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Pravind Jugnauth: Modi lite ?

17 juillet 2022, 18:00

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Pravind Jugnauth: Modi lite ?

Sa gestuelle, ses habits, ses expressions. Sa façon de gouverner, de «régler» des problèmes, de mener la barque et de colmater les brèches… Des cheveux aussi blancs qu’un œuf sans jaune battu en neige. Ne manque-t-il que la barbe et la moustache pour que notre PM se «transforme» en cet autre PM dont il semble s’inspirer ?

Kurta, sherwani, jhodhpuri suit, dupata… Il ne s’agit pas de vêtements présentés à l’Indian Fashion Week, mais de quelquesuns de ceux dans lesquels on a vu défiler notre «chicissime» Premier ministre (PM), lors de plusieurs fonctions. Il enfile ainsi le costume d’un chef d’État de notre île multiculturelle. Ce qui frappe aussi, c’est la «ressemblance» avec ceux de son homologue indien, Narendra Modi. Même si l’habit ne fait pas le moine, se pourrait-il que la garde-robe fasse sortir d’autres similitudes du placard ? Balade dans le dressing politique.

L’un est âgé de 60 ans, l’autre de 71 ans. L’un est à la tête d’un pays de 1,3 million d’habitants, celui de l’autre en compte 1,3 milliard. Mais le «petit frère», qui gouverne Chota Bharat, semble vouer une véritable admiration à son homologue. Le namaskar en guise de salutation, la gestuelle derrière l’estrade surélevée, les expressions faciales, les mimiques, le sang-froid même en été durant les discours ou face à la presse ; des internautes ne manquent pas d’établir le parallèle entre Modiji et son «junior».

En 2017, alors qu’il venait quelques mois auparavant de traverser l’imposte grâce au coup de pouce de son père, feu sir Anerood Jugnauth (SAJ), Pravind Jugnauth prenait place dans l’avion – on ne sait pas s’il avait choisi un siège près d’un hublot – pour aller ouvrir des portes en Inde. Le PM malgré nous s’envole pour la Grande péninsule en mai, pour conclure un «accord sur la sécurité maritime dans la région océan Indien». Histoire qu’on soit bien SAFE, sans doute. La poignée de main entre les deux chefs de gouvernement sera franche, je- tant les jalons d’une amitié sans faille jusqu’ici – pas comme celle promise par ces «traîtres» de Lakwizinn, non Monsieur, non Madame.

À chaque rencontre avec son baṛa bhai, notre PM a les yeux qui pétillent, il est à l’aise dans ses chappals ; ça glisse, comme le métro qui atteint sa vitesse de croi- sière sur les rails. Le sourire est franc, l’admiration et le respect sont lisiblement visibles. C’était le cas lors de la dernière visite – de la discorde parce qu’au centre des «révélations» de Sherry Singh – de Pravind Jugnauth en Inde, en avril. L’accueil était triomphal, bollywoodesque ; haar, pétales de fleurs, danses folkloriques, billboards glorifiants, foules en liesse, tout y était.

Lors de ce séjour, le PM a eu un tête-à-tête avec son homologue indien mais aussi avec le ministre des Affaires étrangères, Subrahmanyam Jaishankar. En visite officielle chez nous en février 2021, ce dernier avait signé le premier accord commercial bilatéral de la sorte que la Grande péninsule conclut avec un pays africain. Le ministre indien avait aussi promis de «décaisser» 100 millions de dollars pour permettre à Maurice d’acheter du matériel de défense, dont un avion et un hélicoptère.

Brider les médias

Mais on s’égare. Hormis SAJ, Narendra Modi est-il le mentor du chef de notre gouvernement ? Il ne s’agit pas de plaisanter avec un tel sujet, car tous deux n’aiment pas trop les blagues, on dirait. L’homme à la barbe blanche flottante est ainsi peu «raillé» ou «caricaturé» dans son pays, car ceux qui font preuve d’humour sont muselés ou expédiés au cachot. L’administration «modienne» bride les médias, alors que les grands journaux sont tributaires des publicités gouvernementales. Ceux qui rentrent dans les rangs sont souvent qualifiés de médias «Godi» (NdlR, Godi étant un jeu de mots sur Modi, soit sur les genoux de ou entre les mains de), alors que les autres, indépendants, doivent faire face à des accusations en tous genres, à la ré- pression, aux menaces, aux arrestations... Une réalité traduite dans le classement mondial de la liberté de la presse, publié par Reporters sans frontières et dans lequel l’Inde ne cesse de dégringoler, au point d’être aujourd’hui l’un des pays les plus dangereux au monde pour les journalistes…

Chez nous, hormis le boycott publicitaire qui est toujours d’actualité, on se souviendra que l’internaute Rachna Seenauth, par exemple, avait atterri aux Casernes centrales le 15 septembre 2020, dans le cadre de l’enquête concernant l’accusation provisoire de Breach of ICTA. Kaushik Jadunundun, ex-membre du board de l’Information and Communication Technologies Authority (ICTA), avait consigné une plainte contre la secrétaire d’Ameenah Gurib-Fakim, après un mème qu’elle avait partagé et qui faisait état d’une rencontre entre le Premier ministre Pravind Jugnauth et d’autre dirigeants internationaux par visioconférence, autour de la gestion du Covid-19. «Modi junior» avait alors soutenu que sa publication sur les réseaux sociaux lui a porté préjudice ainsi qu’à son gouvernement…

Au chapitre des médias toujours, si Modi original et Modi copie carbone sont tous deux actifs sur Twitter, notamment, le premier anime une émission radio mensuelle depuis 2014, intitulée Mann Ki Baat (NdlR, ce que j’ai dans la tête, mes réflexions), lors de laquelle il aborde des sujets vastes et variés. Le 25 juin, il animait le 90e épisode. Le programme était diffusé sur l’ensemble du réseau d’All India Radio et Doordarshan, le site Web AIR News et sur l’application mobile newsonair, mais également en direct sur les chaînes YouTube d’AIR News, de DD News, du Prime Minister’s Office et du ministère de l’Information et de la Radiodiffusion. Chez nous, c’est la MSM Broadcasting Corporation (MBC) qui se charge de relayer les actions, les pensées, le point de vue de notre PM, ses moindres faits et gestes, avec, pour étayer les thèses et appuyer ses déclarations, des témoignages et reportages savamment orchestrés, montés, calculés…

Museler des opposants

Au chapitre du law and order, notre PM émule également, semble-t-il, son grand frère spirituel. L’homme qui dirige le parti orange et celui qui contrôle le parti safran ont tous deux la police à leurs pieds, à leurs bottes. La chanson Polico krap sera-t-elle traduite en Polis vaala meinddhak ? On ne le sait pas. Ce qu’on sait, en revanche, c’est qu’en 2019, le policier Sanjiv Bhatt, qui affirmait que le Premier ministre indien avait orchestré des émeutes sanglantes au Gujarat et qui assurait qu’il avait été témoin d’une réunion décisive pendant laquelle il aurait entendu Modi donner l’ordre à la police de ne pas agir, a été condamné à la prison à vie. Cela, 17 ans après les faits, Modi étant alors Chief Minister du Gujarat. Chez nous, les policiers n’hésitent pas à embarquer des manifestants, à faire défiler des citoyens aux Casernes centrales, à museler des opposants, parce que «lord vinn dépi lao».

La mode des clips de campagne, des clips tout court, on en parle ? Le style rockstar, adopté par le chef de file du Bharatiya Janata Party (BJP) dans celui qui avait pour titre Main Bhi Chowkidar (NdlR, moi aussi je suis un gardien) pour la campagne électorale de 2019, a-t-il un tant soit peu inspiré le sublime, l’emblématique Pravind to fort ? De quoi Viré Mam en deux temps trois mouvements, pas vrai ? En tout cas, l’utilisation de l’image des partisans conquis à la cause des deux hommes, des nanis qui offrent leur aashirvaad (NdlR, bénédiction), sont des thèmes récurrents, qui récurent le cerveau de certains.

Malgré les polémiques et les casseroles qu’il traîne depuis plusieurs années, dont la répression des musulmans au Gujarat, l’ascension de Narendra Modi, ancien vendeur de thé devenu PM, n’a toutefois rien à voir avec notre chef de Lakwizinn, avocat, né avec une cuillère en argent dans la bouche. Celui dont le parti dispose de la majorité absolue au Lok Sabha est né dans une famille d’épiciers de Vadnagar. Il est le troisième enfant de Damodardas Mulchand Modi et de Heeraben. Le «protégé» de Phokeer, lui, est né dans un berceau «politisé».

Faute de posséder le charisme du leader du BJP, le leader du MSM, lui, mise sur la sévérité, l’autorité, les menaces, les coups de bâtons verbaux. Par ailleurs, le patron de la plus grande démocratie du monde est accusé d’avoir «influencé», dirons-nous poliment, les élections dans la Grande péninsule, en 2019. Utilisant notamment Tek Fog, un logiciel développé par un géant local des nouvelles technologies, qui permettrait à l’organisation nationaliste de manipuler les tendances populaires sur les réseaux sociaux, d’orchestrer des campagnes de haine ciblées, et enfin, d’utiliser illégalement un compte WhatsApp pour diffuser sa propagande sans laisser de traces, comme le révèle le média en ligne, The Wire.

Cela aura-t-il «inspiré» notre «mini Modi» pour les élections de 2024 ? Chacha se métamorphose-t-il en Dada ? C’est la question qui est dans toutes les têtes depuis le #sniffinggate…