Publicité

Controverse: pourquoi l’Inde investit Rs 13 milliards à Agaléga ?

27 juillet 2022, 21:30

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Controverse: pourquoi l’Inde investit Rs 13 milliards à Agaléga ?

La Private Notice Question (PNQ) d’hier relative à Agalega n’était pas étrangère à l’affaire de «sniffing» qui prend de plus en plus l’allure d’espionnage pour le compte de l’Inde. Pays qui occupe et occupera manifestement cette île malgré les dénégations de Pravind Jugnauth. Xavier-Luc Duval voulait connaître le coût total estimé pour les projets de piste et de jetée, entre autres, à Agalega, combien coûtera la maintenance de ces immenses infrastructures une fois complétées et qui de l’Inde ou de Maurice en prendra la charge, et savoir le nombre de personnes qui y seront employées et leur nationalité.

Treize minutes. C’est le temps pris par Pravind Jugnauth pour faire, selon son habitude, l’historique de l’aéroport et de la jetée à Agalega et de… Rodrigues pourtant pas concernée. Le Premier ministre (PM) souligne qu’un Memorandum of Understanding (MoU) entre l’Inde et Maurice pour le financement par les Indiens des travaux sur la piste d’Agalega a été approuvé dès le 31 octobre 2014, par le gouvernement travailliste, mais signé entre le nouveau gouvernement Lepep et l’Inde lors de la visite de Narendra Modi en mars 2015.

Pravind Jugnauth a offert d’autres informations connues de tous, par exemple que la compagnie indienne AFCONS a obtenu ce contrat et que l’Inde finance tous ces projets à 100 %. On apprend que la jetée mesure 255 mètres ! Et que les travaux y ont été complétés à 80 %. Ceux concernant la piste d’atterrissage de 3 km de long et 60 mètres de large le sont à 88 %.

Maintenance aux frais des Mauriciens

Répondant enfin aux questions précises du leader de l’opposition, Pravind Jugnauth annonce que ces travaux coûteront Rs 8,8 milliards aux Indiens. Mais il n’a pas pu ou voulu offrir une estimation des coûts d’entretien de ces infrastructures, jugeant qu’il serait prématuré de le faire. Plus important, ces frais apparemment énormes seront à la charge du contribuable mauricien, avec, a-t-il ajouté, le «support» de l’Inde. On ne sait ni combien ni la nature de ce soutien, s’il sera moral ou physique, direct ou indirect.

Quant à savoir combien de personnes seront employées pour cette maintenance, Pravind Jugnauth affirme encore qu’il serait prématuré de donner cette réponse. Seront-ce des Mauriciens/Agaléens ou des Indiens ? La réponse est tout en finesse : «Except for scarcity areas necessitating foreign expertise or unavailability of adequately qualified local human resource» ce seront les Mauriciens. Tout est dans le «except».

Pravind Jugnauth s’est mis à réciter les avantages d’agrandir la piste d’atterrissage et de la jetée : protection de notre zone économique maritime contre la pêche illégale, la piraterie, le terrorisme, le trafic de drogue, entre autres, y compris – défense de rire – contre le risque de pollution. Il ajoute aussi que c’est dans l’intérêt de nos «frères et sœurs Agaléens». Après avoir remercié l’Inde, le PM s’est encore une fois étalé sur Rodrigues et… les Chagos.

Ce n’est qu’après 18 minutes que Xavier Duval a pu poser sa première question supplémentaire. Est-ce vrai que le coût a grimpé de Rs 800 millions à l’époque du MoU à Rs 8,8 milliards aujourd’hui et probablement à Rs 13 milliards après la fin des travaux pour le contribuable indien ? Il demande si le protocole d’accord original n’est pas «outdated». Non sans avoir rappelé au PM que la clause de confidentialité figurant dans ce MoU n’a pas été déposée au Parlement. Pravind Jugnauth répond que toutes les informations ont été données par lui et les personnes concernées. Voulait-il parler des officiels indiens qui ont dit d’ailleurs, selon Duval, qu’ils n’ont aucune objection à ce que toutes les informations soient rendues publiques ?

Que répond Pravind Jugnauth ? «Je ne suis pas au courant de ces déclarations. Je vais vérifier…» Attirant – une deuxième fois depuis l’affaire de sniffing – Modi dans le débat, il dit être tombé d’accord avec son homologue indien quant aux clauses à garder secrètes. «Vous doutez de mes paroles ?» Xavier Duval, rétorque :«Je doute de tout ce que vous dites.» Avant d’en venir au point important :«Plus on dépense sur Agalega, plus les Indiens financent, et plus l’Inde aura des droits sur cette île. Quelle est la contrepartie de toutes ces générosités ?» Il enfonce le clou:«Personne ne croit quand vous dites que tout cet argent est dépensé pour nous protéger contre la piraterie, la pêche illégale ou contre le trafic de drogue.»

Se référant aux Agaléens dont Jugnauth dit vouloir hausser le niveau de vie, Xavier Duval assène :«Comment le serait-il avec une grande partie de leur territoire occupée maintenant par une immense piste et les énormes hangars ?»

Avions renifleurs

C’est reparti sur Rodrigues pour Pravind Jugnauth, qui, ne réalisant pas le grotesque de sa comparaison, indique que l’aéroport de Plaine-Corail n’a coûté que Rs 4 milliards. Il continue en dévoilant que les hangars et «shelters» abriteront des Boeing 737 et des A321, alors qu’Air Mauritius n’en possède pas. Le PM est en colère que Xavier Duval ait parlé de contreparties que l’Inde attend de ces Rs 13 milliards. «Voyez le projet métro, dont la moitié du coût est financée par l’Inde.» Mal lui en a pris. Car Duval lui rappelle qu’en retour de ces Rs 9 milliards, on a perdu le traité de non-double imposition. Le PM n’y a eu rien à redire. Mais est revenu sur les hangars «plus grands que ceux de Maurice», comme le lui a dit Duval. Il reparle des Boeing 737 et des A321. L’occasion pour Xavier Duval de demander si ce ne sont pas en fait les fameux Poseidon (Boeing P-81 Poseidon) chasseurs de sousmarins et qui transportent des missiles. Et de marteler : «Au nom de la souveraineté nationale, vous n’avez aucun droit de cacher des informations.» Pravind Jugnauth dit ne pas être au courant… Sauvé par le gong du speaker.