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Tortures policières: avant les vidéos, il y avait une lettre de huit pages…

6 juin 2022, 10:00

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Tortures policières: avant les vidéos, il y avait une lettre de huit pages…

La lettre, signée Christie Marie Reedoye, exprime son désarroi et fait des révélations concernant les pratiques de l’équipe de la Criminal Investigation Division (CID) de Terre-Rouge de Kailash Derochoonee. Elle semble épargner son ex-époux qu’elle qualifie «d’esprit faible» qui se laisse influencer par ses collègues et sa hiérarchie. Pourtant, Badal Reedoye est un sergent… Elle reconnaît aussi qu’il souffre de dépendance à l’alcool. Christie Marie (connue comme Nicky Harley sur les réseaux sociaux) cible le constable Keertiwansing Gookhool et l’inspecteur Derochoonee. À la lecture de sa lettre, on se rend compte en fait que l’équipe est très solidaire, à tel point que ses membres s’ingèrent parfois dans les affaires conjugales d’un de leurs collègues. Cette solidarité semble aller même au-delà, jusqu’aux Casernes centrales. 

Qui est ce mystérieux clerk ? 

Pourquoi le commissaire de police de l’époque Mario Nobin n’a-t-il pas réagi à cette lettre ? Il nous répond qu’il n’en garde aucun souvenir, en nous faisant comprendre qu’il est possible qu’il ne l’ait pas reçue. «Si j’avais pris connaissance de cette lettre, j’aurais pris des actions tout de suite.» Presque les mêmes mots utilisés par Khemraj Servansing lorsque nous avons parlé à celui-ci le 31 mai. Pourtant, insistons-nous auprès de Mario Nobin, la lettre est adressée au commissaire de police. «Il est possible, explique Mario Nobin, que le clerk qui l’a reçue et lue l’ait dirigée vers un autre bureau.» Estce possible ? «Oui, cela peut arriver.» Le clerc peut-il lire une lettre au contenu très grave et la transférer vers quelqu’un d’autre sans lui en parler ? «C’est possible.» N’a-t-il pas été mis au courant par la suite ? «Non, je n’en ai aucun souvenir.» Nous avons voulu savoir si c’est la mémoire de Mario Nobin qui lui joue des tours… «Même si j’ai une bonne mémoire, il faudra que je voie la lettre pour voir si j’y ai mis une note (‘minutes’) et il faut vérifier les despatch books.» 

Donc, si la lettre a bien été réceptionnée alors que Nobin était commissaire, qui est cette petite main qui a ouvert l’enveloppe, a pris connaissance du contenu et remis le pli au Deputy Commissionner of Police (DCP) Crime ou à quelqu’un d’autre, sans informer le commissaire Nobin du contenu dérangeant ? On le saura, nous dit-on, grâce à l’enquête interne menée par l’assistant commissaire de police (ACP) Kistnasamy Armoogum. Ce ne sera pas difficile, nous dit-on, en consultant les registres et autres «record books». Ce serait un comble si, aux Casernes, des dossiers changent de main sans laisser aucune trace ! 

Pour ajouter à la confusion, Nicky Harley affirme maintenant qu’elle n’a pas envoyé la lettre au bureau du commissaire de police le 15 mai, mais après. Quand l’a-t-elle fait exactement ? Elle ne l’a pas dit. Khemraj Servansing est nommé commissaire de police le 4 juin 2020, après le départ de Mario Nobin, le 3 juin 2020. Si Christie Marie a affranchi la lettre ou l’a fait déposer après le 4 juin, la balle est donc dans le camp de Khemraj Servansing. Ce dernier maintient qu’il n’a jamais vu la lettre ni en mai ni après. Il nous explique, comme l’a fait Mario Nobin, que son bureau reçoit des dizaines de lettres quotidiennement qui sont lues par des clerks qui déterminent, eux, à qui les rediriger. Et que ce clerk inconnu et désormais illustre peut ne pas lui en faire part. 

Le commissaire de police actuel, Anil Kumar Dip, qui a remplacé Servansingh le 3 mai 2021, nous déclare qu’il n’a jamais pris connaissance de cette lettre. Ni des vidéos. La lettre a-t-elle été traitée comme les dizaines d’autres que reçoit le commissaire de police chaque jour ? Il semble que oui. On nous fait remarquer que les lettres contiennent souvent des allégations comme beaucoup d’autres et qu’il faut enquêter d’abord. C’est pour cela que la lettre de Nicky Harley aurait pu être transmise au DCP Crime Heman Jangi.

 

Des réponses qui invitent à d’autres questions 

<p>Dans une interview accordée samedi soir à la radio, Nicky Harley affirme qu&rsquo;elle a parlé de ses malheurs à d&rsquo;autres hauts gradés de la police qui n&rsquo;ont rien fait. Mais elle n&rsquo;a donné aucun nom. Elle dira aussi que son ex-mari lui a fait savoir que le commissaire de police &ndash; lequel ? on le sait &ndash; avait visionné les vidéos. Si c&rsquo;est vrai, un de ces commissaires aura à répondre.&nbsp;</p>

Afripol s’en mêle 

<p>Afripol, une organisation panafricaine pour la coopération entre les forces policières du continent, aurait déjà pris en main le dossier de nos policiers tortionnaires. On ne sait pas ce que cet organisme a l&rsquo;intention d&rsquo;en faire. En tout cas, ce n&rsquo;est pas pour le mettre dans un tiroir, nous dit une source.&nbsp;</p>

 

Shiva Coothen le messager ?

<p>Si Shahzaad Mungroo, avocat membre des <em>&laquo;Avengers&raquo;</em>, affirme avoir remis la clé USB à Shiva Coothen <em>&laquo;on trust&raquo;</em>, sans faire signer au policier de récépissé, au nom de Rama Valayden, en revanche, on nous signale que la remise éventuelle par Shiva Coothen de la clé USB au commissaire de police ou à Heman Jangi devrait être enregistrée quelque part. L&rsquo;enquête de l&rsquo;ACP Armoogum déterminera si la procédure a été respectée. Ou alors, en cas d&rsquo;absence de signature sur les <em>&laquo;despatch books&raquo;</em>, nous dira-t-on que l&rsquo;on ne sait pas qui a pris la clé USB de Shiva Coothen ? Sauf si ce dernier affirme sur son honneur qu&rsquo;il l&rsquo;a remise à untel ou untel. Ce qui semble sûr, c&rsquo;est que le bureau du commissaire de police ne prendra possession d&rsquo;aucun <em>&laquo;exhibit&raquo; </em>et encore moins visionnera le contenu, pour des raisons évidentes. Sauf si le département concerné le lui montre. Là, on apprend que la<em> &laquo;Cybercrime Unit&raquo; </em>du <em>Central Criminal Investigation Department</em> (CCID) n&rsquo;a jamais pris connaissance de ces vidéos. Si c&rsquo;est vrai, la clé USB est donc restée dans un tiroir au CCID. L&rsquo;ASP Roshan Kokil vient d&rsquo;être muté du CCID vers un poste du littoral. Selon nos informations, ce serait lui qui était en charge de l&rsquo;enquête sur les vidéos de torture. Ce transfert semble signifier que le CCID était bien au courant. D&rsquo;ailleurs, nous dit-on, c&rsquo;est le DCP Crime, Heman Jangi, qui doit revenir vers le commissaire, &ndash; peu importe lequel &ndash; après avoir visionné les vidéos. <em>&laquo;Le &lsquo;DCP Crime&rsquo; se rend quotidiennement au bureau du CP et doit lui parler de tous les dossiers chauds.&raquo; </em>Et pour un dossier chaud, c&rsquo;en est un.</p>