Publicité

Législatives de 2019 l Controverses électorales: l’urne de Pandore

14 août 2022, 20:00

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

Législatives de 2019 l Controverses électorales: l’urne de Pandore

La Cour suprême a prononcé, vendredi, un jugement en faveur des candidats du MSM au n°8, Moka-Quartier-Militaire, dont le Premier ministre. Cependant, beaucoup d’autres questions demeurent sans réponse. Voici un bref retour sur les incidents mis au jour depuis les élections de novembre 2019...

Ce vendredi 12 août, les juges David Chan et Karuna Devi Gunesh-Balaghee ont mis fin au suspense qui a duré presque un an. Ce, par rapport à la pétition électorale déposée par le candidat battu de l’Alliance nationale, Suren Dayal, lors du scrutin de novembre 2019, dans la circonscription n°8, contre le Premier ministre, Pravind Jugnauth et de ses deux colistiers, Leela Devi DookunLuchoomun et Yogida Sawmynaden. Les cinq points avancés par le pétitionnaire ont été rejetés. Petite victoire pour le Premier ministre mais on se souvient de toutes les controverses qui intriguent et qui suscitent bien des interrogations.

Le jour même des élections du 7 novembre 2019, de nombreuses personnes et politiciens ont commencé à faire état de certaines anomalies. Contrairement aux précédents scrutins, un nombre anormalement élevé d’électeurs se sont plaints dans les médias de n’avoir pu accomplir leur devoir civique. Cela, parce que leur nom ne figurait pas sur la liste électorale. L’Electoral Supervisory Commission et la commission électorale tenteront d’expliquer plus tard que ces noms ont été enlevés de la liste sans que ces personnes n’en soient avisées et que cela a été fait en raison notamment de l’absence de l’électeur à son domicile le jour du recensement électoral. Irfan Rahman évoque, le 14 novembre 2019, le chiffre de 6 800 personnes «délistées», mais Roshi Bhadain pense que le nombre est beaucoup plus élève. Sans oublier que plusieurs personnes décédées ont voté, elles…

Le jour du scrutin toujours, d’autres faits étranges ont été rapportés, surtout concernant les procédures. Ainsi, pour la première fois, on a noté que ce sont des camions privés qui ont convoyé, en partie du moins, les bulletins de vote, alors que normalement cette tâche est réservée aux véhicules de la Special Mobile Force. Des membres de l’opposition, surtout dans la circonscription n°10, Montagne-Blanche-Grande-Rivière-Sud-Est, ont déploré de n’avoir pas pu apposer leurs scellés sur des urnes. On passera sur les autres incidents où la police avait dû intervenir, comme à Camp-de-Masque, par exemple.

Le jour du dépouillement, on notait, non sans étonnement une nouvelle fois, des incidents dans la circonscription n°19, Stanley-Rose-Hill. Le Returning Officer déclarait alors à certains journalistes que le Mouvement militant mauricien (MMM) avait remporté les trois sièges et plusieurs caméras ont vu Ivan Collendavelloo et ses partisans qui quittaient les lieux. On a pu voir, alors, le candidat du Muvman Liberater (ML) parler au téléphone et revenir sur ses pas, suivi de ses partisans. Puis, on n’avait pas encore annoncé les résultats, mais plusieurs dizaines de partisans du ML ont envahi l’école en criant victoire et en faisant un bruit infernal. On apprendra après que Collendavelloo est arrivé en troisième position… Le même scenario s’était produit au n°10, où les partisans orange avaient pris d’assaut la cour de l’école vers 19 heures, alors que les résultats avaient été proclamés plusieurs heures plus tard, soit vers 3 heures du matin.

Le plus gros scandale allait se produire quelques jours après. Quatre bulletins valides, qui étaient supposés se trouver bien en sécurité dans les urnes, se baladaient en fait dans la nature. Comment, se demande-t-on depuis, ces bulletins sont-ils partis en vadrouille ? Mystère, encore un. Ce n’est pas fini ; lors du recomptage des voix au n°19, en février de cette année, un bulletin valide de la circonscription n°1, soit Port-Louis Ouest– Grande-Rivière-Nord-Ouest, a été retrouvé dans les urnes à Stanley-Rose-Hill... Est-ce la faute de quelque pigeon voyageur ?

Une autre surprise attendait les Mauriciens plus récemment. Pendant l’exercice de vérification des counting sheets, dans le cadre de la pétition électorale de Cader Sayed-Hossen, dans la circonscription n°15, La Caverne-Phoenix, on a noté que le nombre de voix dans certaines salles de comptage n’épousait pas la logique mathématique… Les chiffres ne sont pas divisibles par trois dans sept salles de classe. Or, comme sur chaque bulletin validé, les électeurs n’ont le droit de voter que pour trois candidats, la quantité de votes par salle de dépouillement aurait dû être divisible par ce chiffre. Quelle équation pourrait expliquer cela ?

Puis, lors de l’enquête judiciaire sur la mort de Soopramanien Kistnen, on apprendra aussi que des Bangladais avaient voté massivement lors de ces élections de 2019. Xavier-Luc Duval reviendra d’ailleurs sur le sujet lors d’une Private Notice Question, le 17 mai. Dans le cadre des pétitions électorales, le rôle de la fameuse IT room sera également remis en question. Par exemple, la salle informatique avait été interdite d’accès à Ezra Jhuboo, candidat de la circonscription n°14, Savanne– Rivière-Noire, lors des élections. C’est ce qu’il avait d’ailleurs révélé en Cour suprême, cette année.

Last but not least, l’épisode qui a le plus fait rire mais aussi interpellé est celui du désormais célèbre T-Square... On se demandait pourquoi les bulletins étaient aussi «karé-karé» alors que ces derniers sont glissés un après l’autre par le votant. Marie Kondo, l’as du rangement, est-elle passée par-là ? Par quel miracle ces bulletins étaient-ils si bien rangés ? Explication du Returning Officer concerné : les officiers ont méticuleusement et patiemment introduit un T-Square dans la fente de l’urne après chaque bulletin, pour y mettre de l’ordre…

N’empêche, ces incidents interpellent toujours, à deux ans des élections. Les doutes sont loin d’être dissipés et la plupart de ces «incidents» n’ont pas été vraiment examinés par la cour dans le cadre des pétitions électorales. Car selon la formule consacrée, des enquêtes sont en cours…