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La bombe de Sherry Singh ouvre une nouvelle tempête politique en pleine crise inflationniste
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La bombe de Sherry Singh ouvre une nouvelle tempête politique en pleine crise inflationniste
Alors que la séquence budgétaire n’est pas encore achevée avec la présentation du Finance Bill à la mi-juillet et la rencontre des décideurs économiques avec le ministre des Finances lundi prochain pour un brainstorming post-budgétaire, voilà que l’ex-patron de Mauritius Telecom (MT) est venu faire de troublantes révélations sur le Premier ministre à la faveur d’une émission de radio vendredi dernier. Et cela, 24 heures après sa démission de son poste de CEO. Si ces révélations s’avèrent fondées, c’est une véritable bombe que l’ex-communicant de Pravind Jugnauth vient d’allumer et qui risque de faire trembler le Sun Trust tout en accélérant une redistribution des cartes parmi les partis de l’opposition.
En gros, Sherry Singh a allégué que le Premier ministre lui aurait demandé d’ouvrir les portes de la Telecom Tower à une entité étrangère pour qu’elle installe des équipements pouvant «sniffer» le trafic Internet sur le réseau SAFE. Car, au cas contraire, il serait éjecté de sa tour. Or, sachant que ce projet relèverait de la trahison contre la sécurité nationale, Sherry Singh n’a pas, dit-il, accédé à la demande du Premier ministre, d’où sa décision de claquer la porte et de quitter son poste bien avant l’expiration de son contrat en février 2023.
Pour le moment, c’est la parole de Sherry Singh contre celle du Premier ministre, celui-ci ayant jusqu’ici démenti les allégations avec sa phrase fétiche : «Atann ou pou koné.» Une posture qu’il a adoptée dans le sillage de l’affaire Angus Road à l’égard de Roshi Bhadain. Pour autant, depuis l’attaque de Sherry Singh, c’est une bataille rangée qu’on assiste, l’opposition cherchant à y tirer un capital politique en poussant Pravind Jugnauth dans ses derniers retranchements alors que le Premier ministre, à travers ses ministres et autres spin doctors, tente de décrédibiliser l’ex-homme fort de MT en associant sa prise de position à son éviction de la garde rapprochée du chef du gouvernement et du fameux «kitchen cabinet»
Jusqu’où Sherry Singh serait-il disposé à aller dans son déballage public pour déstabiliser le gouvernement de Pravind Jugnauth et mettre ce dernier K.-O. politiquement ? Sur l’antenne de Radio Plus, il a été précis dans ses allégations sur ce projet, ce qui pourrait accréditer la thèse qu’il n’invente rien. Tout en mesurant bien qu’en attaquant frontalement le Premier ministre, il aura à se tenir prêt pour subir l’artillerie lourde et répressive de l’État. Il va sans dire que l’entourage du Premier ministre ne lui fera certainement pas de cadeaux en enquêtant probablement sur ses agissements à la direction de MT, voire sur son enrichissement personnel pour pouvoir construire un manoir valant plusieurs millions de roupies au Bout du Monde, à Ébène. D’ailleurs, depuis ses révélations, partisans et adversaires des deux protagonistes s’en donnent à cœur joie dans des attaques personnelles sur les réseaux sociaux.
«Nuisance value»
Dans quelle mesure Sherry Singh représente une «nuisance value» pour le Premier ministre et à son pouvoir jusqu’à compromettre la victoire de son parti en 2024? D’autant plus, comme il le dit lui-même, il prévoit un tsunami en 2024, entendons par là, la fin du règne premierministériel de Pravind Jugnauth, celui-là même qu’il a aidé à installer au pouvoir en 2010 après sa rencontre en 2005 et qu’il connaît comme sa poche, faisant partie de son équipe de communicants même s’il prend soin de rappeler qu’il n’a jamais fait partie de «lakwizinn» ? Difficile de répondre même si l’usure du pouvoir de Pravind Jugnauth et l’accumulation de certains scandales jouent visiblement contre son alliance gouvernementale.
«Si la politique reprend la main, il faudra quelque part bouger le curseur et recadrer le débat autour de grands enjeux économiques même si les événements du passé montrent que la population est entrée dans une logique de contestation quasi permanente pour exposer les dérives du gouvernement.»
Certes, l’image d’un régime noyautant les principales institutions du pays avec les proches du pouvoir, ayant souvent des liens de parenté avec les dirigeants du pays, n’inspire visiblement pas confiance aux yeux des étrangers. Quand un pouvoir démocratiquement élu se voit doubler d’un deuxième pouvoir, souvent opérant comme un gouvernement parallèle, allant jusqu’à donner des directives aux parlementaires et aux dirigeants du gouvernement et d’institutions publiques, on est tenté de dire que «something is rotten somewhere». Roshi Bhadain comme Nando Bodha avaient dénoncé ce système de pouvoir cadenassé.
Mais au-delà de l’affaire Sherry Singh, ce qui se passe au sein de MT s’ajoute à une longue liste d’institutions confrontées à une crise de gouvernance. Sans doute, on ne dira pas que cette situation de crise de gouvernance ne s’apparente qu’aux entités publiques car dans le privé, des cas existent ici et là et c’est loin d’être une référence de bonne gouvernance à l’image des faits rapportés dans la presse et impliquant de nouvelles secousses au sein d’AfrAsia Bank.
Dans les jours à venir, les allégations de Sherry Singh vont faire monter la mayonnaise dans les rangs de l’opposition dont les différentes formations ont décidé de se serrer les coudes, déterminés à ne pas relâcher la pression sur le gouvernement. D’ailleurs, la PNQ du leader de l’opposition, Xavier-Luc Duval, sur cette affaire hier, où le speaker n’a pas permis à ce dernier de poser des questions supplémentaires précises au Premier ministre en s’appuyant sur un Standing Order 25(5) et en décidant d’interrompre la séance à deux reprises après avoir «named» un certain nombre de parlementaires de l’opposition, donne déjà le ton que l’hiver sera étrangement chaud politiquement.
Du coup, si la politique reprend la main, il faudra quelque part bouger le curseur et recadrer le débat autour de grands enjeux économiques même si les événements du passé montrent que la population est entrée dans une logique de contestation quasi permanente pour exposer les dérives du gouvernement. Les observateurs notent que depuis l’appel de Bruneau Laurette et la manifestation du 29 août dans le sillage de l’épisode Wakashio, il y a eu une volonté populaire de briser le silence pour ne plus cautionner les excès du pouvoir.
En même temps, les urgences économiques sont réelles et bien présentes face à une crise inflationniste qui risque de dépasser le vécu des consommateurs déjà écrasés sous le poids d’une montée vertigineuse de prix des denrées de base depuis le retrait des subventions gouvernementales le 30 juin pour atteindre les entreprises. Cela, avec le renchérissement des coûts des matières premières importées et les effets en cascade qu’entraîneront d’autres augmentations. Sans compter les pressions sur l’emploi et les risques sur d’éventuelles crises sociales.
Tout compte fait, Sherry Singh a ouvert une séquence politique face à un terrain miné économiquement. Il a ouvert une boîte de Pandore et doit mesurer la responsabilité qui pèse désormais sur ses épaules.
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