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Policiers tortionnaires: pourquoi ne pas introduire le système de juge d’instruction ?
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Policiers tortionnaires: pourquoi ne pas introduire le système de juge d’instruction ?
L’affaire Kistnen, retombée entre les mains de la police, qui semble faire fi des conclusions et des révélations de l’enquête judiciaire du tribunal de Moka ; les nombreuses affaires de corruption impliquant les hommes du pouvoir ou proches de lui qui dorment dans les tiroirs ; les allégations de brutalités et de bavures policières qui sont suivies par les policiers eux-mêmes, investigations dont on nous dit durant des mois et parfois des années qu’elles sont en cours, jusqu’à l’oubli… Tout cela résulte en l’impunité des coupables. Ce qui encourage alors la continuité des mauvaises pratiques. Plusieurs, dont des hommes de loi et politiciens, proposent une réforme complète. Pourquoi pas l’introduction du système de juge d’instruction ?
Rajen Narsinghen, Senior Lecturer à l’université de Maurice, est pour un mécanisme de juge d’instruction à Maurice. «Les puristes qui suivent le modèle anglosaxon s’articulant autour du principe de l’Adversarial System vont objecter. Mais je pense qu’on peut ne pas suivre aveuglément le modèle français, en conservant l’essentiel de ce système et en y ajoutant certains éléments du principe de juge d’instruction.»
Il est en grand temps en tout cas, d’après Narsinghen, de faire des réformes car la situation est grave. «Bien que le Premier ministre, aussi ministre de l’Intérieur, ne soit pas responsable des aspects opérationnels de la force policière, personne n’est dupe et on sait comment les ordres viennent d’en haut.» Le fait que le commissaire de police soit nommé par l’exécutif, ajoutet-il, ne rend pas ce dernier complètement indépendant. «De plus, quand le pouvoir nomme des hauts gradés de la police sur une base contractuelle, cela devient encore plus dangereux.»
Il reconnaît toutefois que la corruption gangrène la force policière elle-même bien qu’il admette qu’il y a beaucoup d’agents et officiers intègres. Mais il pointe surtout du doigt «la servilité et la complicité de certains policiers, qui, en retour, bénéficient de la protection de forces occultes et de politiciens de haut niveau et se croient donc tout permis».
Le juriste Milan Meetarbhan pense, lui, que c’est bête de créer d’autres institutions. «Lorsqu’on voit comment fonctionnent maintenant les organismes dits ‘indépendants’ et les compétences ou les allégeances de ceux qui sont nommés à leur tête, on est en droit de se demander si la création d’autres institutions ‘indépendantes’ apportera de vrais changements. Comme l’a dit l’ancien président Kailash Purryag dans vos colonnes, récemment, c’est l’homme qui fait l’institution.»
Le climat dans lequel opèrent actuellement nos institutions est celui de l’impunité pour ceux qui sont bien vus par le régime, nous dit Meetarbhan. «Dans bien des cas, la médiocrité, la partisannerie, le non-respect des règles ne sont pas sanctionnés mais, au contraire, souvent récompensés aussi longtemps qu’on demeure au service de certains intérêts.» Dans un tel climat, selon lui, la mise en place d’autres institutions servira davantage à caser des proches du pouvoir et servira plus comme un écran de fumée qu’à produire les résultats probants souhaités par les Mauriciens. «Soit on est dans un État de droit soit on ne l’est pas.»
Il en profite pour faire la réflexion suivante : «Le pouvoir politique revendique le crédit pour toute saisie de dogue par des officiers de police. Est-ce que ce pouvoir politique assumera également la responsabilité morale des abus commis par des policiers ?»
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