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Drogues: stupéfiant retour en force de l’Héroïne

21 août 2022, 20:15

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Drogues: stupéfiant retour en force de l’Héroïne

«Ena kamarad inn perdi travay, lézot bizin trasé akoz lavis er. Zonn réant dan bizness.»

Plusieurs grosses saisies d’héroïne ont été effectuées par les forces de l’ordre depuis le début de l’année. Pas plus tard que le lundi 15 août, pour Rs 5,5 millions de cette poudre blanche a été saisi par les limiers de la Special Striking Unit. Cette substance, qui a ravagé plusieurs vies depuis 1980, semble refaire surface avec un nombre élevé et inquiétant de jeunes consommateurs….

«Léro pé gagn li fasil la. Li bo marsé tou», confie Andy, dealer et consommateur. Depuis quelques mois, le prix de l’héroïne a baissé et coûte Rs 200 la dose contre Rs 500 jusqu’ici – soit Rs 100 de plus seulement qu’un pouliah de synthé. Pour «enn demi-kar», il faut compter Rs 500. Ce qui explique cette baisse ? La disponibilité. Et, contradictoirement, la demande. «Nisa sintétik-la tro brit pou sertin. Vinn san konpran ar sa. Dimounn prefer léro.»

Fait notable, notre interlocuteur explique que la cherté de la vie a eu un impact sur le trafic. «Enn bann kamwad mo koné pa ti ladan inn koumansé. Ena inn perdi travay, ena pé bizin rod kas pou roul lavi-la. Zonn rant dan bizness. Tou zafer pé vinn pli ser. Bizin trasé…» Puis, il y a ceux qui, pour fuir la réalité et les soucis, se tournent vers «en yen bomarsé». Plus bon marché qu’une bouteille d’alcool ou du gandia, par exemple… Mais il y a encore les plus «désespérés», qui consomment plusieurs drogues en même temps.

Une situation qui inquiète ceux engagés dans la lutte contre les stupéfiants. Le plus effrayant, disent-ils, c’est le rajeunissement des consommateurs. «Les travailleurs sociaux qui sont sur le terrain affirment que des jeunes de 14 ans viennent demander des seringues propres…» confie Gaëlle Bernard, chargée de communication au sein du Collectif Urgence Toxida (CUT). «Les dealers n’ont pas de scrupule à vendre des doses à des ados. Les jeunes aussi sont confrontés quotidiennement à l’utilisation de drogues et n’ont plus peur d’essayer, ils sont même parfois utilisés comme ‘guetteurs’ ou‘jockeys’ et sont payés avec des doses. On note aussi une féminisation de la consommation.»

Pour Percy Yip Tong, ancien membre du haut comité sur la drogue présidé par le Premier ministre, on se retrouve ici dans une situation encore pire que dans les années 1980, quand l’héroïne est apparue à Maurice. «On se retrouve là avec une remontée de la consommation et c’est pire qu’avant, avec un rajeunissement et une féminisation. Les ONG ont encore plus de mal à gérer tout cela, car il n’y a pas que l’héroïne, il y a le synthétique aussi.» On fonce droit dans le mur, avec une nouvelle génération dont la vie sera gâchée par la drogue. «Les saisies représentent vraiment le minimum de ce qui est sur le marché. Plus le nombre de toxicomanes augmente, moins il y a de place en désintox et cela augmente donc les risques de rechute pour ceux qui veulent s’en sortir.»

Qui plus est ajoutent nos interlocuteurs, le problème de consommation d’héroïne n’est que le pic de l’iceberg. Car qui dit héroïne dit aussi une hausse de transmission des maladies dont le VIH, l’hépatite C. Gaëlle Bernard et Percy Yip Tong s’accordent sur le fait que pour lutter contre ce fléau à l’heure actuelle, où il y a de la pénurie de tous les produits sauf de la drogue, la dépénalisation du gandia et la sensibilisation accrue sont nécessaires. Car au niveau social, les drogues dures comme l’héroïne «engendrent une asociabilité et un isolement de la personne qui consomme, des difficultés financières, une dégradation des conditions de vie, avec une augmentation des comportements à risques», conclut Gaëlle Bernard.