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39e Salon de Mai: Palvishee Jeewon, tétons entêtants
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39e Salon de Mai: Palvishee Jeewon, tétons entêtants
En censurant un nu au 39e Salon de Mai, c’est l’une de ses jeunes enseignantes que le Mahatma Gandhi Institute (MGI) a visée. L’artiste Palvishee Jeewon est «part-time lecturer» à l’école des Beaux-Arts du MGI depuis décembre dernier.
Vendredi mouvementé pour Palvishee Jeewon. Elle est estomaquée d’apprendre qu’il faut «totalement retirer» son tableau du Salon de Mai. Alors qu’il y est déjà accroché aux côtés des œuvres des 93 autres participants.
Nous sommes «environ deux heures» avant le vernissage, le vendredi 20 mai, raconte la jeune artiste. C’est la première fois qu’elle expose au Salon de Mai. Pour la débutante, «il fallait à tout prix que mon tableau soit dans l’exposition, sinon il aurait fallu attendre encore un an». Le Salon de Mai est une manifestation annuelle, qui a été absente ces deux dernières années, à cause de la pandémie.
Son tableau intitulé The rise of Women Power pique les yeux de la direction du MGI. D’où la décision, dans un premier temps, de décrocher cet autoportrait nu. «Après ça, avec tous mes collègues, on s’est réunis pour discuter.» Car Palvishee Jeewon fait partie du personnel du MGI. Elle y est part-time lecturer à la School of Fine Arts depuis décembre dernier.
Avant d’y enseigner, Palvishee Jeewon a fréquenté l’institution en tant qu’étudiante. Après son First Class Honours en Fine Arts, en 2019, elle décroche une bourse pour poursuivre ses études en Master 2, aux BeauxArts de Marseille, qui fait partie de l’Institut national supérieur d’enseignement artistique Marseille-Méditerranée (Inseamm), en France. Rentrée à Maurice après deux ans d’études, Palvishee Jeewon prend de l’emploi à mi-temps dans l’institution qui a contribué à la former.
Face à la décision de la direction du MGI de décrocher son tableau du Salon de Mai, c’est avec le soutien de ses collègues de l’école des Beaux-Arts, qu’une sorte de compromis est trouvé. Les seins nus jugés offensants seront couverts d’un bandage. Avec la mention Censored.
Est-ce mieux ainsi que de ne pas montrer le tableau du tout ? Palvishee Jeewon est catégorique : «J’ai respecté ce que voulait le MGI. Je travaille là-bas. Ils pensent que mon tableau est obscène. Mais après tout, c’est le MGI même qui m’a donné la bourse pour Marseille.»
En France, elle a surtout étudié la peinture, les installations et la broderie, «parce que c’est lié à la thématique de la femme».
La note qui accompagne le nu controversé The rise of Women Power dit que ce titre célèbre un monde “where women take the lead of their own life in this contemporary world”. Et que «when people ask me what my work is about, I can only answer women !”
À 26 ans, Palvishee Jeewon clame : “Aujourd’hui, on vit dans un monde contemporain.» Ses études à Marseille lui ont permis de visiter plusieurs galeries européennes et de rencontrer de nombreux artistes qui y vivent et travaillent. «Je suis rentrée à Maurice après mes études. C’est ce côté de l’art contemporain que je souhaite transmettre en tant que lecturer. J’ai voulu apporter de la nouveauté. La nudité dans mon travail c’est pour montrer des femmes courageuses, audacieuses et indépendantes.» Sous le bandage de l’œuvre censurée, on devine un crâne entre les seins. Ce qui ramène à l’idée de mort, de la fin d’un corps vilipendé. L’artiste est aussi influencée par la mythologie indienne. «Ce n’est pas que dans l’hindouisme qu’il y a des restrictions pour les femmes», souligne-t-elle. Puisant de son expérience personnelle, Palvishee Jeewon, de Roches-Noires, a grandi dans une famille «où les filles avaient beaucoup de restrictions. Certaines familles mauriciennes estiment que si une fille porte certains vêtements, elle véhicule un message négatif, que c’est fait pour provoquer». En choisissant l’autoportrait nu, l’artiste montre que, pour elle, «tout a changé» après ses études. «Si j’avais peint un modèle, cela ne m’aurait pas donné le même ressenti.» D’où le contraste, dans The rise of Women Power, entre la puissance du nu de face et les scènes du quotidien en arrièreplan. Comme le thème du Salon de Mai cette année c’est New beginnings, «j’ai voulu montrer des femmes qui se battent pour vivre comme elles l’entendent. Alors que d’autres y arrivent déjà», ajoute la jeune artiste.
L’autoportrait nu – et tous les questionnements sur la place de la femme dans le monde contemporain – est une constante du travail artistique de Palvishee Jeewon. Pour elle, cet acte de censure ne diminue pas son élan créatif. D’Art Palo – c’est son nom d’artiste – compte bien exposer en solo.
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