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Cannabis, synthé, chimique: pour ne pas se planter
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Cannabis, synthé, chimique: pour ne pas se planter
L’arrestation d’Akil Bissessur et de sa compagne pour trafic de drogue présumé fait débat. Et suscite aussi des questions sur les types de drogues circulant sur le marché local. Quelles différences y a-t-il entre la drogue synthétique et le cannabis ? Quid du cannabis synthétique ? En existe-t-il en version haut de gamme et bas de gamme ? Combien coûte un gramme de ces produits illicites ? Tour d’horizon.
◗ Drogues synthétiques
Si un gramme d’héroïne peut se scinder en 30 ou 40 doses individuelles, l’incertitude plane pour la drogue synthétique car elle se présente sous différentes formes. Tantôt en poudre, tantôt en liquide ou encore sous forme de papier buvard, ce stupéfiant demeure difficile à détecter. Selon Dany Philippe, chargé de prévention et de plaidoyer de Développement Rassemblement Information et Prévention, (DRIP), depuis 2013 à ce jour, environ 35 variétés de drogues synthétiques ont été répertoriées par le Forensic Science Laboratory (FSL). «Il est difficile d’en connaître les composants car ils ne sont connus que de celui qui l’a préparé à l’état brut à l’étranger. À Maurice, on peut le savoir après une overdose avec un rapport toxicologique ou à l’issue d’une saisie avec une analyse de la drogue prélevée par le FSL. Ceci rend la drogue synthétique plus dangereuse et plus difficile à traiter car les composants sont nombreux.» D’après Percy Yip Tong, membre fondateur du Collectif Urgence Toxida (CUT), le nombre de substances contenues dans le synthétique peut être multiplié par 100 ou plus.
Arrivée à Maurice, la drogue synthétique est «coupée» avec de la benzine, du thinner ou de l’acétone par les trafiquants. Depuis 2015, certains usagers évoquaient des composants tels que des poisons pour rats et des insecticides. Selon Amrish Lachooa, porte-parole de Claim, la drogue synthétique peut être définie comme «new psychoactive substances» (NPS), produisant donc des effets sur le corps et le cerveau, et pouvant mener à une dépendance. «Ena la mort ladan (…) Les effets des drogues synthétiques varient d’un produit à l’autre. Chaque produit est consommé avec des objectifs différents. Parmi les effets les moins sérieux, on peut retrouver la sensation d’ivresse, des nausées, une perte de sensibilité, des maux de tête, entre autres», explique le jeune homme.
Mais certaines drogues synthétiques ont un impact bien plus violent, créant des hallucinations, des crises de panique, une paralysie, des convulsions, des risques respiratoires, et des troubles de la mémoire. «L’impact le plus courant: le consommateur devient très agressif lorsqu’il est en manque de drogue. Lerla même zot rod touye dimounn. Zot pas get divan-deryer», précise-t-il. Par ailleurs, les effets ressentis peuvent être plus ou moins intenses d’une prise à l’autre, en fonction de divers facteurs comme la morphologie du consommateur, ses habitudes de consommation de drogue, le dosage du produit, l’association de plusieurs drogues et éventuellement de la drogue et de l’alcool. «En fonction de la drogue et du consommateur, les effets peuvent durer une trentaine de minutes, mais parfois perdurer pendant plusieurs heures», ajoute-t-il.
«Le cannabis de synthèse est plus puissant, plus dangereux et plus addictif que le cannabis naturel. Les analyses chimiques ont prouvé que les substances actives contenues dans ces drogues sont synthétiques, ce qui a des effets toxiques dangereux.»
Enfin, il évoque le cannabis synthétique, qui demeure une substance chimique. «Il ne contient pas de tetrahydrocannabinol THC (le principe actif du cannabis) mais des molécules qui imitent les effets du cannabis. Mais attention, le cannabis de synthèse est plus puissant, plus dangereux et plus addictif que le cannabis naturel. Les analyses chimiques ont prouvé que, dans tous les cas, les substances actives contenues dans ces drogues sont des substances chimiques synthétiques ayant des effets toxiques dangereux. Par ailleurs, le Black Mamba a fait son apparition sur le marché en 2012. Il est souvent fumé en joints, pipes entre autres», fait ressortir Amrish Lachooa.
◗ Cannabis
Aussi connu comme le gandia ou la marijuana, le cannabis est une drogue fréquemment consommée à Maurice. Il en existe plusieurs types, notamment les variétés cultivées localement et d’autres importées de La Réunion et de Madagascar. «Le taux de toxicité varie à partir de 15 %. Pour les variétés importées, ce dosage est plus élevé», déclare Dany Philippe. Le haschich est aussi une autre forme du gandia mais il est compressé et ressemble un peu à une barre de chocolat. D’après Percy Yip Tong, il s’agit du pollen concentré du cannabis importé d’Inde. Selon Dany Philippe, il s’agit d’une forme plus concentrée en cannabis. Parallèlement, il évoque le skunk, qui est importé. Cette autre variété du cannabis multiplie par cinq le risque de psychose, avec hallucinations et délires, d’après une recherche britannique. En fait, c’est une version hybride, issue du croisement entre les variétés Sativa (à 75 %) et Indica (à 25 %), dont le but est d’obtenir le plus de THC.
Pour sa part, Amrish Lachooa mentionne que le cannabis «est moins dangereux que la drogue synthétique». «L’herbe se fume, généralement, sous forme de joints avec du tabac, sous la forme d’une cigarette roulée», souligne-t-il. Par ailleurs, il renchérit sur les types de cannabis existants, soit le Sativa et l’Indica. Selon lui, les plantes Sativa sont plus hautes que les Indica. «Le Sativa est beaucoup plus rare sur le marché mauricien et se vend à un prix très élevé. Par contre l’Indica est accessible à tous, ce qui est moins cher. De plus, l’Indica prend au moins 3 à 4 mois pour fleurir tandis que la Sativa prend au moins 9 mois», affirme-t-il.
◗ Quelles différences?
Selon lui, le synthétique est purement chimique, et donc un produit de laboratoire, tan- dis que le cannabis provient directement de la plante naturelle. Existe-t-il des versions haut et bas de gamme ? Selon Dany Philippe, le haut de gamme relève de la qualité des plants cultivés. Si la culture se fait à l’intérieur ou en extérieur, la toxicité change. Il estime que les consommateurs aiment les productions locales car les conditions de pousse des variétés importées sont inconnues. Il se peut qu’elles aient été gavées de fertilisants, indique-t-il.
D’après Percy Yip Tong, on ne peut guère différencier diverses gammes. Parfois, certaines substances synthétiques sont plus fortes que d’autres. D’ailleurs, rétorque-t-il, la drogue synthétique et le cannabis constituent deux mondes totalement différents. «On utilise souvent le terme cannabis synthétique pour la première catégorie alors qu’elle ne contient pas de cannabis. C’est un produit chimique. La différence, c’est comme une tisane et un whisky ou comme la bière et un poison pour rat. Souvent, on mélange la drogue synthétique avec du tabac qu’on fume comme un joint», précise-t-il. Le cannabis existe, comme pour toute plante, sous une diversité de variétés. La vraie différence se situe au ni- veau du taux de THC. Certains sont plus relaxants, d’autres plus stimulants. «En Europe, on vend du cannabis avec des graines génétiquement modifiées qui augmentent le degré de THC», ajoute-t-il.
◗ Les prix
Définitivement, le gandia importé coûte plus cher, déclare le représentant de DRIP. Cela s’explique à cause du trajet et des risques de détection durant le transit. Sur le marché local, le gramme de cannabis s’écoule à partir de Rs 3 000. «On peut en avoir entre Rs 250 et Rs 300 mais cela dépend de la tête du client et aussi de la partie vendue. Dans le cannabis, cela peut être les feuilles ou les têtes (les fleurs concentrées). Le gramme peut aller jusqu’à Rs 3 000, ce qui est le plus cher au monde. Ceci équivaut à 75 euros environ. En Hollande, le gramme se vend légalement à 6-7 euros. Dans la rue, la vente illégale est à 10 euros», déclare Percy Yip Tong.
Quant à la dose de drogue synthétique, elle coûte environ Rs 100. «Mais dans le cas des adolescents qui n’ont pas assez d’argent, il se peut que les dealers leur laissent la dose à Rs 50. Ainsi, en ayant un jeune accroché à moindre prix ou en offrant la drogue en cadeau, comme on le faisait avec le brown sugar dans les années 1980, il deviendra un client régulier», déclare Percy Yip Tong. Le gramme d’héroïne tourne à Rs 15 000. Une dose de ce stupéfiant varie entre R 300 à Rs 500, souligne Dany Philippe. D’après le fondateur de CUT, les drogues importées peuvent être moins chères sur le marché. «Le cannabis est plus cher aujourd’hui car il est moins rentable et intéresse moins la mafia. Il n’est pas aussi addictif que les autres drogues. La drogue synthé- tique est plus attrayante. Elle est la moins chère mais avec des effets drastiques», déclare-t-il.
53 g de synthétique équivalent à environ 1 500 à 2 000 cigarettes
Selon un ancien consommateur, un gramme de drogue de synthèse équivaut à 25- 30 cigarettes. Pour citer le cas d’Akil Bissessur, d’après de telles indications, 53 grammes de drogue synthétique peuvent donc équivaloir à 1 500 à 2 000 cigarettes, et ce dépendant du degré de concentration du produit.
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