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Immigration Act: le Premier ministre peut rendre un individu apatride
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Immigration Act: le Premier ministre peut rendre un individu apatride
Le nouvel Immigration Bill, présenté à l’Assemblée nationale ce mardi 19 juillet, n’est pas du tout vu d’un bon œil, surtout par les légistes. La raison principale : l’amendement prévu à la Section 39 qu’apporterait cette loi, une fois en vigueur, à la Citizenship Act. Et qui accordera potentiellement au Premier ministre le pouvoir de rendre de rendre un citoyen apatride (NdlR, se dit de quelqu’un qui, ayant perdu sa nationalité, qui n’en a pas légalement acquis une autre).
Lorsque cette loi sera promulguée, Pravind Jugnauth et les futurs Premiers ministres auront donc le droit d’arracher la citoyenneté d’une personne «in his absolute discretion and without giving any reason». En gros, n’importe quelle personne qui, après avoir acquis la citoyenneté mauricienne via le mariage ou grâce à un investissement, peut la perdre si le Premier ministre le décide. Le problème se pose surtout pour les ressortissants des pays qui n’ont pas le droit de détenir une double nationalité. Si la personne a renoncé à sa nationalité d’origine pour devenir Mauricien et que ce droit est par la suite révoqué, elle deviendra apatride.
«C’est totalement contraire aux lois internationales», fait ressortir Rajen Narsinghen. Le juriste avance que la loi est aussi potentiellement anticonstitutionnelle car même s’il n’y a pas explicitement de conflit entre le texte de loi et la loi suprême, cette section de la nouvelle Immigration Act bafoue l’esprit de la Constitution. De plus, il fait ressortir que la Citizenship Act et l’Immigration Bill ne sont pas liés, donc il est assez bizarre que le changement se fasse par un consequential amendment, c’est-à-dire, un petit réajustement légal après un gros changement.
«On est en droit de se demander s’il y a un motif caché lié à cette affaire, vu la manière dont l’amendement est présenté en catimini. Il aurait fallu un débat uniquement sur ce point», fait valoir Rajen Narsinghen, rappelant dans la foulée que ce procédé existe dans tous les pays, mais la décision est prise par un comité technique et pour fautes très graves, souvent liées au terrorisme. «Cela ne peut pas être une décision prise par le prince du jour, surtout s’il n’a pas besoin de justifier sa décision.»
La Citizenship Act prévoit toutefois, à la clause 11 - 3 (b), que «The minister shall not deprive any person of his citizenship where it appears to him that the person would become stateless». Mais Rajen Narsinghen explique qu’en droit, il y a le principe que toute nouvelle loi ou amendement annule les anciennes implicitement. De ce fait, la nouvelle Immigration Bill, et surtout la formulation de l’amendement pointé du doigt, peut aussi annuler clause 11 - 3 (b).
Sollicité, Me Yatin Varma, le président du Bar Council, explique que cette nouvelle loi contient des clauses qui donnent le pouvoir d’arrestation aux officiers de l’immigration. De plus, elle va contre notre propre jurisprudence. «A maintes reprises, la Cour suprême a jugé que toutes les décisions doivent être justifiées» rappelle l’homme de loi.
«For defence, public safety»
L’autre danger que représente cet amendement est pour le monde des affaires. Du jour au lendemain, un investisseur peut se retrouver contraint de quitter Maurice car sa citoyenneté aura été révoquée pour des raisons qu’il ignore. D’autres légistes font ressortir que pour motiver sa décision, le Premier ministre peut évoquer des raisons telles que «for defence, public safety or public order».
De rappeler que c’est exactement ce point qui avait été soulevé, selon Sherry Singh, pour demander une surveillance du trafic internet...
Au sujet de Sherry Singh justement, le chef de file des Travaillistes s’est alarmé hier. «The new immigration bill gives unfettered powers to Pravind Jugnauth to strip a citizen of his citizenship. He will deport any citizen. The amendments to Mauritian Citizen Act give absolute discretionary powers to Pravind Jugnauth to target Sherry Singh first and foremost.» Arvin Boolell rappelle que le père de ce dernier est Indien.
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