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Tortures policières alléguées: les policiers Moorghen et Lutchmun remis en liberté sous caution

11 juin 2022, 20:00

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Tortures policières alléguées: les policiers Moorghen et Lutchmun remis en liberté sous caution

C’est sur un point de droit soulevé par leur avocat, Mᵉ Ritesh Samputh, mardi, en cour de Mahébourg, que les policiers Goparlen Moorghen et Bheemal Lutchmun, accusés provisoirement de torture sur des suspects après la circulation de vidéos compromettantes et la plainte de certains suspects contre eux auprès du Central Criminal Investigation Department (CCID), ont recouvré la liberté contre paiement d’une caution.

Le CCID transmet le dossier à l’IPCC

Ils ont recouvré la liberté contre paiement d’une caution de Rs 10 000 et après avoir signé une reconnaissance de dettes de Rs 100 000 chacun. Ainsi en a décidé la cour dans le cas des policiers Goparlen Moorghen et Bheemal Lutchmun, accusés provisoirement de torture sur des suspects après la circulation de vidéos compromettantes. Toutefois, la motion de radiation de l’accusation sera entendue le 12 juillet. Idem pour le constable Purgaus, qui est accusé de torture et dont l’avocat, Mᵉ Taij Dabycharun, a aussi présenté une motion d’abandon d’accusation.

Mardi, Mᵉ Samputh avait indiqué en cour de Mahébourg que la police n’a pas le droit d’enquêter sur cette affaire, en citant l’article 10 (2) (c) de l’Independent Police Complaints Commission Act de 2016. Cet article stipule que lorsqu’il y a une plainte pour brutalité commise par des policiers, c’est l’IPCC, qui est censée enquêter car la police ne peut mener une enquête sur ses propres éléments.

De ce fait, l’enquêteur du CCID a, hier, informé le tribunal que l’IPCC a pris le dossier en main depuis la motion soumise mardi. «Le CCID a remis le dossier à l’IPCC, qui enquêtera désormais sur cette affaire», a indiqué un enquêteur. Information confirmée par un responsable de l’IPCC. Par conséquent, la l’IPCC a enlevé son objection à la remise en liberté des deux suspects, qui faisaient partie de la défunte Anti-Robbery Squad de la Southern Division.

L’épouse du constable Moorghen le défend

Depuis l’arrestation de son époux, dans la nuit de lundi, Manisha Moorghen, ne cesse de clamer son innocence et demander à ce qu’il soit remis en liberté, car, précise-t-elle, il ne faisait que son travail. Elle soutient que Goparlen Moorghen a toujours été exemplaire dans son travail et qu’il se donnait à fond. En 22 ans de carrière, ce dernier n’a fait qu’apporter des résultats dans les différents départements où il avait été appelé à travailler.

Lors de la restructuration de cette équipe de la SARS en novembre 2017 par le commissaire de police Mario Nobin, plusieurs arrestations ont été faites. Cette unité n’a cependant pas fait long feu car en juillet 2020, avec la nomination du nouveau commissaire de police, Khemraj Servansing, l’équipe a été démantelée, bien qu’elle ait enregistré en moyenne jusqu’à 60 arrestations mensuelles. Rien que pour l’année 2019, l’équipe de la SARS, à travers l’île, a procédé à plus de 2 000 arrestations dont 600 effectuées par l’équipe de la SARS du Sud.

Manisha Moorghen se demande où étaient les critiques lorsque son époux et ses collègues procédaient à des arrestations et passaient la nuit à chercher des suspects. «Simomissier innarrete zordi, se acoz sotravay. Sotravay pou aret voler, criminel, violeur. Foder ou enn victime pou ou kompranzot la peine ek momissierso travay se pou rann justice bann victime», explique cette dernière. Elle soutient qu’elle défendra toujours son mari car ce dernier n’est pas un criminel.

Après dénonciation de torture : Le passé de Deepak Jeeool le rattrape

Deepak Jeeool serait un des bénéficiaires d’une allocation d’invalidité du ministère de la Sécurité sociale. Il aurait fait une dépression, il y a quelques années, et suivrait aussi des traitements à l’hôpital Jawaharlall Nehru à Rose-Belle. Cependant, ses ennuis avec la justice ne sont certainement pas liés à son état de santé car depuis l’an 2000, Deepak Jeeool avait été arrêté par la police pour vol. Il a comparu en cour de Grand-Port et a plaidé coupable. Il a été condamné à verser une amende de Rs 2 000. Le 7 janvier 2009, il a récidivé et a tenté d’entrer par effraction dans une propriété privée à Mon Desert Mon Tresor. Il s’est fait arrêter sept jours plus tard et a plaidé coupable. Il a alors dû s’acquitter d’une amende de Rs 2 500. Au mois d’août de la même année, il a volé la somme de Rs 1 500 appartenant à un habitant de la localité. Il a été arrêté après un certain temps et a été traduit en cour. Il a été libéré contre une caution de Rs 3 000. Au bout d’un mois, il a été emprisonné pour une semaine.

En 2010, il a, à nouveau, volé un habitant de la localité. Ce dernier a porté plainte contre lui et a avancé que DeepakJeeool lui a pris Rs 400. Le suspect a été arrêté et a fait dix jours en cellule. En 2012, il a, une fois de plus, été arrêté et emprisonné pour trois mois, toujours pour vol alors qu’en 2014, il a passé quatre mois en prison pour vol de trois sacs et d’un téléphone portable. En 2016, il a été arrêté après qu’il ait fait l’objet d’une allégation d’attouchements sur une collégienne. Lors de son interrogatoire, le suspect a nié les faits et il a été libéré contre paiement d’une caution.

En 2018, Deepak Jeeool a été, une nouvelle fois, arrêté pour vol d’un sac appartenant à un touriste sur la plage de Blue-Bay. Les enquêteurs de la SARS ont visionné les images des caméras de Safe City et ont reconnu le suspect marchant avec le sac dérobé. Ils se sont rendus à Plaine-Magnien et ont procédé à l’arrestation de Deepak Jeeool. Lors d’un premier interrogatoire, le suspect a nié le vol. Confronté aux images des caméras, il a encore été interrogé et a répliqué : «Ah ! Sa sak la oui,mo pe rappel aster la. Li lacaz cot moi. Ale pren li.» C’est la diffusion et la circulation d’une vidéo, le jour de son arrestation, qui ont fait tomber deux policiers de l’équipe de la SARS, quatre ans plus tard, à savoir les constables Goparlen Moorghen et Bheemal Lutchmun.

La démotivation s’installe chez les policiers

Bien que le commissaire de police, Anil Kumar Dip, ait lancé un appel aux membres des forces de l’ordre pour qu’ils ne se découragent pas dans le sillage des récents événements, qui ont secoué la force policière, le moral des policiers n’est plus au beau fixe. «Mo mesaz a tou bann polisie ki pe ekout mwa, mo kapav dir ki mazorite fer zot travay bien. Ena enn minorite ‘brebis galeuses’ me fode pa zot dekouraze. Fer zot travay avek tou serie ek dan bann paramet legal. Fode pa less ou moral ebranle», a déclaré le patron des Casernes centrales à ses troupes lorsd’un entretien au cours du journal télévisé de la Mauritius Broadcasting Corporation, le 6 juin.

Mais malgré cet appel, la démotivation est au rendez-vous. Plusieurs policiers disent ne plus pouvoir faire leur travail correctement car ils rencontrent beaucoup de difficultés. «Kot nou pe ale, pe kriye nou krapo. Nou sipoze rant dan bann landrwa ki inpe so, pou rod sispe, me pu evit lamerdman, nou prefer pa ale aster», racontent des policiers. «Pourquoi se donner autant de mal ? Si nous essayons de faire quoi que ce soit, c’est nous qui allons avoir des problèmes. Les suspects ont plus de privilèges que nous à présent. Ils sont traités comme des rois alors que nous allons nous attirer des ennuis», confie un policier.

D’autres expliquent que depuis ces violents incidents, le public a tendance à mettre tous les policiers dans le même panier. «Nous n’avons pas hésité à cotiser et à remettre une somme d’argent à une femme dont l’époux avait été placé en détention pour vol. Elle et son enfant n’avaient rien à manger alors que le partenaire était détenu. Nous avons aidé plusieurs personnes, qui se sont retrouvées dans la même situation que cette femme», dit un policier de la brigade criminelle. Certains membres de la brigade anti-drogue aussi se disent démoralisés. «Ou pou trouver kuma cas pou augmenté la. Niveau détection pou baissé. Pou prend letan avant situation redresser et re-rentre dans l’ordre», confie un policiers de cette brigade. Selon les plaintes enregistrées auprès de l’Independent Police Complaints Commission, les unités qui sont souvent accusées de faire usage de force abusive et de violence sont la Criminal Investigation Division et la brigade anti-drogue.