Publicité
Interview|Samraj Mahadia: «Les couleurs politiques de Giraud et Lee Shim importent peu»
Par
Partager cet article
Interview|Samraj Mahadia: «Les couleurs politiques de Giraud et Lee Shim importent peu»
Si la crise actuelle était une course, Samraj Mahadia aurait sans doute été un excellent arbitre. Pour cause, il a non seulement réellement exercé comme commissaire (arbitre) des courses, mais de palefrenier, il a gravi tous les échelons (gagnant deux Maiden comme jockey) et il est aujourd’hui un entraîneur, qui fait l’objet d’une enquête pour la mort suspecte d’un cheval. Celui qui doit toute sa vie au MTC se permet de critiquer le club. C’est donc l’État qui a raison ? Absolument pas, répond-il. Que vous soyez initié aux courses ou que vous suiviez la crise actuelle de manière plus détachée, Samraj Mahadia nous propose un regard inédit, sépare le bon grain de l’ivraie et nous explique la saisissante réalité de la non-tenue des courses. Sa franchise est certes rafraîchissante, mais l’homme est angoissé pour ses finances.
On commence par la mort de GI Joe. Son tapis est fièrement accroché dans le salon de votre écurie. Pourquoi ?
Ce cheval m’était très cher. C’était mon premier achat en tant qu’entraîneur. C’est lui qui me donne ma première victoire comme entraîneur. C’est mon fils qui m’a demandé d’acheter ce cheval. Il y a eu de longues négociations avec les propriétaires en Afrique du Sud. On lui a accordé beaucoup de soin. C’était un membre de la famille. Il y a donc beaucoup d’émotions et de symbole.
Comment est-il mort ?
Une enquête est en cours et je ne peux pas en dire beaucoup. Certainement ce n’est pas le produit retrouvé dans son sang qui l’a tué. Il est mort d’un arrêt cardiaque. La HRD a prélevé son sang pour analyse et elle a retrouvé une trace de kétamine. La kétamine n’est pas un produit dopant. C’est un anesthésiant utilisé par les vétérinaires lors des opérations. Mon vétérinaire et moi sommes assez surpris. On suppose que ce sont des traces car on ne connaît pas encore la quantité retrouvée dans son sang. Si la quantité était importante, le cheval se serait endormi. Or GI Joe a connu une mort subite.
«La mort de GI Joe m’a tout l’air d’une contamination»
Ce n’est pas un produit dopant et vous n’avez donc pas voulu le doper ?
Ce produit ne peut ni servir à ralentir le cheval en course, ni à le faire aller plus vite. Je ne sais pas comment c’est arrivé dans son sang. L’hypothèse de mon vétérinaire et celle des autres vétérinaires sur sa mort, c’est une contamination. Il faut attendre et respecter les institutions. De toute façon, il n’y a pas de courses, on ne sait pas quand elles vont commencer. Tenter de doper un cheval en intersaison – de surcroît avec un anesthésiant – est un nonsens.
GI Joe n’avait pas l’air «anesthésié» avant de mourir ?
Non. L’arrêt cardiaque chez les chevaux qui est beaucoup plus fréquent qu’on ne le croit, est aussi subit qu’inattendu. L’animal ne montre aucun signe.
Vous allez donc faire l’objet de la première enquête de la «Horse Racing Division». Ça fait tache !
(NdlR : La HRD est une nouvelle entité créée par le gouvernement. Elle remplace le board des commissaires (angl. stipes/stewards) du MTC qui agissait comme arbitre et juge des courses. Elle a aussi pris le pouvoir du MTC de décider quelles courses seraient courues à quelle date).
Je n’aurais certainement pas voulu que ça tombe sur moi. J’ai été commissaire pendant 10 ans. La sécurité est très importante à mes yeux. J’ai moi-même conduit des enquêtes sur les produits retrouvés dans les urines ou le sang des chevaux. Je sais à quel point c’est sensible et la première chose que j’ai faite quand j’ai pris possession de mon écurie, c’était d’installer une caméra dans chaque box, ici ou à Floréal. À Port-Louis, j’ai 18 caméras pour 12 boxes. Tout est enregistré 24/7. Je surveille sur mon téléphone ou sur l’écran de mon DVR. Nous avons visionné les images de la veille de la mort de GI Joe et nous n’avons vu rien d’anormal. Attendons l’enquête de la HRD.
Vous faites confiance à la HRD d’abord sur l’enquête sur la mort de GI Joe et ensuite sur sa capacité à arbitrer les courses durant la saison ?
Oui. Je n’ai aucune raison de me méfier de la HRD. Quand je regarde ceux qui sont à la tête ou les commissaires, je vois des professionnels. Their CVs speak for themselves. Ils ont travaillé dans différents pays où ils ont fait leurs preuves. C’est une bonne chose et cela aidera à l’avancement des courses.
Mais la HRD est une création de la GRA qui est elle-même dirigée par des nominés du parti au pouvoir, qui a lui-même son agenda vis-à-vis de ses bailleurs. Vous comprenez cette inquiétude du MTC ou pas ?
Ecoutez, le MTC faisait un excellent travail. Les stewards que j’ai côtoyés pendant 10 ans étaient très intègres. Dan lekours dimounn koz enn pake koze. Kan zot perdi dan pos, zot pou dir ou komiser parsi, komiser parla, zoke parsi, zoke parla. Mais moi j’ai été à l’intérieur pendant 10 ans et je l’ai vécu. Je n’ai pas une seule seconde eu le moindre doute sur l’intégrité, la compétence, et la volonté de justice des commissaires du MTC. Maintenant, sur la HRD, elle n’a même pas encore pris son envol et elle est toujours au stade de développement. Je crois que la HRD est indépendante de tous ceux que vous venez de citer. Le peu que j’ai pu côtoyer ses membres depuis qu’ils sont là, ils m’ont l’air d’être très professionnels. C’est la police des courses et elle doit être intègre, indépendante, neutre et libre de toute pression ; je pense que ça va marcher. N’empêche, j’aurais préféré voir quelques commissaires locaux sur le board, parce que la piste du Champ-de-Mars est très particulière et c’est un facteur qui influe sur le déroulement d’une course. Un ou deux commissaires locaux aurait donc aidé les autres membres.
«Quelle idée d’aller doper un cheval avec un anesthésiant ? Pire, il n’y a pas de courses !»
Vous me donnez l’impression de manz banann dan dé bout. Le gouvernement brandit la HRD en invoquant une crise de confiance dans les commissaires du MTC. Celui-ci brandit la crise de confiance dans la classe politique. Vous refusez de trancher.
C’est mon opinion. MTC ou HRD, ça ne fait aucune différence pour moi. À partir du moment où le mot clé c’est integrity. It’s the core of clean racing. It starts with the stipes as it brings in public confidence. The work must be done and seen to be done.
Vous n’avez jamais douté des commissaires du MTC. Mais quelle enquête vous a le plus marqué ?
Aucune en particulier. Je n’ai pas d’anecdote à vous raconter, sinon vous rappeler que j’ai été jockey pendant 20 ans. Monn mont souval. Quand des jockeys comparaissent devant nous lors des enquêtes, je peux me mettre à leur place. Ça va dans les deux sens. Je comprends mieux leurs difficultés et je suis aussi moins enclin à gober leurs mensonges. Ena zoké rod kouyonn komiser. Parfois ça me fait sourire car ils peuvent vous sortir des arguments which don’t make sense.
Face à vous, ils ne peuvent pas dire «zamé ounn mont souval ou, ou pa pou konpran» ?
Exactement. Pour se défendre, ils disent toujours ça. Quand j’ai rejoint le stewards room, on n’a plus entendu ça.
Nous avons deux mois de retard sur le début de la saison hippique. Où vous situez-vous dans cette guerre MTC-gouvernement ?
Aujourd’hui, je porte un autre chapeau. Je suis entraîneur et j’ai le point de vue d’un businessman. Opérer une écurie est une passion, un sport, une adrénaline unique, mais c’est aussi un business. Ce qui arrive est malheureux. Les courses mauriciennes ont un très grand potentiel. C’est un patrimoine de 210 ans. C’est un argument énorme dans la vente du produit Maurice auprès des touristes. Ceux-ci viennent en masse aux courses. Les hôtels louaient même des loges pour vendre «une journée aux courses» à leurs clients. C’était, avant le Covid, un endroit à visiter absolument. La tournure des événements aujourd’hui est chagrinante. Cette guerre n’aurait pas dû avoir lieu. Le MTC est réduit à néant.
«People’s Turf a les fonds et le MTC, l’expertise. Ce qui reste à faire est évident, non ?»
Mais ce n’est pas un anéantissement subit, non ? Le MTC a connu un déclin progressif, n’est-ce pas ?
Définitivement. Le club a cru qu’il était propriétaire des courses. Lapis pou li, lékours pou li, et ils n’ont jamais imaginé qu’il y aurait une autre entité qui se positionnerait comme organisateur des courses. Pour eux, c’était un droit acquis et leur manière de penser était peut-être même légitime puisque le MTC a organisé les courses pendant 210 ans. Le MTC est resté figé dans le temps. Il n’y a pas eu le progrès escompté. Ajoutez-y le mismanagement or misadministration du club…
(On l’interrompt) Depuis quand le club est-il mal géré ? Vous ciblez Giraud ou d’autres avant lui ?
Je vous parle des 10 à 15 dernières années. Le début de la mort à petit feu remonte à cette époque et personne n’y faisait attention. Quand le Covid a frappé et que les faiblesses financières du club furent exposées, ce fut une douche froide. Je ne suis pas là pour cibler qui que ce soit à la présidence ou l’administration du club, mais ce dont je suis sûr, c’est que the curve was bad well before Covid.
Quand vous dites cela, n’êtes-vous pas en train de faire preuve d’infidélité au MTC qui a fait de vous ce que vous êtes aujourd’hui ? De palefrenier à entraîneur et propriétaire d’écurie, en passant par apprenti jockey, jockey, deux victoires au Maiden, commissaire ; vous devez tout à ce club !
Ce n’est pas de l’infidélité, c’est la vérité. J’ai toujours été un partisan de la vérité et vous dites vrai quand vous citez mon parcours. J’ai vécu les trois quarts de ma vie ici. J’y suis arrivé, enfant. Le MTC a assuré mes revenus en tant que jeune célibataire, époux et père de famille. Pour toutes ces raisons, pour l’amour que j’ai pour ce club, j’ai le droit de critiquer et d’exposer mon point de vue. Dans cette crise, le MTC n’est pas le seul à blâmer ; certainement pas. Mais il a sa part de responsabilité. Il a commis des erreurs, n’en a pas tiré les leçons et a commis les mêmes erreurs. Il s’est obstiné à croire qu’il était le seul à pouvoir organiser les courses, qu’il y aurait des courses tous les ans, que celles-ci n’allaient jamais mourir. Imaginer que le château ne s’effondre était impensable. Mais a posteriori on se dirait presque que the writing was on the wall. Je suis le premier à qui cela fait mal au cœur. Je connais les coins et recoins de ces lieux. Monn zoué kouk-kasiet, football Floréal ek isi ! Je suis le dernier qui serais infidèle au MTC.
L’État a une part de responsabilité ?
Définitivement. Les changements sont certes bons pour le progrès. Mais je reproche à l’État de n’avoir pas accordé une période de transition. L’État voulait donner un coup de main aux courses. C’est une bonne chose…
(On l’interrompt). Vous pensez réellement que «donner un coup de main à l’industrie» était sa motivation ?
Je l’ai pris comme ça. J’ose encore le prendre comme ça. J’ai beaucoup voyagé, je suis allé à Hong Kong à plusieurs reprises. Là-bas, le gouvernement dirige l’industrie. Le gouvernement ici s’est approché quand le club s’est retrouvé en difficulté, quand le public a perdu confiance dans le MTC, les commissaires, etc. Dimounn ti koumans kozé. Les journalistes mêmes ont toujours plaidé pour un changement. Enlever le stewarding du MTC n’est pas mauvais en soi. Mais la façon de faire est déplorable. Cette façon de tir isi, met laba, tap par isi, kal par laba, comme si l’État jouait aux échecs, est lamentable.
«Organiser les courses sans les infrastructures, les loges et le paddock du MTC serait ridicule.»
La façon de faire ne trahit pas la mauvaise motivation ?
Oui. Parfaitement. Et je vous le dis en toute franchise : où mène la façon de faire ? À la mort des courses tout simplement. Je ne vois rien de positif ; aucune lueur, rien. On ne fait que s’enfoncer dans la crise. À l’heure où l’on se parle, je ne vois que la mort des courses. Jusqu’à preuve du contraire dans les jours qui viennent, je ne vois rien de bon. L’État aurait pu faire les choses plus smoothly. S’il veut prendre l’industrie sous sa tutelle, qu’il le fasse. Mais il ne peut pas écarter le MTC et jouer contre lui de cette manière. Ou kontan ou pa kontan, le MTC organise les courses depuis 210 ans. L’expérience ne se gagne pas du jour au lendemain. Ou kontan ou pa kontan, le MTC est un modèle mondial dans l’organisation des courses. Louis Romanet, quand il était président de la Fédération internationale des autorités hippiques venait assister aux journées internationales ainsi que toutes les personnalités hippiques du monde ; ils ont fait l’éloge du MTC pour l’organisation «à la baguette» des courses. Vous ne récoltez pas ces éloges du jour au lendemain. Je ne vous dis pas que demain…
People’s Turf ne saura pas le faire ?
Justement, je ne vous dis pas que People’s Turf ne pourra pas le faire. Mais il lui faudra du temps. Lexperians pa asté ar larzan. People’s Turf pourrait peut-être un jour faire mieux que le MTC ; c’est tout le mal que je lui souhaite, car le plus grand bénéficiaire serait l’industrie et des écuries comme la mienne. Un mal que je souhaite à People’s Turf ou tout autre organisateur éventuel de courses.
J’ai lu dans les journaux que le Casino de «laplenn» (partie centrale du Champ-de- Mars) pourrait être utilisé comme loges et que la piste sablée pourrait servir de rond de présentation. (NdlR : là où les chevaux marchent pour se présenter au public quelques minutes avant chaque course). Vous imaginez ça, vous ?
(Enfin un petit sourire timide). J’ai lu ça aussi. Je ne sais pas ce qui se trame dans le casino. J’ai vu du sable qu’on a débarqué ici et là dans la plaine. Mais c’est malheureux. Vous avez toutes les infrastructures de l’autre côté de la route et maintenant vous vous apprêtez à retourner en arrière comme dans les années 70. C’est bête. Mon souhait c’est que le MTC et People’s Turf trouvent un accord. C’est simple, écoutez-moi bien. L’un a l’expérience, mais il n’a pas d’argent. L’autre possède l’argent, mais il n’a pas d’expérience. Si les deux joignent leur force, zot tou pou gagnan ! Je demande à toutes les parties : Met dilo dan zot divin ! Avec l’ego des uns et des autres, le plus grand perdant, c’est l’industrie. Voilà ce qui est en train de tuer les courses : l’ego !
Ça ne vous pose pas de problème que l’argent dont vous parlez provienne de Jean-Michel Lee Shim ?
Si Misié Lee Shim éna larzan li anvi investi dan lékours, je ne dirai pas non. Il a fait fortune dans les courses et les paris. Maintenant s’il veut réinvestir cet argent dans l’industrie, c’est une bonne chose non ? Chapeau à lui. J’aurais aimé voir tous ceux qui ont fait fortune aux courses, faire de même. Je ne vois pas pourquoi le nom Lee Shim pose un problème. Demain ç’aurait pu être vous, ou moi. Je vous le dis franchement, si je gagne un gros jackpot au Loto, ou que je ne devienne – grâce à je ne sais quel coup de chance – milliardaire, je donnerai énormément au MTC. Le club m’a donné tout ce que j’ai, et nulle part ailleurs, je n’aurai eu ce que j’ai aujourd’hui. Donc que Lee Shim ou un sheikh de Dubaï ou du Qatar vienne investir dans l’industrie, l’important, c’est que les courses hippiques se tiennent.
Mais M. Lee Shim n’a jamais démenti être un bailleur du MSM. Cela ne vient-il pas ajouter un autre élément de doute dans la crise de confiance du public vis-à-vis des courses ? La classe politique n’inspire certainement pas plus confiance que le MTC.
Écoutez, au moment où vous m’interviewez, connaissez-vous ma couleur politique ? Est-ce que je connais la vôtre ? Que M. Lee Shim finance le MSM, nou pann trouvé, nou inn ziss tandé. C’est peut-être vrai ou ça ne l’est pas. Je ne sais pas. Créer la confiance reviendrait à People’s Turf, s’il organisera les courses et bien sûr à la justice, l’équité et l’indépendance de la HRD.
«Si Lee Shim veut investir dans les courses, où est le mal ? On a une industrie à sauver.»
Qu’aurait dit votre mentor Jean Halbwachs s’il était en vie aujourd’hui ? (NdlR : La famille de Samraj Mahadia ne vient pas du milieu hippique. Jean Halbwachs, un dirigeant du MTC, l’a repéré au hasard lors d’un de ses joggings à Trou-Aux-Cerfs, l’a initié à l’hippisme et Mahadia lui doit donc toute sa carrière).
(Il fronce les sourcils et pousse un soupir). Il se retourne dans sa tombe. J’en suis sûr. S’il était là, on n’en serait pas là. Il savait naviguer entre les différents gouvernements. Il maîtrisait l’industrie du bout des doigts. Il n’était certes pas parfait. Il aurait peut-être, pour son amour des traditions, aussi résisté aux changements, mais il avait le flair de ce qui est bon ou pas pour l’industrie et il aurait su prendre les bonnes décisions. Ce qui a manqué, c’est un médiateur entre le MTC et le gouvernement.
Mais Jean Michel Giraud a essayé. Le Premier ministre a refusé de le rencontrer, puis l’a publiquement accusé de gérer les trésors de guerre du MMM…
J’ai été choqué d’entendre le Premier ministre dire cela. L’association des entraîneurs a interpellé M. Giraud sur la question et il nous a franchement expliqué qu’il connaît M. Bérenger depuis très longtemps. Il a déclaré son affinité au MMM. Mais cela ne fait pas de lui le trésorier du MMM.
Ça ne le disqualifie pas comme président du MTC ?
Absolument pas. Tout comme cela ne disqualifie pas M. Lee Shim comme investisseur dans l’industrie s’il finance effectivement le MSM. M. Giraud n’a pas eu entièrement raison dans cette crise. Il n’a pas eu entièrement tort non plus. Il avait sans doute raison de tirer la sonnette d’alarme sur l’érosion des prérogatives du MTC. Disons que sa façon de réagir n’a pas aidé. Comme on dit en kreol, linn rod bez kout sab par isi, kout sab par la, pou tay partou…
(On l’interrompt).
Il a manqué de tact ?
Exactement. Il est très franc. He speaks his mind. Un peu trop même. C’est peut-être à cause de sa passion pour le club. Quand vous êtes trop passionné, vous perdez votre jugement et votre tact. Sa grande, mais franche, gueule ne l’a pas aidé.
Vous pensez réellement qu’il s’est sacrifié ?
Bien sûr. Il est parti en grand homme après qu’on lui a fait comprendre – ou croire – que c’était lui l’obstacle au début de la saison hippique et un retour à la normale surtout avec les salaires des palefreniers et autres employés du MTC.
On a avancé depuis ?
Pas d’un iota ! Absolument pas !
Si vous saviez qu’on en serait là aujourd’hui vous auriez investi dans une écurie l’année dernière ?
Jamais ! Jamais ! C’est très dur pour nous. J’ai ouvert mon écurie le 1er octobre, et mon 1er partant, c’était le 9 octobre. Avant cela, j’étais en partenariat avec Patrick Merven. J’ai beaucoup investi. Je ne suis pas venu faire de la figuration.
Que montre votre «balance sheet» ?
Des pertes de Rs 400 000 à Rs 500 000 par mois depuis janvier ! Rien que ça. Rs 500 000, c’est la somme que je dépense tous les mois avec mes 30 chevaux. Et il n’y a quasiment pas de revenus. Les propriétaires paient leur keep money, et je croise les doigts pour que ça dure. Il y a un petit groupe qui ne peut plus payer. Que voulez-vous que je leur dise ? Ils n’ont pas acheté des petits chats de compagnie. Quand on achète un cheval, c’est pour le faire gagner et toucher le stakesmoney. C’est pour le confier à une écurie qui en prendrait grand soin, parier sur lui, gagner des courses, crier son nom dans la ligne d’arrivée et aller le chercher en piste pour le ramener au paddock. Je ne sais pas combien de temps je pourrai me permettre de rouler à perte comme ça. S’il n’y a pas de courses dans deux ou trois semaines, il faudra mettre la clé sous le paillasson. J’essaie de m’agripper jusqu’à la dernière seconde. Je ne sais que faire ça. Je ne sais rien faire d’autre. J’ai le privilège de vivre de ma passion. Mais ma passion est en train de se transformer en stress et mène à la banqueroute. J’entrevois et je crains le moment où il faudra que je dise «Enough !»
Vous êtes allé à Petit-Gamin ?
Non. Mais je suis curieux. Tout ce qui concerne l’hippisme me rend curieux. Si on y prévoit effectivement une clinique et une piscine pour chevaux, des pistes d’entraînement tels que j’ai entendus, ce serait à n’en pas douter une énorme avancée pour l’industrie.
Mon ultime question. Il y a de la place sur ce mur pour une grande photo. Vous choisissez laquelle : votre «pillar to post» sur «Have Mercy» dans le 1er des deux Maiden que vous remportez, ou GI Joe ?
Sans hésitation, GI Joe. Le 1er Maiden est certes incroyable. En gagner un est le rêve de tout apprenti. Mais gagner ma première course en tant qu’entraîneur avec ce cheval-là pour ce qu’il représente pour moi me procure plus d’émotions. Allez comprendre.
Publicité
Les plus récents