Publicité

Kailash Purryag: «Ce n’est pas l’institution qui fait l’homme, c’est l’homme qui fait l’institution»

31 mai 2022, 19:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Kailash Purryag: «Ce n’est pas l’institution qui fait l’homme, c’est l’homme qui fait l’institution»

Selon certains, cet amendement constitutionnel voté en 1995 aurait ouvert la voie au poste de speaker à un personnage comme Sooroojdev Phokeer. Pour rappel, l’alliance PTr-MMM, qui venait d’obtenir un 60-0 cette année-là, avait proposé de nommer un speaker de la société civile et pas un élu. L’opposition issue du Best Loser System et composée, entre autres, de feu Gaëtan Duval, n’avait pas objecté. De toute façon, nous dit Nicolas Von-Mally, «le gouvernement avait plus que la majorité requise pour amender la Constitution». Cet amendement est donc passé et feu Ramesh Jeewoolall est nommé une deuxième fois président de l’Assemblée nationale. 

Parti pris, violence verbale 

L’amendement constitutionnel est-il responsable de la situation actuelle au Parlement ? Kailash Purryag est catégorique : «Non, et c’est un faux débat. Il y a eu d’autres speakers choisis en dehors du Parlement comme Ramesh Jeewoolall, Dev Ramnah ou Razack Peeroo par la suite. Pourrions-nous dire qu’ils n’étaient pas à la hauteur et qu’ils n’ont pas agi comme speakers impartiaux et indépendants ? Je ne veux pas parler de moi, je laisse le soin aux autres d’en juger.» 

Et Maya Hanoomanjee ? «On ne peut la qualifier de parangon d’impartialité et d’indépendance. Cependant, elle a quand même, en certaines occasions, démontré qu’elle était indépendante.» Bref, pour cet ancien président de la Chambre, à part Sooroojdev Phokeer et, dans une moindre mesure, Maya Hanoomanjee, tous les autres speakers depuis 1995 se sont montrés justes et neutres. 

Rajen Narsinghen, Senior Lecturer à l’université de Maurice, rejoint Purryag sur la prestation de Maya Hanoomanjee, qui, ditil, n’avait pas fait montre d’autant de parti pris que Phokeer et n’est jamais tombée dans la violence verbale de Phokeer. 

Kailash Purryag va plus loin. «Ce n’est pas l’institution qui fait l’homme, c’est l’homme qui fait l’institution. Cela s’applique aussi aux autres institutions, que ce soit la Public Service Commission, l’ICAC, le commissaire de police ou le bureau de l’Audit et même celui de Premier ministre.» La nomination du speaker en dehors du Parlement existe aussi ailleurs, nous dit-il, par exemple à Singapour. 

Nicolas Von-Mally, qui était un des quatre membres repêchés grâce au système de Best Loser en 1995, est même d’avis que «les speakers comme Ramesh Jeewoolall, Dev Ramnah, Razack Peeroo ou Kailash Purryag voulaient tellement se montrer impartiaux qu’ils favorisaient parfois plus l’opposition». Il se souvient comment Dev Ramnah avait rappelé à l’ordre le PM de l’époque, Paul Bérenger, qui était pourtant le chef de son parti. 

Pourquoi pas un ancien juge ? 

Rajen Narsignhen pense qu’un speaker-député pourrait difficilement se démarquer de son parti d’origine, surtout s’il veut être candidat à nouveau. C’est pourquoi il est d’avis qu’un non-élu pourrait se montrer plus neutre. Pourtant Sooroojdev Phokeer fait le contraire, non ? Explication de Narsinghen : «Son cas est particulier de même que sa personnalité. Il est trop pro-MSM et est un enfant de ce sérail. Dois-je vous rappeler qu’il était le Campaign Manager du MSM au numéro 13 en 2014 et au numéro 10 en 2019 ? Il faisait aussi partie du Bureau politique du MSM. Il a été de tout temps proche des Jugnauth.» 

Narsinghen reconnaît que d’autres speakers comme Purryag, Peeroo ou Jeewoolall ont aussi été des politiciens «mais ils ont su prendre leurs distances du parti une fois nommés, même si pour certains cela a pris plus de temps». 

Pour éviter des situations comme celle où l’on a hérité d’un Phokeer à la présidence de l’Assemblée nationale, l’universitaire est d’avis que ce poste doit être occupé par un ancien juge respecté qui sera loin de la politique, tout en maîtrisant les lois et règlements du Parlement. Kailash Purryag nous rappelle en passant que le poste de speaker jouit de la «Security of Tenure». 

Cela dépend donc du personnage. Et du pays aussi. En Angleterre, nous dit Purryag, «70 membres du parti conservateur au pouvoir en 1992 avaient voté pour que l’élue travailliste Betty Boothroyd soit speaker. Dans ce pays, le speaker est toujours élu mais, nous dit Narsinghen, il se démarque de son parti une fois nommé président de la Chambre.» 

La nomination de Phokeer a été pourtant approuvée par l’opposition en novembre 2019 mais, nous dit-on, elle ne pouvait deviner que ce speaker allait conserver sa partisannerie. Selon nos informations, Paul Bérenger n’était pas d’accord, évoquant le problème jugé très grave que Sooroojdev Phokeer avait causé à la réputation de Maurice alors qu’il était notre ambassadeur en Égypte. Il avait d’ailleurs été rappelé au pays après l’incident.