Publicité
Affaire Peter Uricek: pourquoi l’Attorney General a mis 15 mois pour répondre aux autorités slovaques ?
Par
Partager cet article
Affaire Peter Uricek: pourquoi l’Attorney General a mis 15 mois pour répondre aux autorités slovaques ?
Les rôles sont inversés : c’est au gouvernement de répondre. Au Parlement le mardi 10 mai, Pravind Jugnauth, répondant à Reza Uteem, a donné des explications plus détaillées que celles contenues dans le communiqué du PMO du 30 avril 2022. Mais des questions surgissent.
S’il n’y a pas de problème concernant le visa de tourisme de 30 jours accordé au Slovaque le 19 février 2019 lors de son arrivée pour la première fois au pays, en revanche, on peut se poser la question pourquoi on lui a alloué un Business Visa de 50 jours le 3 avril 2019 après le voyage d’Uricek à l’île de la Réunion et cela en attendant son permis de séjour déposé à l’EDB le 14 mars 2019. Dans les milieux concernés, on souligne que le voyage d’un jour à l’île soeur ressemblerait bien à une astuce pour demander un Business Visa mais le gouvernement n’a rien vu d’anormal ! Bien que ce fût une autre histoire pour sa demande d’épouser sa copine mauricienne en avril 2022…
Le Premier ministre affirme aussi que la demande du Slovaque auprès de l’EDB pour un Occupation Pemit de trois ans est approuvée le 5 avril 2019 après qu’une vérification sur les «Controversial List of the Passport and Immigration Office, the Interpol Database and World Check […] returned no result.» Le permis lui est remis le 19 avril 2019 après une deuxième vérification sur ces mêmes bases de données, ajoute le PM.
Le 5 novembre 2020, le bureau de l’Attorney General reçoit une demande des autorités slovaques pour l’arrestation et l’extradition d’Uricek. Mais la demande slovaque est datée du 6 août 2020, a précisé le Premier ministre. Question : par quel moyen les autorités slovaques ont-elles fait parvenir cette demande au bureau de Maneesh Gobin pour que celui-ci la reçoive trois mois plus tard ? Par email, par avion ou par bateau, se demandent des proches d’Uricek. Pravind Jugnauth n’a pas élaboré là-dessus. La seule explication possible, vu qu’un message aussi important d’un pays européen ne pourrait être transmis que par voie électronique : le bureau de l’Attorney General a pris trois mois pour traiter ou prendre connaissance de la demande. Pourquoi ? Aucune explication.
Frontières fermées, mais pas trop
Nos frontières étaient fermées, dit le PM, «since 19 March 2020 and were only fully reopened on 01 October 2021…» Pourquoi cette précision du PM ? Pour expliquer le retard de l’Attorney General à considérer la demande des autorités slovaques ou celui du même Attorney General à répondre aux autorités slovaques pour leur dire le 25 janvier 2021 que Uricek est bien à Maurice ? Soit plus de deux mois après la ‘réception’ et presque six mois après la date de la demande des autorités slovaques.
Le PM affirme «fully reopened…» Il faut ici se souvenir des ballets de jets privés et même d’avions de ligne durant la fermeture des frontières. Pourquoi avoir attendu la réouverture «complète» pour se débarrasser du «dangereux» Slovaque, qui d’ailleurs sera embarqué le 26 avril 2022 à bord d’un avion spécialement affrété pour lui par son pays.
Mais comment expliquer tous ces retards du bureau de Maneesh Gobin ?
Ce n’est que le 22 mars 2021, soit trois mois après le réveil de l’Attorney General, que celui-ci prépare le Draft, c’est-à-dire le brouillon, des procédures d’arrestation et d’extradition de Peter Uricek. On ne sait pas la date à laquelle les procédures formelles ont été effectivement préparées et présentées en cour. Toujours est-il que ces brouillons de demandes d’arrestation et d’extradition, ou comme le dit Pravind Junauth, ces ‘applications’ «were kept in abeyance due to the second lockdown that began on 10 March 2021 and ended on 30 April 2021». Ainsi, ces démarches incomplètes et tardives ont été de plus suspendues, en raison – encore une fois – du deuxième lockdown. Pourtant, les démarches, les ‘drafts procedures’ ont été, si l’on comprend bien le PM, entamées le 22 mars 2021, c’est-à-dire, en plein confinement avant qu’elles ne soient stoppées net lorsque l’on ait réalisé que le pays était en lockdown depuis le 10 mars 2021 !
Ce n’est qu’à la suite de la réouverture, ‘complète’, précise Jugnauth, des frontières le 1er octobre 2021 que le bureau de l’Attorney General réécrira aux autorités slovaques – pourquoi une deuxième lettre ? il ne le dit pas – pour leur confirmer qu’Uricek est bien à Maurice. On ne connaît pas non plus la date exacte de cette deuxième réponse de l’Attorney General à la Slovaquie puisque le PM a dit vaguement : ‘«Following the reopening of the Mauritian borders on 01 October 2021…»
Toujours est-il que le 28 octobre 2021, «having received such confirmation, went on… – qui ‘went on’ ? L’Attorney General ou les Slovaques ? – to ascertain whether the Slovakian Authorities were ready, willing, and able to remove Peter Uricek from Mauritius, should an extradition order be made against him.»
Lorsque l’on apprend du même Pravind Jugnauth que les Slovaques répondront le 15 février 2022, – «the Attorney General’s Office received confirmation that the Slovakian Authorities were ready, willing, and able to remove P. U. from Mauritius» – , on est en droit de se demander si ce n’est pas le bureau de l’Attorney General qui aurait écrit aux Slovaques le 28 octobre 2021 et non entre le 1er et le 28 octobre 2021, pour confirmer la présence d’Uricek à Maurice et pour demander s’il sera «removed» par les Slovaques.
15 mois pour répondre aux autorités slovaques
Malgré les circonvolutions langagières utilisées, Pravind Jugnauth a trahi le terrible retard pris par le bureau de l’Attorney General à répondre aux Slovaques. Soit, presque 15 mois !
Après la confirmation reçue le 15 février 2022 des autorités slovaques à l’effet que ces dernières sont «ready, willing, and able to remove P. U. from Mauritius», la demande d’arrestation et d’extradition de Peter Uricek est enfin faite auprès de la cour de district de Port-Louis une semaine plus tard, le 22 février 2022. Le Slovaque est arrêté ce même 22 février mais obtient la liberté conditionnelle le 9 mars 2022. À partir de là, cela va très vite, comparé à la lenteur entre le 6 août 2020 et le 22 février 2022. Le PM souligne qu’entretemps, la procédure d’extradition suit son cours et la date pour l’audience est fixée au 11 mai 2022. Il ajoute que le permis de séjour du Slovaque allait expirer le 18 avril 2022. On est le 23 mars 2022. Le bureau du Registrar of Civil Status informe le PMO qu’Uricek veut épouser une Mauricienne. Le 28 mars 2022, le secrétaire au Home Affairs objecte à ce mariage qu’il juge de convenance, c.-à-d. juste pour permettre au Slovaque d’obtenir le permis de résidence à Maurice et que ce n’est pas un mariage d’amour. Le Slovaque fera le 31 mars 2022 une demande auprès de l’EDB pour le renouvellement de son Occupation Permit qui allait expirer le 18 avril 2022. Le PM ne dit pas si l’EDB l’a renouvelé ou pas. Mais il s’embarque sur un long discours sur le danger de laisser un «dangereux trafiquant de drogue» sur notre territoire.
Peter Uricek est donc devenu un résident indésirable après, dit le PM, que les autorités slovaques ont fait savoir à nos autorités que «for the period 2015 to 2018, P. U. and his criminal group provided precursors in the form of pills for the production of approximately 480 kilogrammes of methamphetamine for a value of at least 16.8 millions euros.» Mais quand exactement les autorités slovaques ont-elles communiqué ces importantes informations ? Pravind Jugnauth ne le dit pas non plus mais ajoute qu’après la réception de ces informations, il n’avait d’autre choix que d’invoquer les sections 6 et 9(8) de l’Immigration Act pour retirer son statut de résident au Slovaque le 26 avril 2022. Et que cela a été communiqué à celui-ci par la poste. Ainsi, le PMO qui s’était entendu avec les autorités slovaques pour leur remettre Peter Uricek «une fois l’extradition approuvée» l’a fait en utilisant une autre loi.
Mᵉ Bhanisha Gobin: «Nous redoublons de vigilance à tous les niveaux»
<div style="text-align:center">
<figure class="image" style="display:inline-block"><img alt="" height="500" src="/sites/lexpress/files/images/bhanisha_gobin.jpg" width="366" />
<figcaption><strong>Mᵉ Bhanisha Gobin, avocate d’Uricek.</strong></figcaption>
</figure>
</div>
<p><strong>Vous pensez sincèrement que Peter Uricek n’est pas un dangereux trafiquant de drogue ? </strong><br />
Je suis son avocate pour l’affaire d’expulsion ou appelez-le comme vous le voulez, pas pour l’accusation de trafic de drogue pour laquelle il devra répondre en Slovaquie avec l’aide de son avocat slovaque. Pour ce qui concerne mon affaire, je maintiens que Peter Uricek a été renvoyé dans son pays illégalement. </p>
<p><strong>Au Parlement ce même 10 mai 2022, la députée de la majorité Subashnee Luchmun Roy a voulu savoir du Premier ministre si l’on peut conclure que l’avocat de Peter Uricek a été payé avec l’argent provenant du trafic de drogue. Vos commentaires ? </strong><br />
Si l’avocat a été payé avec l’argent de la drogue, l’EDB et les autres autorités aussi l’ont été alors.</p>
<p><em>(Nous publierons l’intégralité de l’interview prochainement)</em></p>
Publicité
Les plus récents