exercice, les registres provisoires des électeurs sont mis à la disposition du public pour des consultations pendant une quinzaine de jours dans divers centres d’enregistrement de l’île, après les heures de bureau, en semaine et le samedi. Ces dates sont communiquées dans les médias et sujettes à des affichages. Ainsi, les citoyens peuvent s’y rendre pour s’inscrire si leur nom ne figure pas au registre ou demander la correction de leurs données. Ils doivent produire la carte d’identité nationale ou l’extrait de naissance ou le passeport. 

Selon le site de la commission électorale, les électeurs ayant changé d’adresse, ou toute personne ayant 18 ans ou qui aura 18 ans au plus tard le 15 août 2022, doivent s’inscrire afin d’être autorisés à exercer leur droit de vote. Par la suite, le registre final des électeurs est compilé et entre en vigueur. Sauf qu’au lieu du 16 août, cette année, ce sera le 30 novembre. Tout citoyen peut alors le consulter au bureau du commissaire électoral, dans les municipalités et conseils de district. En vertu de l’article 42 de la Constitution, un électeur doit être inscrit dans une seule circonscription, et ce, à condition d’y habiter à la «date prescrite», c’est-à-dire le 1er janvier de chaque année. 

Contestations de 2019 
Le 7 novembre 2019, 941 719 électeurs s’étaient rendus aux urnes. Sauf que certains n’ont pas pu voter. En effet, les élections nationales ont été ponctuées d’incidents au sein de l’ensemble des circonscriptions. Car bon nombre de Mauriciens n’ont pu exercer leur droit civique puisque leur nom ne figurait pas sur le registre électoral. Et pourtant, une bonne partie d’entre eux affirme ne pas avoir changé d’adresse résidentielle. Selon les chiffres communiqués alors par la commission électorale, 723 660 citoyens avaient voté sur un total de 941 719 électeurs enregistrés. Mais de ce nombre répertorié, 6 813 n’ont pu voter, ce qui représente un taux de 0,72 %. Plusieurs d’entre eux, mécontents, avaient laissé éclater leur colère dans la rue, ne pouvant accéder au bureau électoral. 

En 2019, à l’issue de l’exercice de recensement organisé du 11 au 24 janvier, environ 300 000 maisons avaient été visitées et 40 838 nouveaux électeurs inscrits.

Les Bangladais ont bel et bien le droit de voter à Maurice…

On fustige souvent leur présence aux meetings et rassemblements politiques. D’aucuns affirment qu’ils sont payés par des politiciens, qu’on leur offre quelques billets, des T-shirts et du briyani pour grossir les foules. Questions dès lors : les étrangers – Bangladais compris – ont-ils le droit de voter aux élections générales ? Sous quelles conditions ? 

Sollicité à ce propos, le commissaire électoral, Irfan Rahman, explique que seuls les citoyens du Commonwealth peuvent être inscrits au registre électoral. À condition de remplir les critères. «L’article 42 de la Constitution stipule que quelqu’un a le droit d’être inscrit en tant qu’électeur s’il est un citoyen du Commonwealth âgé d’au moins 18 ans. La personne doit avoir résidé à Maurice pendant une période d’au moins deux ans immédiatement avant la date des élections.» 

Irfan Rahman ajoute que l’article 44 (2) de la Constitution prévoit également que «nul ne peut voter lors d’une élection dans une circonscription s’il n’est pas inscrit comme électeur dans ladite circonscription». Des dispositions qui s’appliquent à tous les citoyens du Commonwealth, y compris ceux qui travaillent à Maurice. 

Le Commonwealth, ou Commonwealth of Nations, est une organisation intergouvernementale composée de 54 États membres, presque tous d’anciens territoires de l’Empire britannique. Le Commonwealth a émergé au milieu du XXe siècle pendant le processus de décolonisation. Il est formellement constitué par la Déclaration de Londres de 1949 qui fait des États membres des partenaires «libres et égaux». 

Le symbole de cette libre association est la reine Élisabeth II, qui est chef du Commonwealth. La reine est toujours le chef d’État monarchique de 15 royaumes du Commonwealth. Les autres États membres sont 33 républiques et cinq monarchies avec leur monarque. Les États membres n’ont aucune obligation les uns envers les autres. Ils sont réunis par la langue, l’histoire, la culture et les valeurs décrites dans la Charte du Commonwealth, telles que la démocratie, les droits de l’Homme et l’État de droit. 

Les électeurs non-mauriciens inscrits pour les élections générales de 2019, à Maurice, étaient de 838.

Brunei Darussalam 1
Ghana 1
Kenya 1
Malawi 1
Namibie 1
Nigeria 6
Singapour 2
Swaziland 2
Trinidad et Tobago 1
Ouganda 3
Zambie 1
Australie 3
Bangladesh 45
Grande-Bretagne 67
Canada 8
Inde 523
Malaisie 7
Mozambique 2
Pakistan 36
Afrique du Sud 68
Seychelles 40
Sri Lanka 19