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Bruit, saleté, pollution: nos Wakashios quotidiens

14 août 2022, 14:30

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Bruit, saleté, pollution: nos Wakashios quotidiens

Dans un premier temps cher lecteur, cet article devait s’intituler «Le pays du bruit et de la police inutile». Et puis je me suis rendu compte que mettre les mots «police» et ‘’inutile’’ dans une même phrase était un pléonasme que je préfère éviter. 

J’habite dans un petit village du nord de l’île qui voit de grands changements arriver. Le bruit, bien que de très nombreuses et sérieuses études démontrent qu’il est mauvais pour la santé et rend les gens stressés, agressifs ou dépressifs, fait partie intégrante de la vie journalière de ce petit village. Malheureusement, à Maurice, nous avons toujours un train de retard sur ces considérations de santé, d’écologie et d’environnement. 

La vie commence à 5 heures du matin avec le premier bus, qui réveille tout le village. Enfin quand je dis bus je devrais dire camion, car ces engins sont en fait des châssis et moteurs de camions avec une «coque» de bus posée dessus. D’où le bruit assourdissant de ces engins ! À quand de vrais bus avec des moteurs plus silencieux et de vrais chauffeurs qui ne martyrisent pas leurs boîtes de vitesses et font attention au voisinage ? Une petite parenthèse pour dire qu’une grande majorité de chauffeurs de bus sont des kamikazes en puissance. Récemment dans la presse, il y avait un article d’une utilisatrice des transports en commun qui relatait l’agressivité des contrôleurs et la dangerosité des chauffeurs. À quand une «vraie» formation pour ces chauffeurs qui ont notre vie et celles de nos enfants entre leurs mains ? Mais de toute façon, le gouvernement n’en tient pas compte. Pas la peine d’appeler la police si vous êtes à bord d’un de ces engins, ça ne sert à rien. 

Le village subit de grandes transformations en ce moment. Depuis plus d’un an maintenant un projet pharaonique est en route : constructions de villas, appartements, commerces etc. va voir le jour. Depuis plus d’un an des marteaux-piqueurs et des machines à «damer» la terre assourdissent le village. J’ai de la chance, je suis à 200 mètres des marteaux-piqueurs et autres machines les plus proches. Malgré cela, les toits en tôle de ma maison vibrent ; le carrelage s’est même soulevé par endroits. Quand on pose un verre d’eau sur la table, on peut voir frissonner l’eau dans le verre. Et moi je suis à 200 mètres ! J’ai mal quand je pense aux personnes qui sont depuis plus d’un an à 10 mètres de ces marteaux-piqueurs. Et ce n’est pas près de s’arrêter ! Et quid également des incessantes alarmes de recul des camions, JCB et autres ; ce constant «beep beep beep» qui rend les gens fous ! Encore au moins deux ou trois ans de travaux pharaoniques sont prévus. Quelle doit être la vie de ces personnes qui habitent tout près de ces horribles machines ? Je pense aux vieux qui sont chez eux toute la journée, aux malades alités, aux enfants en bas âge qui ont à supporter cet enfer qui dure depuis un an et qui va durer encore au moins trois ans. Et notons que les promoteurs ont eu la courtoisie (et la présence d’esprit) de ne pas travailler le soir et les dimanches. Ils ont été bien inspirés, sinon je pense qu’il y aurait eu une révolution dans le village. C’est complètement injuste d’imposer cela à des personnes qui n’ont rien demandé. 

Imaginez un seul instant cher lecteur, habiter pendant plusieurs années à 10 ou 50 mètres de ces marteaux-piqueurs et autres machines. 

Le plus amusant (si j’ose dire) c’est que pour la moindre construction ou modification d’un édifice, hôtel ou autre, près d’une plage, on demande de très sévères et contraignants EIA (Enviromental Impact Assessment). On va alors voir si détruire dix oursins dans le lagon ou deux filaos près de la plage a un impact nocif sur l’environnement ! Et les personnes habitant près de ces travaux monumentaux ? Ce n’est pas l’environnement ça ? On leur demande leur avis à ces personnes ? Se pose-t-on la question de voir si de tels travaux pharaoniques auront un impact sur leur santé physique et mentale ? Ne pensez-vous pas cher lecteur que ce serait cela la première raison d’être d’un EIA ? À mon avis oui ! 

Ce projet aurait alors pu alors avoir lieu en respectant la topographie de l’endroit et éviter ainsi du bruit inutile. Mais je rêve sûrement. Que valent la qualité de vie et la santé d’une ou deux centaines d’habitants contre le développement à outrance ? 

J’assistais dernièrement à un enterrement dans la petite chapelle de l’endroit. En raison de marteaux-piqueurs, JCB etc. on entendait à peine les mots du prêtre, le recueillement était impossible. Ce n’est pas normal ! Et quand quelques abrutis passent sur des motos à échappements libres, alors là le prêtre s’arrête carrément de parler. 

Ce bruit de motos à échappement libre est probablement le plus grand fléau de l’endroit (et du pays tout entier) car lui, il n’a pas d’heure. Des abrutis passent régulièrement dans le village, s’arrêtent, font pétarader leurs échappements et s’en vont. Ils repassent quelques minutes après et refont la même chose. Vous venez de coucher les enfants ? Votre vieux papa vient de s’assoupir devant la télé ? Pas de problème ! Les enfants se réveillent en pleurant, votre vieux papa sursaute et sa tension s’accélère. Ne perdez pas votre temps à appeler la police ! Ils ne feront RIEN. Malgré de récentes déclarations gouvernementales à propos de sanctions très sévères au sujet des motos à échappement libre, rien n’a changé. L’expression «kozé pou la bous pa pi» trouve ici son plein-emploi. 

J’avais dernièrement fait l’ascension du Pouce. En haut tout était calme et paisible. Sauf pour le seul bruit qu’on pouvait entendre en contrebas de la montagne : le bruit des motos à échappement libre. Fantastique n’est-ce pas ? 

Certains samedis ou dimanches, une cinquantaine de motos passent en groupe, toutes sans échappement. Dans le village, la circulation est limitée à 60 km/h, ce qui est déjà beaucoup. Si je vous dis cher lecteur que certaines motos passent à 120 ou 130 km/h, vous allez me croire ? Eh bien croyezmoi, par ce que c’est vrai ! 

Un autre nouveau fléau est celui des voitures équipées de sonos à faire pâlir d’envie des discothèques. Vous êtes tranquillement assis chez vous, un crétin passe avec sa voiture disco. La vie s’arrête, les conversations s’arrêtent, les murs tremblent, les chiens rentrent sous la table, les enfants se réveillent, les vieux sursautent, on «rewind» la télé pour savoir ce qui s’est dit dans notre feuilleton favori. Ce n’est pas normal ! Mais ne perdez pas votre temps à appeler la police. 

Tout près du village, il y a un endroit près d’un petit lac où ils font des réceptions et des mariages. Les habitants du village sont régulièrement arrosés de décibels. Ce n’est pas normal ! La musique devrait être dans une salle fermée ou alors, comme on le fait maintenant, tous les invités devraient être équipés d’écouteurs pour la musique et comme ça le voisinage n’entend rien. Mais à Maurice on est toujours en retard sur ce genre de nouveaux procédés anti bruit. 

Il y a quelques jours, un idiot du village voisin, a moins d’un kilomètre, a quant à lui fait «une grosse fête» avec des haut-parleurs dignes des plus grosses discothèques d’Ibiza, jusqu’à, tenez-vous bien cher lecteur, 8 heures du matin. Oui ! Vous avez bien lu ! 8 heures du matin. Il avait commencé la veille vers 8 pm ! Résultat des courses, quelques abrutis ont empêché 500 ou 600 personnes de dormir pendant toute la nuit. Ce n’est pas normal ! 

Alors si vous appelez la police ça va se passer comme ça : ils vont vous répondre «nou pou al get sa». SI JAMAIS, par le plus grand des hasards ils viennent sur place et font baisser la musique, aussitôt qu’ils ont le dos tourné, la musique repart à fond. Et là, 100 personnes peuvent téléphoner à la police, ils ne vont pas revenir. Pour eux c’est fini : ils sont allés voir, ils ont fait une «entrée dans le livre» et voilà : mission accomplie ! En tout cas ce soir-là ils ne se sont pas déplacés, car la police n’aime apparemment pas trop entrer dans ce village. Alors «pa bizin gaspiy enn call». Ou alors la police vous dira de contacter la police de l’environnement qui elle-même (si vous pouvez la joindre) vous dira de contacter la police. C’est pour ça que la police n’est pas respectée à Maurice. Elle fait seulement ce qui est facile : check de routine ça oui !! Aider et protéger les honnêtes citoyens ça non ! Ce n’est pas normal ! 

Et puis il y a la plaine de foot ! Le pire cauchemar qu’on pourrait infliger à quelqu’un c’est de le faire habiter près d’une plaine de foot non réglementée, bien que celle-ci soit dans un quartier résidentiel, bien que celle-ci ait été installée bien après votre habitation. Comme il n’y a pas de règlements concernant le bruit, les personnes font ce qu’elles veulent et hurlent comme si on leur arrachait les tripes. Voisinage ? Voisin ? Voisine ? Vivre ensemble ? Faire attention aux autres ? C’est quoi ça ? Connais pas ! Jamais entendu ces mots-là ! Je me suis renseigné, les stades de foot dans les quartiers résidentiels dans les autres pays, ont tous des règlements concernant le bruit, le voisinage, l’environnement, les conditions de jeux, les horaires etc. À Maurice non ! Encore une fois, pas la peine d’appeler la police ! 

Et les feux d’artifice ? Malgré la loi, malgré les heures tardives rien ne va empêcher (comme c’est le cas régulièrement dans ma région) un abruti particulier ou un hôtel (abruti aussi), de tirer un feu d’artifice à minuit en pleine semaine ! Nous devons être un des seuls pays au monde où cela est permis bien que ce soit illégal ! Imaginez un seul instant : vous êtes tranquillement chez vous le soir, en semaine, il est 23 heures, vous allez bientôt vous coucher ou vous l’êtes déjà et c’est comme si chez votre voisin la Russie bombardait l’Ukraine pendant cinq minutes, Ce n’est pas normal ! Et on ne parle même pas des dégâts causés aux animaux ! Dans certains pays civilisés, les feux d’artifice sont aussi interdits à cause des animaux. À Maurice avant qu’on en arrive à ce niveau de civilisation, les poules auront des dents ! Appeler la police équivaut à (selon l’expression) faire pipi dans un violon : ça ne sert à rien. 

En fait Il ne faut pas s’étonner de cet état de choses. Il ne faut pas oublier qu’à Maurice, chacun fait ce qu’il veut quand il veut. La loi c’est pour les autres. Et l’exemple venant d’en haut, on est mal parti.

L’ensauvagement de notre société progresse à grande vitesse. Bientôt il sera trop tard. Il est presque trop tard. Et comment compter sur un gouvernement qui ne pense qu’à s’accrocher au pouvoir et qui oublie les Wakashios quotidiens de la population : le bruit, la saleté, la drogue… La drogue on peut oublier il est déjà trop tard ! Mais le bruit, la saleté, la pollution, c’est peutêtre toujours jouable. 

Alors cher lecteur, malgré tout les «pas la peine d’appeler la police» pour les besoins de ce petit article, appelez quand même la police quand vous êtes confrontés au bruit, à la saleté, à la pollution. Vous n’êtes pas obligé de donner votre nom quand vous dénoncez une illégalité. La police DOIT réagir, et faites-la réagir. Insistez jusqu’à ce qu’elle le fasse. C’est son devoir. La police est à NOTRE service et non vice versa. 

À quand une coalition nationale contre le bruit ? Quel jeune citoyen ou citoyenne branché réseaux sociaux saura faire des pétitions qui pourront réunir des dizaines de milliers de Mauriciens dans ce combat contre le bruit, un des plus grands fléaux des sociétés modernes. 

Encore une fois cher lecteur, cet état de choses n’est pas normal mais voilà le quotidien dans mon village. Celui-ci porte bien son nom : Cap-Malheureux.