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Manifestations des élèves - Mauritius College: le racisme au banc des accusés
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Manifestations des élèves - Mauritius College: le racisme au banc des accusés
Ils accusent la direction d’avoir tenu des propos racistes à l’encontre d’un de leurs camarades. Du coup, des élèves du Mauritius College ont manifesté leur colère. Le directeur de l’établissement, lui, affirme qu’il n’en est rien. Mais ce n’est pas le seul problème que ce collège porte dans le sac à dos.
L’établissement se retrouve souvent au cœur de polémiques. Le Mauritius College, situé à Curepipe, compte environ 600 élèves répartis en deux départements – un pour les garçons et un pour les filles. Le collège fait la une de l’actualité à la suite de manifestations. La raison : un membre de la direction aurait tenu des propos racistes envers un élève provoquant ainsi la révolte de ses camarades. Lundi, la direction a convoqué la presse pour réfuter les allégations. Mais les problèmes au Mauritius College ne datent pas d’hier.
Chronologie
6 octobre 2020. Des élèves crient leur colère. Ils déploraient la mauvaise qualité, voire le manque d’infrastructures, l’absence d’hygiène dans les toilettes, le manque d’activités, entre autres. Ils avaient aussi une pensée pour leurs enseignants, selon eux, sous pression.
17 février 2017. Des garçons effectuent un sit-in dans la cour. Motif ? Pas de ventilateurs dans les salles, utilisation de tableaux noirs, interruption régulière des classes pour réprimander les élèves sur leur façon de s’habiller et leur coiffure…
13 novembre 2020. Le syndicat du personnel des collèges privés, l’Union of Private Secondary Education Employees (UPSEE) manifeste devant l’entrée du collège. Raisons : harcèlement, menaces et agressions verbales qui sont révélés au grand jour par le personnel de l’établissement. L’UPSEE réclame la mise en place d’un fact-finding commitee pour enquêter sur les cas de harcèlement et d’intimidation subis par le personnel et les élèves. Le syndicat affirme que des enseignants n’étaient pas autorisés à quitter le collège à l’heure du déjeuner – entre 10 h30 et 13 h 30. L’acting rector, Rajcoomaree Mareeachallee, avait alors balayé ces critiques d’un revers de main en soulignant que ces mesures étaient pour la sécurité de tous avec les travaux du Metro Express. Pour les infrastructures, elle avait affirmé qu’une inspection était effectuée chaque trimestre par la Private Secondary Education Authority (PSEA).
Ces propos qui ont déclenché la colère
En attendant, concernant les récentes manifs, nous avons essayé d’entrer en contact avec l’élève interdit d’accès à l’école et victime de propos racistes. Nous apprendrons de son entourage qu’il est toujours aussi énervé et se remémore ces propos à chaque instant. «Finn dir li ki akoz ena bokou koumma li isi akoz sa lekol-la pé gaté. Bokou zafer pa korek akoz sa nou pé manifesté. Pou nanyé nou pa ti pou ankoler koumsa. Nou péna rol ?» lâchent les quelques courageux qui manifestent et réclament une rencontre avec la direction.
«On vérifie la couleur du soutien-gorge des filles»
Il se confiera sous le couvert de l’anonymat. D’autant plus qu’aucun enseignant ne veut prendre les devants pour dénoncer, comme le font les élèves, par peur de représailles. L’ancien prof raconte des moments vécus au collège Mauritius et qui resteront gravés dans sa mémoire. Il ne mâchera pas ses mots. Durant son temps là-bas, il en a vu des choses et il respire enfin, aujourd’hui. «Les palabres étaient légion. On essayait à cette époque d’imposer une culture de Yes-man. Menaces, humiliations, victimisation y sont monnaie courante», confie-t-il, ajoutant que les employés et les élèves sont jugés sur leur apparence. «Cheveux, chaussures, etc. doivent être à leurs ‘normes’. Même pour le ‘jacket’: combien de fois, dans le froid de Curepipe, ils ont confisqué les blousons des élèves...»
Notre interlocuteur évoque aussi le fameux problème d’infrastructures, de vieilles chaises et vieux pupitres. Les élèves devaient payer pour les points de soudure aussitôt qu’ils étaient cassés. Toujours selon lui, le racisme était bel et bien présent, certains professeurs n’ayant même pas le droit de porter une barbe... «La stratégie était de ne pas confirmer les nouveaux professeurs pour qu’ils ne reçoivent pas leur boni de fin d’année. Je me souviens qu’ils ont aussi déclaré qu’il y avait ‘trop’ de profs, comme ce fut le cas pour moi et ensuite ils se sont permis d’en embaucher d’autres», raconte-t-il.
Viendra ensuite le coup de massue. «Au département des filles, des membres du personnel non-enseignant masculins se permettaient même de vérifier la couleur du soutien-gorge des filles pour s’assurer qu’il soit blanc ou noir. C’était imposé même pour les chaussettes», relate-t-il. «Ils demandaient tellement de preuves pour la moindre absence ou le moindre retard qu’un professeur s’est même permis de leur jeter un certificat médical pour son chien au visage une fois !»
La direction demande l’intervention de la PSEA
Le lundi 20 juin, la direction de l’école, notamment le manager Benysing Rajmun, s’est adressé à la presse en présence de son conseiller légal Me Narendra Appa Jala. D’emblée, ce dernier a présenté une lettre faisant état d’une réunion commune qui s’est tenue le 13 avril 2022 en présence des officiers de la Private Secondary Education Authority (PSEA), du manager et du représentant légal. Parmi les soucis résolus selon le manager, figurent les heures de travail excessives du personnel, une mauvaise gestion ou des allégations de harcèlement faites à son encontre.
Quid des manifestations ?
La direction déclare en outre que des élèves ont été manipulés par des ‘forces externes’, dont des personnes ayant un hidden agenda et motivés par l’envie de déstabiliser le bon fonctionnement du collège en rappelant que le collège a formé de grands noms de la scène mauricienne à l’instar de l’athlète Éric Milazar.
Benysing Rajmun assure, encore une fois, qu’il n’a rien à se reprocher sur les allégations de propos racistes à l’encontre d’un élève. D’ailleurs, Me Appa Jala a annoncé que l’école a fait une plainte contre l’UPSEE en Cour suprême. Comment mettre fin aux manifestations ? «Les élèves et les parents doivent faire parvenir leurs doléances de manière officielle et écrite à la direction du collège.» Rappelons que le manager et son conseiller légal ont taclé l’Ombudsperson for Children à qui ils reprochent de ne pas faire assez de suivi et de descentes sur le terrain pour gérer les élèves.
Réaction de l’Ombudsperson for Children - Rita Venkatasamy : «La direction devra venir s’expliquer à mon bureau»
Nous avons contacté Rita Venkatasamy sur cette affaire que nous baptiserons «MauritiusCollegeGate». Elle nous explique que son bureau enquêtait déjà sur ce collège avant même l’apparition médiatique de la direction. Elle précise que les membres de la direction de Mauritius College seront convoqués ce mardi à son bureau pour fournir des informations et des explications. Cela lui permettra de boucler son enquête sur ce collège souvent secoué par des turbulences.
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