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Budget 2022-2023: un exercice aux enjeux éminemment sociaux
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Budget 2022-2023: un exercice aux enjeux éminemment sociaux
Le ministre des Finances n’a pas le droit à l’erreur. Il sera attendu au tournant aujourd’hui par la population, qui subit la cherté de la vie suivant la flambée des prix continue. Dans un contexte post-pandémique et de guerre, l’exercice budgétaire devrait a priori comporter une pléthore de mesures sociales. Sauf que les caisses de l’État ne permettent pas de largesses économiques...
Exit la saga du MTC et le feuilleton à rebondissements sur les tortionnaires policiers qui ont occupé l’espace médiatique ces derniers jours, et place au ministre des Finances pour son Grand Oral à 16 heures cet après-midi. Un show hautement médiatisé, auquel le protagoniste, Renganaden Padayachy, se prêtera, comme ses prédécesseurs d’ailleurs, pendant au moins deux heures.
Contrairement aux autres pays pour lequel cet exercice n’a qu’une importance relative, le traditionnel Budget Day à la mauricienne suscite toujours suspense et attentes auprès de la population, chacun percevant le locataire du Trésor public comme le Père Noël qui distribue des cadeaux fiscaux à tour de bras. D’autant plus que cette année, face à la crise sociale latente qui a entraîné récemment des manifestations de rue par des citoyens au bas de l’échelle sociale en raison de la cherté de la vie avec la flambée de prix des produits de première nécessité et des carburants, liée d’ailleurs en grande partie aux conséquences économiques de la guerre russo-ukrainienne, le ministre est attendu au tournant.
Padayachy n’a pas droit à l’erreur. Il est condamné à lâcher du lest car il s’est déjà engagé face aux questions de l’opposition au sein de l’Hémicycle comme aux interrogations des forces vives et celles des partenaires sociaux dans ses réunions pré-budgétaires. Il a lui-même déclaré qu’il n’est pas insensible aux cris de détresse d’une frange de la population qui appréhende des lendemains difficiles, et qu’il agira en conséquence pour les soulager . Il lui faudra agir notamment pour éviter qu’il y ait d’autres incidents à un moment où le gouvernement doit gérer plusieurs crises, dont celle de sa police avec une multiplication de vidéos sur des actes de tortures qui ont choqué toute la population, et qui visiblement se répercutent sur l’image de Maurice, étant abondamment relayées déjà la presse internationale.
Le gouvernement va certes s’appuyer sur l’exercice budgétaire pour faire oublier momentanément les images choquantes de ces scènes de torture avec un chapelet de mesures que le ministre saura égrener sous les applaudissements de ses collègues ministres et parlementaires. C’est une scène à laquelle on assiste à chaque show budgétaire depuis des décennies.
Le coût du social
Certes, qui dit mesures sociales hautement symboliques dit aussi des coûts. Car il ne fait pas de doute que le troisième budget de Padayachy sera à forte connotation sociale. Or, le social a un coût, alors que dans le même temps, il faut s’assurer que les éventuelles augmentations de subsides sur des denrées de base soient orientées et touchent effectivement ceux qui ont en véritablement besoin, et non pas certains consommateurs aisés qui en profitent d’ailleurs le plus. D’où l’approche ciblée des prestations que le gouvernement doit prôner et dont le modus operandi sera probablement dévoilé aujourd’hui. Qu’il s’agisse de pensions, de frais universitaires et d’autres avantages que procure l’État Providence.
Au Parlement ces dernières semaines, le ministre Padayachy répète que le développement humain est dans l’ADN de ce gouvernement et qu’il a déjà injecté un soutien de Rs 4 milliards pour maintenir la subvention sur le prix du gaz ménager, de la farine et du riz, et l’a étendue à sept nouveaux produits essentiels (huile comestible, grains secs, tomates en conserve, lait en poudre, etc.) jusqu’à la fin de ce mois au coût de Rs 1,2 milliard. Est-ce qu’il prolongera cette subvention ? On le saura cet après-midi. Alors même que les rumeurs folles courent les rues ces dernières heures sur une éventuelle baisse des prix à la pompe
Pour autant, la conjoncture économique internationale ne se prête pas à des largesses économiques. Car pour financer une politique sociale gonflée, il n’y a pas mille options qui s’offrent à lui. Soit il réduit les dépenses publiques, soit il augmente la taxe. Il peut aussi choisir d’utiliser les donations et les investissements de l’État dans les institutions publiques, ou encore avoir recours à un mix de toutes ces options.
Cependant, le Trésor public ne peut pas réduire les dépenses courantes comme il ne peut pas augmenter l’impôt sur les entreprises. Le contexte ne s’y prête pas car nos entreprises sortent d’une récession, subissent encore les effets économiques de la pandémie et se voient impactées par la crise inflationniste avec le renchérissement des coûts de matières premières.
En revanche, si on croit aux projections de la MRA, les recettes fiscales de 2022 seront plus conséquentes, ce qui donne une certaine marge budgétaire au ministre. Et pourquoi ne pas réviser à la hausse la TVA, qui procure au Trésor, presque 70 % des recettes fiscales et l’appliquer sur les produits de grand luxe comme les voitures de prestige, les bijoux de grande classe ou certains terrains, comme le Country Senior Partner de PwC, Anthony Leung Shing l’a sug- géré dans l’édition de l’express du 1er juin. Rappelons qu’au terme de l’année fiscale 2021- 22, le montant total des revenus fiscaux est estimé à Rs 110 milliards et à Rs 122 milliards pour la même période en 2022-23.
Peu importe l’option budgétaire choisie, le ministre des Finances ne pourrait laisser filer le déficit budgétaire estimé à 5 % du PIB au 30 juin 2022. Un indicateur étroitement surveillé par des institutions financières comme le FMI et la Banque mondiale, même si a priori le ministre des Finances ne souhaite pas frapper à leurs portes dans l’immédiat pour des assistances financières. Du coup, céder à des dérapages budgétaires comme le maquillage des chiffres fragiliserait la situation de Maurice avec les risques de dégradation de la notation de Moody’s. Ce qui nuirait dans la foulée à sa réputation économique et repousserait les investisseurs internationaux.
Deux ans après la crise sanitaire, le décor économique dans lequel Renganaden Padayachy plantera son Budget national est pour le moins peu reluisant avec des indicateurs toujours fragiles. Une croissance de 4 % estimée par des spécialistes en juin 2022 contre une projection budgétaire de 9 % et de 6 % pour la présente année calendaire, une inflation à deux chiffres, un déficit de la balance commerciale qui se creuse et une dette publique en termes bruts à plus de 88 % du PIB alors que techniquement, elle aurait déjà dépassé la barre de 100 % du PIB avec tous les fonds spéciaux combinés. Parallèlement, certains secteurs économiques peinent toujours à retrouver leurs niveaux pré-pandémiques, à l’instar du tourisme qui pourrait ne pas atteindre l’objectif d’un million de touristes cette année.
Loin d’être un simple exercice comptable, le budget doit définir une vision, voire une ambition pour le pays, en dépit des incertitudes économiques et des risques géopolitiques à l’échelle planétaire. Depuis son installation au Trésor public, Padayachy a eu à gérer deux crises, celle de la pandémie et aujourd’hui la guerre en Ukraine. Pour le moment, il subit l’ombre de son maître. Mais il devra au plus vite imposer son style et transcender à la faveur de ce nouvel exercice budgétaire pour se révéler comme une pièce maîtresse au sein de ce gouvernement.
Débats: demandez le programme
<p>Une fois n’est pas coutume, les débats suivant la présentation d’un Budget débuteront une semaine après. Autre fait notable, selon d’anciens parlementaires, il sera présenté un mardi, alors que dans la plupart des cas, jusqu’ici, c’était un lundi ou un vendredi. Ainsi, le Grand argentier débutera son oral à 16 heures cet après-midi et les débats démarreront le lundi 13 juin, avec l’intervention du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, et dureront jusqu’au vendredi 17 juin.</p>
<p>Au total, 45 heures y seront consacrées et 67 parlementaires prendront la parole, ce qui représente en moyenne 35 minutes par orateur. En revanche, le leader de l’opposition, le Premier ministre et son adjoint, eux, disposeront d’un temps de parole illimité. Les 45 heures des débats ont été réparties comme suit : 28 heures et 21 minutes pour la majorité et 16 heures et 39 minutes pour l’opposition.</p>
<p>Une chose est sûre, ces débats se poursuivront jusqu’aux petites heures pendant les quatre premiers jours. Tout laisse croire que le Premier ministre interviendra vendredi après-midi avant que le ministre des Finances ne fasse son résumé. Tout de suite après, débutera l’exercice des dotations budgétaires qui se poursuivra jusqu’au lendemain, samedi. Deux autres jours, soit le lundi 20 et le mardi 21 juin, seront consacrés à cet exercice, à moins qu’il ne termine avant. Suivant cette logique, le Budget sera voté au plus tard le 21 juin.</p>
<p>Par ailleurs, le leader de l’opposition ne pourra poser que trois <em>Private Notice Questions </em>(PNQ) la semaine prochaine, soit le mardi 14, le mercredi 15 et le jeudi 16 juin, si l’on tient compte du fait que généralement, lors de son intervention sur des débats budgétaires, il n’adresse aucune PNQ. À moins qu’il en décide autrement, surtout avec les récentes dénonciations entourant les tortures policières. À noter que pour le mardi 14, il y aura aussi une séance avec des questions parlementaires.</p>
<p>Qui plus est, de nombreux élus, notamment ceux de l’opposition, se disent intrigués. Et se demandent pour quelle raison les débats entourant le Budget ne s’échelonneront que sur cinq jours...</p>
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