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Crises et gouvernance

9 juillet 2022, 12:29

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Crises et gouvernance

La deuxième version de Pravind Jugnauth, sans la protection outrancière du speaker, relative à l’appel entre Sherry Singh et lui, le 15 avril dernier, à 10:18, soulève d’autres interrogations. Tout d’abord, le Premier ministre peut-il donner des instructions au CEO d’une compagnie privée qui a, de surcroît, un partenaire stratégique étranger ? Ne revient-il pas au board de Mauritius Telecom de donner, après discussion, des instructions au CEO ?

Certes, le CEO peut refuser de suivre des instructions de son board, s’il juge qu’elles sont contraires à son contrat professionnel ou à ses valeurs personnelles, mais il doit alors s’en aller si le board insiste. Donc l’appel de Pravind Jugnauth à Sherry Singh, après celui de Nayen Koomar Ballah la veille, démontre avant tout la mauvaise gouvernance qu’on tend à normaliser au plus haut niveau de l’État.

C’est surprenant que le Premier ministre vienne modifier sa version, après avoir nié en bloc au Parlement, dans sa réponse liminaire à la PNQ de Xavier-Luc Duval, qui a été privé de question supplémentaire parce que le speaker a mal interprété ou lu les Standing Orders ! D’autant plus surprenant que Pravind Jugnauth n’a pas l’habitude de répondre aux questions parlementaires sur Mauritius Telecom, sous le prétexte que c’est une compagnie privée. En avouant désormais qu’il a appelé le CEO de Mauritius Telecom ne prête-t-il pas le flanc à des poursuites, disons, de la part d’un actionnaire de la compagnie qui s’offusquerait de l’ingérence premier ministérielle ?

Pour attirer des investisseurs sérieux, on doit en premier lieu montrer notre respect aux normes de bonne gouvernance. Le PM ne doit pas donner l’impression qu’il est au-dessus de tout, du board, du CEO, des règles de bonne conduite, surtout quand son parent est chef de la fonction publique et président du board de Mauritius Telecom. L’État ce n’est pas Pravind Jugnauth !

Ce qui se passe en Grande-Bretagne souligne pourquoi un Premier ministre ne devrait pas être au-dessus de tout et de tous. Boris Johnson a reçu le message : «Il est clair que la volonté du parti conservateur est désormais d’avoir un nouveau leader et donc un nouveau Premier ministre.»

Chez nous, nous n’avons plus de ministres qui peuvent dire non à leur Premier ministre. Le chef suprême à Maurice est un empreur et tout le monde s’incline ou fait semblant de s’incliner devant lui. On ne peut pas s’attendre à ce que Renganaden Padayachy, las de défier le bon sens économique, émule Rishi Sunak, ou que Kailesh Jagutpal, après une gifle de rappel, devienne Sajid Javid, encore moins qu’Ivan Collendavelloo, Alan Ganoo ou Steve Obeegadoo aient un sursaut, tardif, de militantisme. Ceux qui claquent la porte sont rares, car ils doivent s’attendre à ce que la police, la MRA, et d’autres institutions inféodées au pouvoir leur fassent de la misère, à eux personnellement et à leurs proches.