Publicité

Son droit d’asile obtenu en France: la nouvelle vie de Kelly Wayne

9 juin 2022, 21:09

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Son droit d’asile obtenu en France: la nouvelle vie de Kelly Wayne

Depuis le 16 mai dernier, l’artiste peintre mauricienne Kelly Wayne, à qui l’Etat mauricien refusait de renouveler son passeport au seul motif qu’elle avait changé de sexe, a appris qu’elle obtenait le droit d’asile en France. Si la jeune femme est soulagée, c’est une victoire douce-amère qu’elle a savourée car elle sait qu’elle ne pourra plus jamais remettre les pieds dans son île natale. Kelly Wayne raconte sa nouvelle vie.

Lorsque la nouvelle de l’obtention de son droit d’asile est tombée, Kelly Wayne, qui peint depuis 2002 et qui vit en France depuis 2013 après avoir complété sa chirurgie de réassignation sexuelle irréversible en 2012 sur prescription médicale, a d’abord ressenti un soulagement car «pendant neuf mois, je vivais dans l'incertitude car je ne savais pas si je devais tout quitter en France et regagner Maurice et vivre sous une identité que je n’ai plus.»

Elle avoue ne pas avoir demandé le droit d’asile de gaité de cœur. «J'ai tout essayé pour éviter de demander l'asile. Mes avocats m'avaient proposé de monter un dossier en ce sens en 2019 car selon eux, tous les éléments démontraient que l’Etat mauricien ne respecte pas ma dignité et mes droits humains fondamentaux, mais j'ai refusé car j'aime mon pays et je ne voulais pas lui donner une mauvaise image.  Ma famille et mes amis y vivent encore. J’avais commencé ma carrière artistique à Maurice en 2002 et je ne voulais pas perdre le droit de retourner dans mon île.»

La jeune femme a campé sur ses positions jusqu'au jour où l’Etat mauricien a refusé de renouveler son passeport au seul motif qu’elle avait changé de sexe, et de reconnaître son changement de genre sur son acte de naissance. Tout cela, malgré les demandes insistantes effectuées à l’Attorney General par l’association mauricienne Young Queer Alliance qui a apporté un soutien indéfectible à la jeune femme depuis le début de ses difficultés. «Après le refus de renouvellement de mon passeport, ma vie s'est écroulée comme un château de cartes.  Du jour au lendemain, je suis quasiment passée en situation irrégulière en France car sans passeport valable, je ne pouvais plus accomplir aucune démarche administrative pour le renouvellement de mes papiers. Du coup, mes deux contrats de travail à durée indéterminée qui me permettait de financer mon art vivre ont été immédiatement rompus et je me suis retrouvée sans ressources. J'avais perdu tous mes droits, même en France.»

En 2021, après avoir épuisé toutes ses économies, elle n’a plus le choix que de demander l’asile. «Je considère que l’Etat mauricien m'a contrainte de le faire. En obtenant l’asile, j’ai été reconnue comme étant victime de persécutions et d’atteinte grave au respect de ma vie privée de la part de l’Etat mauricien.» Ses sentiments, reconnaît-elle, étaient mitigés. «Quand j’ai obtenu la décision m’octroyant l’asile et me reconnaissant enfin en tant que femme, j’ai été contente car si je n’avais pas obtenu l’asile, j’ignore ce que j’aurais fait. Mais en même temps, j'avais le cœur déchiré rien qu’à l’idée de penser que je ne pourrais plus jamais fouler le sol de mon île. Sur le moment, j'avais envie de pleurer.»

Sa mère qu’elle a jointe au téléphone par la suite, a tenté de la réconforter en lui disant qu’elle était contente pour elle. «Elle a ajouté que je n’allais plus revenir à Maurice. Cela m'a fait réaliser que quelles que soient les différends que nous ayons eus, elle reste ma mère et elle n'est plus toute jeune.»  La solution serait que son aînée vienne lui rendre visite en France comme l’ont fait sa mère et son frère de coeur plusieurs fois jusque-là.

L'avenir pour Kelly Wayne s’écrit à la plume de la persévérance. «Je vais continuer à poursuivre mon rêve de devenir une artiste internationalement reconnue. L'aventure vient tout juste de commencer. Je vais écrire le premier chapitre de ma nouvelle histoire. Je vois la vie toute en couleurs et je ressens beaucoup d’énergie positive».

Kelly Wayne qui vivait avec son partenaire à Versailles en 2020, a déménagé au Havre en novembre 2021. Son partenaire a ouvert un bureau d’immobilier dans cette ville et elle y a ouvert un atelier. «On va rester  dans cette ville pour le moment qui est notre havre de paix. Ensuite, le temps décidera si nous devons nous installer ailleurs ou pas. J’adore le changement».  

S’il y a bien quelqu’un qui est heureux à 100 %, c’est son partenaire qui lui a promis qu’ils fêteraient la bonne nouvelle quand elle tiendrait entre ses mains sa carte de résidente. «Il arrive à se projeter davantage dans l’avenir avec moi. Pendant la période d’attente, il a été très patient et d’un grand réconfort pour moi. J’ignore comment j'aurais tenu le coup sans lui

Heureusement pour elle qu’à son arrivée en France, elle s’était inscrite comme artiste peintre à la maison des artistes et à l’Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d’allocations familiales. «J'ai obtenu un numéro connu comme Système d’identification du Répertoire des Etablissements, qui m’a permis de travailler comme artiste peintre

Dans son atelier vitrine du Havre, elle travaille actuellement sur sa nouvelle exposition pour célébrer ses 20 ans de carrière.  «Je n’oublierai jamais la date du 29 octobre 2002 quand j’ai tenu ma première exposition intitulée META -  MORPH - OSE à la galerie Max Boullé à Rose-Hill. C’était ‘Méta’ pour entre deux mondes, ‘Morph’ pour le dieu grec car mes tableaux sont inspirés de mes rêves et ‘Ose’ parce que j’avais osé réaliser mon rêve. Il faut donc marquer ces 20 ans de carrière.» 

Kelly Wayne ignore si son dossier est toujours au bureau du Premier ministre «car je n'ai pas eu de nouvelles de leur part depuis plus d’un an que je lui ai fait part de mes difficultés. Vous savez, quand j’expose mes tableaux dans un pays étranger, ce n’est pas juste une exposition de tableaux. C’est ma culture mauricienne, ma mère patrie, toute la population mauricienne que je représente. Et ça, le gouvernement n’en a pas tenu compte et c’est dommage. Je voudrais demander au gouvernement d’appliquer la législation mauricienne car il a déjà signé plusieurs conventions relatives à la protection des droits humains. D’ailleurs mes avocats ont expliqué à l’OFPRA qu’il existe à Maurice des lois à Maurice qui permettent le changement de genre. Il faut simplement que ces textes de loi, identiques à ceux qui existent en Europe, soient appliqués correctement, c’est-à-dire comme ils sont appliqués en Europe. Ils ont déploré le fait que l’exécutif mauricien refuse purement et simplement d’appliquer la loi. Ils ont également pu démontrer les graves persécutions et traitements inhumains et dégradants que subissent la communauté LGBTI+ à Maurice, et cela, très souvent par des protagonistes qui sévissent en toute impunité. Des députés français et des représentants de diverses associations françaises ont été surpris d’apprendre cette facette de Maurice qui leur était totalement inconnue et qui est en contradiction totale avec l’idée préconçue qu’ils ont du sourire des Mauriciens et de la carte postale paradisiaque qui donnent l’image d’un pays où les droits humains sont respectés. Ils ont pu, grâce au travail de mes avocats, réaliser à quel point les individus LGBTI+ sont victimes de très graves violations de leurs droits humains fondamentaux à Maurice, sans compter les traitements inhumains et humiliants dont ils sont régulièrement victimes parce qu’ils sont LGBTI+. Ils ont enfin compris que l’Etat mauricien n’applique pas la loi et ne respecte pas les conventions qu’il a signées lorsqu’il s’agit des personnes LGBTI+. Ce serait bien si le gouvernement arrivait à appliquer la loi correctement pour que nous, les femmes transgenres et souffrant de dysphorie de genre, nous puissions changer d’identité du genre sur nos actes au niveau de l’état civil car c'est une injustice que de nous le refuser, surtout quand nous avons terminé notre transition de manière irréversible comme c’est mon cas. Il devrait aussi montrer au monde entier que Maurice peut évoluer dans le bon sens. C’est mon souhait pour mon île que je ne reverrai jamais.»

Contactez Kelly Wayne sur Instagram kelly_wayne_artiste_peintre  sur ticktoc kellywayneartistepeintre sur facebook kellywayneartistepeintre et son site internet kelly wayne -artistepeintre .com