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La lutte finale de Rashid Imrith

21 juillet 2022, 12:00

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La lutte finale de Rashid Imrith

Il était l’homme de tous les combats, il a lutté sous différents gouvernements pour défendre les droits des travailleurs, en particuliers les fonctionnaires. Ses amis syndicalistes n’ont que des éloges pour Rashid Imrith, qui laisse orphelin un monde syndical en perpétuelle ébullition.

Rashid Imrith s’est éteint hier matin à l’âge de 65 ans. Il a pris sa retraite l’année dernière, alors qu’il luttait contre une maladie depuis un peu plus de deux ans. Pourtant, il y a quelques mois, il avait repris ses activités syndicales. Malheureusement, il n’a pu combattre cette maladie, comme il l’a fait pour la classe des travailleurs et, par ricochet, pour les citoyens, pendant une quarantaine d’années.

S’il y a une syndicaliste qui l’a côtoyé pendant plus de trois décennies, c’est Bhoopa Brizmohun, actuellement secrétaire de la Government General Services Union (GGSU), de la Federation of Public Sector and Other Unions et de l’All Employees Union. Fonctionnaire travaillant comme bénévole à la GGSU au début des années 80, Bhoopa Brizmohun a fait partie de l’exécutif du syndicat et elle a toujours été présente aux côtés d’Imrith. Elle connaît tous ses combats.

Elle se souvient de Rashid Imrith comme d’un fonceur qui n’hésitait pas à interpeller ministre ou haut fonctionnaire n’importe quand et n’importe où. «Il haussait le ton quand il le fallait. Je me souviens qu’un jour, avant les années 90, il est allé voir un haut fonctionnaire dans un bureau à la New Government House. Le haut fonctionnaire lui a refusé l’entrée, et Rashid Imrith a donné un coup de pied à la porte pour pouvoir lui parler.»

Rashid Imrith a été plus connu pour son combat en faveur des fonctionnaires, surtout concernant le rapport du Pay Research Bureau. Lorsque les fonctionnaires étaient mécontents du contenu du rapport de France Empeigne, Rashid Imrith s’était placé à la tête d’un cortège composé de centaines de fonctionnaires et de syndicalistes pour protester contre le rapport. «Ce jour-là, je l’ai vu brûler une photo d’Empeigne.» Cette manifestation a donné raison aux syndicalistes.

Une des grandes réalisations de l’ex-syndicaliste est le paiement de trois increments à tous les fonctionnaires du pays en 1996. «Tous les fonctionnaires en ont bénéficié. Jusqu’à aujourd’hui, les augmentations se greffent sur ces increments.» C’est lui qui a permis la tenue des assemblées générales des syndicats lors des heures de travail. «Je me souviens qu’un jour, alors que le ministère du Travail encourageait les travailleurs à visionner le film Ekta, basé sur la lutte syndicale, Rashid Imrith a demandé et a obtenu la permission que ce film soit projeté durant les heures de travail au Théâtre de Port-Louis. Bien peu de syndicalistes auraient eu le courage de faire une telle demande.»

Rashid Imrith aimait ce qu’il faisait. Il a toujours été à l’avant-poste pour la lutte des travailleurs. «Il aurait pu terminer sa carrière comme Senior Chief Executive, s’il le voulait. Souvent, quand il participait à une manifestation, le cortège passait à côté du bâtiment Swan, soit devant des fenêtres du bureau du ministère des Finances. Vishnu Lutchmeenaraidoo, alors ministre des Finances (entre 1983 et 1990) le regardait souvent. Un jour, il l’a appelé et lui a lancé : ‘‘Pendant combien de temps la foule te suivra ? Il y a un poste comme Administrator Officer au sein de la fonction publique qui est vacant. Pourquoi tu ne tentes pas ta chance ?’’ Rashid n’a pas postulé pour le poste parce que la lutte pour les travailleurs comptait plus pour lui. Il a pris sa retraite comme Office Management Executive.»

Il a aussi reçu des offres pour être candidat aux élections générales. «Il était convoité par les grands partis politiques. Mais il a toujours refusé. Il donnait l’impression qu’il allait faire de la politique après sa retraite. Des amis et moi, nous l’avons découragé. Car tout le crédit qu’il a obtenu comme syndicaliste allait s’envoler en tant que politicien.»

Rashid Imrith, se souvient son amie, a mené une farouche campagne contre des décisions de Rama Sithanen, notamment la taxation du lump sum. «Rashid Imrith distribuait des tracts anti-gouvernement dans des bureaux, lorsqu’il a reçu un coup de téléphone de Navin Ramgoolam, alors Premier ministre. Il a expliqué au Premier ministre la colère des fonctionnaires et le gouvernement est revenu sur sa décision. C’était aussi la même chose quand l’âge de la retraite a été repoussé à 65 ans. Il était question que la pension universelle aussi soit payée à cet âge. Il a mené une campagne et, encore une fois, Navin Ramgoolam lui a parlé et le gouvernement a décidé que la pension de vieillesse soit maintenue à 60 ans. Tout le monde, fonctionnaires, travailleurs du secteur privé et les citoyens bénéficient de cela aujourd’hui.»

Bhoopa Brizmohun se rappelle comment elle a vu la tristesse sur le visage de Rashid Imrith. «Nous devions envoyer un papier au tribunal d’arbitrage du service civil et, la veille, nous n’avions rien préparé. Il m’a dit de laisser tomber. Je lui ai demandé de regagner sa demeure car j’allais travailler jusqu’à fort tard pour que tout soit prêt pour le lendemain matin. Il a quitté le bureau avec tristesse, car il voulait lui aussi participer à ce travail et ne voulait pas que je travaille seule.»

Qui le remplacera à la tête de ces syndicats ? «Nous n’avons pas pensé à cela, car pour moi, il sera irremplaçable.»

Le combattant de tous les citoyens

Proches, syndicalistes, voisins, ils étaient nombreux à venir rendre un dernier hommage à Rashid Imrith. Le syndicaliste et président de la Fédération des syndicats du secteur public est décédé après un long combat contre la maladie. Ses funérailles ont eu lieu hier, à son domicile à Béchard lane, St-Paul, à Phoenix.

Au service des fonctionnaires depuis plus de 32 ans, Rashid Imrith était connu pour son combat pour l’amélioration des conditions de la classe des travailleurs et leurs familles. Il a participé, tout au long de son parcours, à plusieurs manifestations, notamment pour des revendications en faveur du bien-être des employés à travers ses propositions axées sur le rapport du Pay Research Bureau, et était au front lors de plusieurs autres mouvements tels que ceux concernant la marée noire provoquée par le Wakashio en 2020.

Ses amis syndicalistes étaient présents lors de ses funérailles pour lui dire adieu, dont Hanif Peerun, Bhoopa Brizmohun et Ashok Subron, avec qui il avait cofondé Kolektif Konversation Solider. Ce dernier se souvient de Rashid Imrith comme son brother-in-arms et un véritable combattant. «La classe des travailleurs mauriciens a perdu un vrai et courageux combattant. Il est entré dans le monde du syndicalisme bien avant moi, et a depuis laissé une marque qui restera gravée dans l’histoire mauricienne. Il a mené un combat purement anti-communal et uniquement pour le bien-être du pays, apportant ainsi une sincérité et un équilibre. Il s’était d’ailleurs exprimé le 1er mai, à l’occasion de la Fête du Travail, durant l’une de ses dernières apparitions publiques. La population mauricienne doit tirer de nombreuses leçons de sa vie. L’histoire ne l’oubliera jamais», a déclaré Ashok Subron.

«Un père exemplaire et un excellent cuisinier»

Par ailleurs, si son parcours professionnel en tant que syndicaliste a été inspirant, sa famille garde de Rashid Imrith le souvenir de quelqu’un de tout aussi dévoué ; un père de famille exemplaire qui a toujours prôné les valeurs d’amour, de courage, de leadership, d’unité et de bien-être. «Il était bien équilibré dans tous les aspects de sa vie. Il avait pour habitude de discuter avec la famille de toutes les choses, personnelles ou professionnelles, avant de prendre des décisions. Il était surtout un homme qui savait écouter et qui aspirait toujours à faire mieux. Nous étions son plus grand soutien, ainsi que ses principaux critiques», nous a confié Zeenat Imrith, son épouse, avec qui le syndicaliste a passé 25 ans de sa vie. «Il a toujours mis l’accent sur l’unité de la famille, que ce soit entre nous trois avec notre fille unique, ou entre les autres membres de notre famille notamment ses frères et sœurs, ses belles-sœurs, beaux-frères et ses nièces. Il était également un excellent cuisinier. En fait, je n’ai jamais cuisiné pendant vingtquatre ans de ma vie, jusqu’à l’année dernière, lorsqu’il est tombé malade. C’était quelqu’un qui n’a jamais rien abandonné jusqu’à son dernier souffle. Il faisait régulièrement ses prières et était toujours prêt à donner des conseils, surtout aux jeunes», a-t-elle partagé.

Cette impression de Rashid Imrith est aussi partagée par ses proches et voisins, notamment son ami Raffick Buckreedun, qui le qualifie de personne extraordinaire «Je le connais depuis près de cinquante ans et c’était un homme extraordinaire, avec une vie professionnelle et personnelle exemplaire. Mes meilleurs souvenirs avec lui restent les entretiens de fin de soirée lors des mariages ou des rencontres familiales. Il a toujours été un homme moralement droit. L’île Maurice a perdu une vraie perle.»

À côté du domicile de Rashid Imrith, la tristesse de son décès est également vécue par la famille Laldeosingh. Swasti, 27 ans, nous confie qu’elle connaît le syndicaliste depuis toute petite. «Il nous saluait toujours, Namaste, avec un sourire chaleureux et n’était jamais arrogant. Il m’a personnellement beaucoup conseillée depuis mon enfance, surtout en ce qui concerne les décisions importantes que je devais prendre en matière d’éducation. Lorsque ma mère était malade, il était là pour moi. C’est extrêmement triste de le perdre.» Kavita, la tante de Swasti, se rappelle également de Rashid Imrith comme d’un homme modeste qui aimait dialoguer avec les jeunes du quartier et les encadrer. «Il me demandait toujours si mon fils allait bien et le conseillait sur divers sujets. Il a toujours mis l’accent sur la valeur de l’éducation et aimait vraiment les gens. Nous nous souviendrons toujours de lui.»

Un homme de caractère, doté de courage et de détermination. C’est l’image et le souvenir de Rashid Imrith que garderont la classe syndicale et toute la population mauricienne.

Toolseeraj Benydin : «Il menait une lutte juste»

<p>Toolseeraj Benydin et Rashid Imrith ont commencé leur carrière de syndicaliste presque à la même période. Le syndicaliste converti en politicien se souvient de lui comme d&rsquo;un grand combattant pour les travailleurs. <em>&laquo;Il était un fonceur et menait une lutte juste. Il n&rsquo;a jamais dévié de ses principes. Certes, nous étions quelquefois en conflit, mais pour Rashid, c&rsquo;était l&rsquo;intérêt des travailleurs qui comptait le plus.&raquo;</em></p>

<p><strong>Gassen Murugan (ex-GTU) : &laquo;Il m&rsquo;a défendu quand mon syndicat m&rsquo;a laissé tomber&raquo;</strong></p>

<p>Gassen Murugan, ancien vice-président et Technical Adviser de la Government Teachers&rsquo; Union (GTU), se souvient du dernier combat de Rashid Imrith. &laquo;C&rsquo;était sa participation à un grand rassemblement à Mahébourg le 12 septembre 2020. Ce jour-là, il était très actif et me demandait de haranguer la foule. J&rsquo;avais un problème avec mon syndicat, car il y avait des rapports contre moi au PMO et à la Mauritius Revenue Authority. Il me donnait des conseils. C&rsquo;était un vrai gentleman.&raquo;</p>

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