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Prix des aliments pour poulet: plus d’omelette sans recettes
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Prix des aliments pour poulet: plus d’omelette sans recettes
Cela fait quelques mois déjà que les annonces de vente de poulaillers pleuvent sur les réseaux sociaux. Plusieurs petits éleveurs de poulet se retrouvent dans la tourmente avec l’augmentation des prix des aliments pour volaille. Une augmentation de plus de 35 % en six mois, déplorent-ils. Qu’en est donc la cause et nous retrouverons-nous bientôt avec une pénurie de poulet et d’œufs ?
Cela fait plus de 25 ans qu’il est éleveur de poulet. Et pourtant, aujourd’hui, il dit penser à devoir fermer son entreprise. Lui, c’est Laval Gurbhoo, âgé 63 ans. Son poulailler qui se trouve dans les Plaines-Wilhems, compte plus de 30 000 poulets. Les nourrir est devenu très difficile. «Mo bizin 3 200 sak 50 kg sak 60 zour. É anviron 1 200 ton manzé par an. Dépi enn osi mo pa pé kapav aford pou asté paski pri manzé poul inn doublé é nou pa pé rési fer profi.»
Il explique que 73 à 75 % des coûts concernent seulement la nourriture des volailles. Vu que le prix a augmenté, lorsqu’on ajoute les autres frais comme les frais vétérinaires, l’entretien, le courant entre autres, le profit n’est plus au rendez-vous. C’est ce que confie aussi N. S., responsable d’un poulailler dans le Nord, qui, depuis peu, a mis la clé sous le paillasson. «Nous ne pouvons plus payer nos travailleurs et surtout l’électricité. Car nous ne faisons plus de profits avec l’augmentation du prix des aliments. Et en plus avec le Covid, nous avions fait des emprunts bancaires pour remettre à flot notre entreprise. Mé pann rési. Nou préfer vandé enn fwa é éponz nou bann det.» Les 14 000 poulets qu’il avait ont déjà été vendus, dit-il. Il ne reste plus que le poulailler.
Selon nos interlocuteurs, depuis l’année dernière, un sachet de 50 kg d’aliments pour volailles est passé de Rs 800 à Rs 1 500, en moins d’un an. Mais quelle est la cause de cette augmentation ? Premièrement, il est important de savoir que nous avons uniquement deux grands importateurs d’aliments de poulet à Maurice. L’un d’entre eux couvre 40 % du marché et l’autre, les 60 % restants. Le problème, selon des sources, c’est que depuis quelques mois mise à part l’augmentation du fret et du taux d’échange, la guerre en Ukraine a eu des répercussions indirectes sur le marché international, comme cela a été un peu le cas pour le pétrole.
Les grands pays, qui avaient pour habitude d’importer les graines de l’Ukraine et de la Russie, ne peuvent plus depuis quelque temps parce que premièrement l’Ukraine n’exporte plus et, deuxièmement, beaucoup de pays européens ont sanctionné la Russie par rapport à son invasion en Ukraine. Donc, tous les pays se sont tournés vers le Brésil. Sauf que le Brésil souffre d’une baisse de production à cause de sévères inondations qui ont eu lieu l’année dernière.
«Ce qui fait que presque tous les pays se tournent maintenant vers l’Argentine. Un des pays vers qui Maurice importe principalement les graines. Comme la demande est très élevée, le prix devient plus cher. Ajouté à cela, le prix du fret et du taux de change. Sans compter que nous avons aussi besoin de faire notre profit», révèle une source dans l’importation.
Fermeture inévitable
C’est ce qui résulte d’ailleurs en l’augmentation du prix du poulet et des œufs depuis quelque temps. Les petits éleveurs ont essayé tant bien que mal de ne pas augmenter le prix de la volaille, mais certains ont dû le faire. Cela n’a rien changé parce que les détaillants avec qui ils vendent le poulet, disent-ils, ne sont pas les grandes surfaces – comme c’est le cas pour les grandes compagnies d’élevage de poulet –, ce sont majoritairement les petits cold-storages ou des petits points de vente qui eux non plus n’arrivent pas à suivre le rythme des augmentations en ce moment. Et lorsqu’on arrive aux consommateurs qui, eux, n’arrivent plus à acheter, «ces petits détaillants ferment et les poulaillers aussi se retrouvent à devoir fermer parce que nous n’arrivons plus à faire de profit en vendant le poulet au même prix que l’année dernière par exemple», explique N. S.
L’industrie de l’élevage de poulets est-elle en danger ? Selon les éleveurs avec qui nous avons parlé, certainement. Surtout les petits éleveurs. Parce que le gouvernement ne fait rien, déplorent-ils, pour les aider. «Il n’y a pas de subsides sur la nourriture pour volaille qui est importée», soutient Laval Gurbhoo.
Et pour le poulet et les œufs alors ? Va-t-on vers une pénurie ? Jayen Chellum, porte-parole de l’Association des consommateurs de l’île Maurice, (ACIM), avance que nous n’allons pas vers une pénurie de poulets ou d’œufs parce que les grosses compagnies continueront à subvenir le approvisionner le marché mais à un prix fort, car ils peuvent se le permettre. «En revanche, les petits éleveurs ne pourront certainement pas suivre. En plus, nous rentrons en hiver, il y a moins de pontes. Nous devons nous attendre à une augmentation du prix de poulet à nouveau. C’est très malheureux.»
Nous avons tenté de joindre le ministère de l’Agro-industrie pour demander s’il avait un plan par rapport à ce qui arrive aux petits éleveurs, nos appels sont cependant restés sans réponse.
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