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Arrestations et torture: police horribilis
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Arrestations et torture: police horribilis
Ces hommes sont-ils des assassins, des violeurs ? Ont-ils commis des agressions atroces ? À première vue, non. Ce qui est sûr, des policiers, eux, ont été pris en flagrant délit d’agression.
Des vidéos, qui ont provoqué choc, indignation et dégoût, montrent des individus subissant un traitement ignoble aux mains de policiers qui ont l’air de se délecter des souffrances et cris de leurs victimes. Le premier, un certain Christopher Pierre Louis, celui que l’on voit nu, en train d’être torturé près d’une motocyclette, avait été forcé en 2019 d’avouer un vol. Cependant, selon ses proches, Christopher Pierre Louis n’avait pas volé, mais acheté, des pièces de rechange d’un habitant du Nord et qu’il devait lui payer en tranches. Christopher Pierre Louis n’aurait pas pu régler toute la somme et l’on ignore pour quelle raison. Le vendeur aurait alors contacté ou été contacté par l’inspecteur de police Derochoonee qui lui avait conseillé de déposer une plainte pour vol. Ce que le vendeur aurait fait.
Fort de cette plainte, l’inspecteur et ses hommes ont débarqué chez Christopher Pierre Louis pour le forcer à avouer le vol sous la torture. Et il a avoué, plaidé coupable au tribunal avant de payer une amende de Rs 10 000. Il nous revient aussi que Christopher Pierre Louis a dû s’acquitter d’autres sommes sous la menace d’autres accusations de vol, sommes qu’il aurait remises aux policiers. Pour services rendus au vendeur ? On l’ignore.
Ce qui est tout aussi grave dans cette affaire, c’est que normalement, un achat ou service non réglé en totalité ne tombe pas sous le Code pénal. La personne qui se sent lésée doit engager un procès au civil. Il faut donc payer des hommes de loi et attendre parfois plusieurs années. Si le plaignant obtient gain de cause, il faudra alors que le défendeur ait les moyens de le dédommager. Le vendeur a-t-il voulu faire vite et encourir moins de frais en engageant les services de… policiers ?
Toujours est-il que Christopher Pierre Louis a dû payer une amende et effectué probablement d’autres paiements pour les pièces de rechange et des «frais» illégaux. Il a en même temps subi des violences et tortures, pour lesquelles il a porté plainte dans la nuit de samedi au poste de police de Piton, accompagné de son avocat Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry et aussi de Mᵉˢ Rama Valayden, José Moirt, Shakeel Mohamed, Neelkanth Dulloo, Yatin Varma, Anoup Goodary et Cliff Grenade. Il portera également plainte au central CID, aujourd’hui.
Si l’histoire de dettes impayées se confirme, il y aura, en outre, d’autres accusations contre les policiers tourmenteurs. Il faudra qu’ils expliquent comment ils ont fait pour convertir une affaire civile en pénale et pourquoi ils ont mis tant de zèle à régler cette affaire. On saura aussi si des policiers travaillent pour la population ou dans leur intérêt et celui de particuliers.
Dans l’autre cas, l’homme avec un pneu autour du corps, il s’agirait d’un habitant de Triolet suspect dans une affaire de mœurs sur Facebook.
Une troisième vidéo montre autre individu, toujours nu et menotté, forcé de laver un morceau de tissu devant ses «bourreaux», sous une pluie de moqueries et d’injures.
Le taser de la discorde
Les policiers ont-ils le droit d’utiliser un taser dans l’exercice de leurs fonctions ? «Pour utiliser la moindre arme, celle-ci doit être autorisée par la police. Les seuls outils permis sont le bâton, le revolver qui requiert une signature pour en prendre possession, les menottes, le carnet et un crayon. Le taser est totally unlawful», explique Mᵉ Shakeel Mohamed. De plus, le taser est interdit d’importation sauf sous la FirearmsAct et, selon une source policière, la police locale n’est pas équipée de cette arme. Comment cela se fait-il donc que des policiers torturant ces suspects étaient équipés de taser. «La seule réponse plausible serait qu’ils s’en sont procuré au marché noir et l’utilisent à leurs fins. The taser is not provided by the Mauritius Police», soutient un haut gradé.
Ils ne sont donc pas censés l’utiliser. «Dan lapolis, kan aret enn dimounn, bizin servi minimum lafors, sa védir tonfa baton, si suspect pa pé abide, lerla servi federal steamer é an dernié rékour servi revolver pou tir dan lipié sispé. Okenn polisié pa gagn drwa tortir enn sispé», s’indigne ce dernier, révolté après avoir visionné ces vidéos. Il avance qu’une enquête doit être ouverte de toute urgence. «Mem si vidéo-la dat dépi trwa-z-an ou dizan bizin éna enn lanket ek aret sa bann ofisié-la pou tortir.»
Sollicité pour une réaction, le chef de la cellule de communication de la police avance avoir pris connaissance de cette vidéo de torture et que le commissaire de police (CP), très concerné à ce sujet, a donné des instructions pour une enquête. Le CP lance aussi un appel aux personnes ayant des informations sur ces actes de torture de venir le rencontrer. «Ceux trouvés coupables de ces actes humiliants et dégradants seront appelés à répondre et le CP prendra des sanctions exemplaires contre eux», affirme l’inspecteur Shiva Coothen.
Des «bourreaux» toujours en poste…
Selon une source, cette vidéo se trouvait en possession d’un des membres de la police criminelle de Terre-Rouge. Un de ses proches aurait téléchargé la vidéo et en a fait des copies sur un pendrive. Une copie avait aussi été remise au CCID pour enquête. Les enquêteurs avaient demandé à celui qui avait remis la vidéo de venir de l’avant avec une plainte, mais il n’y a jamais eu de suite. Les présumés bourreaux sont toujours en poste à la CID de Terre-Rouge. Seul le detectiveinspector Kailash Derochoonee a été transféré après une enquête ouverte contre lui dans une affaire de pots-de-vin.
Retour sur quelques cas
Ce n’est pas la première vidéo de torture d’un suspect qu’on voit sur les réseaux sociaux. Voici quelques cas qui ont défrayé la chronique :
Krishna Seetul : coups de taser, piment et serpillière
Krishna Seetul est arrêté avec un certain Kovilen Chokupermal, le 1er février 2020, dans une affaire de vol à l’arraché à Arsenal. On ne sait pas s’il était vraiment impliqué dans ce larcin. Ce qui est sûr, c’est que lui aussi a fait les frais de tasers sur plusieurs parties de son corps, y compris ses parties intimes. C’est en tout cas ce qu’il allègue dans une plainte préparée par l’avoué Rajendra Appa Jala et l’avocat Sanjeev Teeluckdharry. Selon la plainte, Seetul parle aussi de coups reçus des agents Shibchurn et Pargass, tous membres de la CID de Terre-Rouge.
Un autre agent aurait introduit de la sauce de piment dans sa bouche et frotté le reste sur ses blessures. Avant de le forcer à boire trois bouteilles d’eau. Ce n’est pas fini. Le policier Pargass aurait aussi frotté les blessures de Seetul avec une serpillière trempée dans du détergent. Ce n’est que peu après qu’un autre agent serait intervenu et aurait demandé à ses collègues d’emmener Seetul d’urgence à l’hôpital. Ce qu’ils ont fait non sans l’avoir menacé pour ne rien révéler de la correction qu’il avait reçue des policiers et pour dire qu’il avait été lynché par des membres du public. L’inspecteur Derochoonee donnera même cette version sur sa page Facebook qui sera relayée par un site d’informations proche du gouvernement.
Vinesh Reetun, torturé physiquement et mentalement
Selon une plainte, préparée par Mᵉˢ Rajendra Appa Jala et Sanjeev Teeluckdharry et déposée par Vinesh Reetun, la maison de ce jeune de 26 ans est fouillée le 18 mai 2018 par une équipe de l’ADSU. Il se rend à l’ADSU de Curepipe, avec son avocat Mᵉ Neelkanth Dulloo. Aussitôt celui-ci parti, des officiers de l’ADSU commencent un deuxième «interrogatoire». Ils tentent de lui faire avouer que la drogue, présumément retrouvée chez lui, lui appartient. Sinon, ses parents iront en prison avec lui. Devant son refus, on lui propose un autre deal : qu’il avoue que la drogue appartient à une autre personne dont il donnera l’identité s’il ne veut pas que lui et ses parents aillent en prison.
Nouveau refus. Commence alors le passage à tabac : coups de poing et de pied. Et lorsqu’il s’en plaint au chef inspecteur Alan Ramtanon, celui-ci lui conseille d’avouer pour arrêter les baffes et aussi pour éviter que lui, Vinesh, ses parents et son frère aillent en prison. Nouveau refus. Il est alors emme- né au centre de détention de Vacoas. Arrivé là-bas, il perdra connaissance. On le transporte à l’hôpital Candos où on lui prescrit du Zanax. Retour au centre de détention où il passera 18 jours en confinement solitaire 23 heures sur 24.
Shah-Baaz Choomka, 467 jours de préventive pour «fausse drogue»
Ce jeune de 27 ans était, le 13 juin 2020, en compagnie d’une amie dans une guest house à Trou-aux-Biches, lorsqu’il entend frapper à la porte et une voix féminine lui demander d’ouvrir pour prendre une savonnette et une serviette. Il refuse d’ouvrir, ne comprenant pas pourquoi on lui apporte ces objets. Peu après, la porte est enfoncée et dix hommes, dont certains encagoulés, pénètrent en force dans la chambre. Les coups de poing et de bottes pleuvent et il reconnaîtra plus tard parmi ses agresseurs le sergent Vydelingum de l’ADSU de Rose-Belle. Qu’il poursuit maintenant ainsi que l’État, le commissaire de police et un autre agent de l’ADSU du nom d’Appasamy. Son avocat est Mᵉ Sanjeev Teeluckdharry et son avoué, Mᵉ V. Atmarow. Shah-Baaz passera 467 jours en détention préventive car, à chaque fois, sa demande de libération conditionnelle sera refusée. Jusqu’à ce que le rapport du Forensic Science Laboratory affirme, le 24 septembre 2021, que la substance saisie n’était pas de la drogue.
David Gaiqui, victime de la police et de négligence médicale
Feu David Gaiqui est arrêté le 26 janvier 2018, toujours par la CID de Terre-Rouge, mais avec l’aide de leurs compères de Curepipe. On connaît l’histoire de chaîne, de menottes et de coups de taser. De pressions psychologiques aussi : soit il avoue un vol de diesel ou il sera poursuivi pour meurtre. Meurtre de qui ? Personne ne le sait. On se rappelle aussi comment son avocat, Mᵉ Anoup Goodary, qui s’était rendu aux Casernes centrales pensant faire une déposition contre les policiers qui avaient torturé David Gaiqui, s’est retrouvé avec une déposition à son encontre par la police pour breach of ICTA. Les avocats de Gaiqui, Mᵉˢ Sanjeev Teeluckdharry, Ravi Rutnah, Neelkanth Dulloo, Deepak Rutnah, Erickson Mooneeapillay, Neeven Moonesamy, et l’avoué Rajendra Appa Jala ont porté plainte en janvier 2020 pour torture contre les policiers responsables. Il n’y a jamais eu de suite dans l’affaire de vol contre Gaiqui, ni dans celle contre les policiers car «l’enchaîné» décédera le 9 mai 2020, présumément de négligence médicale.
Khaleel Anarath battu à mort par des policiers ?
Le 11 novembre 2019, Mohummad Khaleel Anarath est arrêté pour avoir donné des instructions afin de commettre un crime. Il n’est plus là pour raconter et encore moins pour poursuivre les policiers car mis en détention à Alcatraz, il décédera après deux semaines. De nombreuses traces de violence étaient présentes sur son corps. Sa famille soupçonne des commanditaires qui auraient payé pour l’éliminer.
En mars 2018 : Eddysen Pachee avait été arrêté pour une affaire de drogue synthétique. Il est décédé le 26 mars 2018 alors qu’il était en détention aux mains de la police. L’autopsie avait révélé qu’il portait des blessures sur plusieurs parties de son corps.
En mars 2020 : Michael Louise, qui était détenu à la prison de Beau-Bassin, avait été retrouvé mort dans sa cellule. Son décès avait été causé par de multiples blessures. C’était en mars 2020. C’est l’une des rares fois où la police avait parlé de l’existence d’une vidéo montrant qu’il tentait d’enfoncer une grille. Le détenu était tombé et d’autres prisonniers lui ont marché dessus, lors de la mutinerie à la prison quelques jours auparavant.
En avril 2020 : Alain Auguste, qui était détenu à la prison de Melrose, avait aussi été retrouvé mort dans sa cellule. Sa famille avait informé la police qu’elle soupçonnait un «foul play». Puis, le 5 mai, Caël Permès avait lui aussi été retrouvé mort dans sa cellule. Une enquête avait été ouverte, un gardien avait avoué avoir désactivé une caméra de surveillance, il y a eu des arrestations puis, plus rien. Le 13 mai, c’est Jean Maurice David Utcheegadoo qui avait été retrouvé sans vie dans sa cellule. Il se serait donné la mort par pendaison au seul endroit qui n’était pas couvert par les caméras.
Le 16 avril 2021 : Le 22 février, Ayaaz Gungah était lui aussi mort en cellule policière et ses vêtements portaient des traces de sang. Le frère de cette victime était aussi décédé alors qu’il était en détention policière. Le même jour, Anielle Humbert a trouvé la mort en détention et elle avait des ecchymoses sur le corps. Un mois après, Aniketh Dookhit est décédé après une chute du véhicule qui le transportait de la cour à sa cellule.
1993 : Une mort en cellule policière survient durant cette année-là. Il s’agit de celle d’Eddie Labrosse. Selon les informations, ce dernier a succombé à une fracture du crâne.
Le 21 février 1999 : Le chanteur Joseph Réginald Topize, dit Kaya, meurt en cellule policière à Alcatraz. Sa mort suspecte mène à des émeutes sur l’île. Le Dr Harish Surnam, médecin légiste, a déclaré que son décès a été provoqué par une blessure à la tête. Son épouse avait entamé des poursuites judiciaires pour brutalité policière.
Le 14 janvier 2006 : Rajesh Ramlogun, arrêté deux jours plus tôt par la Major Crime Investigation Team alors dirigée par feu Prem Raddhoa dans le cadre de l’enquête sur le meurtre des bellessœurs Jhurry à Lallmatie, décède des suites d’un traumatisme crânien. Il était alors en détention policière. Ses proches soupçonnent qu’il a été victime de brutalités policières. Cela dit, quatre des ex-membres de cette unité avaient été blanchis en cour en 2016.
Le 5 mai 2020 : Le détenu Jean Caël Permes de 29 ans, incarcéré pour rogue and vagabond, décède dans sa cellule à La Bastille, à Phoenix. Des images du cadavre avaient circulé sur les réseaux sociaux et indiquent que ce dernier aurait été victime de torture.
Violation des droits humains: Ce qui se passe en cas de torture
Choc, consternation, effroi, colère : autant d’émotions envahissent les internautes et le public en général après avoir pris connaissance de ces dérives policières. Quelle en est la portée sur les droits humains ? C’est clairement, affirme l’avocat et député, Shakeel Mohamed, une violation de toutes les conventions internationales, dont Maurice est signataire. Dans tous les efforts pour faire respecter les droits humains, les gouvernements successifs ont promis plein de mesures, notamment le Police and Criminal Evidence Bill ou des outils comme l’enregistrement vidéo des interrogatoires, mais en vain, ajoute-t-il. «Ce sont des promesses vaines. Le Police and Criminal Evidence Bill a été porté à l’Assemblée nationale en 2014 mais avec le changement de gouvernement, ce n’est plus jamais revenu sur le tapis. Je crois que c’est lamentable du côté des droits humains», déclare-t-il.
Maurice dispose des meilleures lois possibles, ajoute-t-il, mais c’est dans leur mise en pratique que le bât blesse. «Cette institution que les gouvernements successifs ont créée pour être la police des polices, ne marche pas. Aucune enquête ne me vient en tête où la police a été investigated for violence that has led to the conviction of police officers. La réaction de la police est d’être toujours sur la défensive et de décrédibiliser les éléments de preuves, même aussi forts que ce qu’on a vu dans les vidéos.»
Le deputy chairperson de la National Preventive Mechanism Division de la Commission des droits humains, Iqbal Toorabally, se dit interpellé par ces vidéos. «C’est une claire violation des droits humains. On a l’intention d’intervenir et de demander des explications au commissaire de police», soutient-il. Qu’en est-il des sanctions post-dénonciation ? Des mesures disciplinaires à l’égard de ceux incriminés peuvent survenir. Hélas, dans beaucoup de cas, seule une mutation du policier incriminé survient. Au-delà de la violation des droits humains, ces actes représentent des charges criminelles qui doivent être retenues contre leurs auteurs, ajoute-t-il.
Suspendus, mais pas condamnés
«En tant qu’organisme de prévention, nous analysons les circonstances et recommandons des améliorations au système. Les mesures de la Disciplinary Forces Commission pouvant être appliquées au niveau de la police incluent l’interdiction, la suspension ou la retraite dans l’intérêt public. Sur le plan criminel, le cas doit être rapporté à la police. Si les policiers incriminés ont commis des actes illégaux, ils peuvent être arrêtés», indique Iqbal Toorabally.
D’ailleurs, l’avocat et directeur de l’association Dis-Moi Maurice, Mᵉ Erickson Mooneeapillay, souligne qu’en vertu de l’article 78 du Code pénal, un délit de torture par un officier public est passible d’une peine d’emprisonnement de dix ans. Mais pour cela, une plainte de la victime est nécessaire. Pour sa part, Lindsey Collen revient sur les actions entamées par Justice de Lalit pour dénoncer les brutalités policières. «Depuis 1979, Lalit suit les pratiques de torture par la police avec l’affaire de Serge Victorine ainsi que celles de Kaya et Ramlogun. Pendant deux ans, nous avions des sessions de témoignages d’hommes, victimes de ces actes, dans plusieurs localités sous l’initiative Justice», affirme-t-elle. Divers témoignages ont été publiés et un registre de décès en cellule policière compilé. «Ce sont effectivement des tortures horribles avec des éléments électriques, notamment sur les parties privées. Il y a même des noms pour les différentes tortures utilisées par la police. Pendant un certain temps, nous avons vu une amélioration de la situation mais on dirait que cela s’est dégradé à nouveau», ajoute-t-elle.
Selon Lindsey Collen, après la mort de Rajesh Ramlogun en 2006 et d’Iqbal Toofany, il y a eu des suspensions et des poursuites, mais aucune condamnation. Dans l’affaire Toofany, en 2015, déclare Erickson Mooneeapillay, cinq policiers ont été arrêtés pour torture, puis acquittés en cour intermédiaire. Mais le Directeur des poursuites publiques a fait appel et le jugement, mis en délibéré, est en attente, confie-t-il. En 2020, renchéritil, un policier a été arrêté après une vidéo montrant les frères Ricardo et Billy Samrandine torturés avec un taser. Ce dernier est suspendu, indique-t-il.
Quelles actions concrètes sont nécessaires face à ces «tortures» ? Shakeel Mohamed estime qu’il faudrait des assises comme une commission Justice et Vérité pour que des citoyens puissent dénoncer les sévices et violences policières dont ils ont été victimes et il ne faudrait pas balancer le rapport dans un tiroir. «Sans volonté politique, il n’y a pas de chemin de sortie», souligne-t-il.
Risques de «cover-up» Si des aveux sont obtenus par la violence, les avocats peuvent faire une motion de voir dire qui mettra au défi l’admissibilité de cette confession. «La très grande majorité des magistrats et des jugements refusent de reconnaître que la violence existe. Le problème est donc également structurel. D’ailleurs, le rapport MacKay préconisait qu’il fallait recruter autrement, avoir une école de magistrature et s’assurer de son indépendance. Je ne blâme pas les magistrats et juges mais on semble être amateur dans l’âme en ne donnant pas des outils à la police, comme le bodycam», poursuit Shakeel Mohamed. Selon Erickson Mooneeapillay, il est impératif de mettre de l’ordre dans la police et cela nécessite évidemment une volonté politique. «Pendant une dizaine d’années, on a crié dans le désert. Il est temps de promulguer le Police and Criminal Evidence Bill», déclare-t-il.
En cas de torture présumée, si une enquête est ouverte, elle sera inéluctablement menée par d’autres policiers. Qu’en est-il des risques de cover-up ? «Aujourd’hui, la majorité des policiers sont respectables mais il y a cette minorité, protégée par certains chefs hiérarchiques, protégés eux-mêmes par des politiciens. Que ce soient les policiers eux-mêmes ou la population, ils craignent d’enquêter de façon indépendante ou de dévoiler certaines preuves et vérités et de témoigner. On est otage d’un système où ces derniers risquent de ne pas être promus ou de voir leurs familles victimisées», précise Shakeel Mohamed.
Une préoccupation réitérée par Erickson Mooneeapillay. «Il peut y avoir cover-up. Et cela arrive dans plusieurs cas. Malheureusement, la police enquêtera sur la police. Il y a bien l’Independent Police Complaints Commission mais à Maurice, bien des institutions ne fonctionnent pas comme elles le devraient.»
Du fait que le taser soit interdit dans les forces de l’ordre, estce qu’en utiliser un pour torturer rajoute aux charges criminelles ? Selon notre interlocuteur, un acte de torture consiste à infliger des gifles, des coups de poing, entre autres, à une autre personne. «Cela peut augmenter en termes de sentence dépendant de la situation et si c’est lié à une arme illégale», confie-t-il. La personne qui filme l’acte de torture est également passible d’un chef d’accusation de non-assistance à personne en danger.
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