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Mauritius Telecom: le choix d’une firme américaine pour un audit laisse songeur
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Mauritius Telecom: le choix d’une firme américaine pour un audit laisse songeur
Pourquoi le nouveau conseil d’administration de Mauritius Telecom a choisi un cabinet étranger, FTI Consulting, alors qu’il existe d’innombrables firmes comptables locales ou en partenariat avec des sociétés internationales, dont les Big Four? Mauritius Telecom ne pipe mot sur le coût de cet audit, qui permettra un total contrôle de la diffusion ou pas de ses conclusions.
FTI Consulting, une entreprise américaine spécialisée dans la restructuration financière mais active aussi dans l’investigation et la cybersécurité, «épluche» des documents depuis lundi. Elle a été choisie par le board de Mauritius Telecom (MT) et l’Audit and Risk Committee pour examiner et faire des recommandations sur les finances de la compagnie et ses ressources humaines. C’est en tout cas ce que l’on a pu comprendre de certaines déclarations, notamment de Pravind Jugnauth lui-même, lors des congrès du MSM. Le Premier ministre a, à maintes reprises, menacé de «démaquiller» Sherry Singh et autres «voleurs». D’ailleurs, la responsable des ressources humaines de MT vient d’être suspendue de ses fonctions.
Selon nos renseignements, les auditeurs américains s’intéresseraient à la fuite des images CCTV liées au «sniffing» à Baie-du-Jacotet, aux contrats alloués par MT depuis 2015, à l’analyse de l’exercice comptable depuis 2019, aux recrutements sous l’ère Sherry Singh ou encore au projet Myt Money. Mais aussi à l’acquisition des droits pour le streaming et aux fac- tures pour l’aménagement des Multi Use Games Areas (MUGA) à travers le pays.
Coup de massue
Un expert-comptable est perplexe. «Pourquoi avoir recours à une si grosse boite pour enquêter sur ces affaires ? Cela équivaudrait à using a sledge- hammer to crack a nut. À moins que ce soit sur la tête de quelqu’un que l’on veuille frapper», ironise-t-il.
Cependant, il semble que l’état des finances de l’entreprise serait surtout la raison principale de cet audit. Mais un haut cadre de MT n’y croit pas trop, car il est d’avis que ce sont seulement les contrats alloués qui intéresseraient la nouvelle direction. Et Pravind Jugnauth. «Là aussi, les investigateurs risquent de faire chou blanc car tout a été approuvé par le conseil d’administration. De toute façon, c’est le département procurement qui s’en occupe, indépendamment du Chief Executive Officer.»
Notre interlocuteur nous rappelle que le bilan et la situation financière sont encore plus à mettre sur le dos du board. «Quatre fonctionnaires y siégeaient, dont le Financial Secretary, le Secretary to Cabinet qui était le chairman de MT et le Sollicitor General. Si certains ne comprennent pas toutes les subtilités comptables, que dire du secrétaire financier!» Il nous rappelle que toutes les décisions sont rapportées aux ministres respectifs par ces fonctionnaires. «S’il y a eu maldonnes, ils seraient en train de se tirer une balle dans le pied. Il ne faut pas oublier les questions parlementaires concernant MT auxquelles le Premier ministre a refusé de répondre et quand il l’a fait, comment il a défendu les bilans.»
On nous signale également que chez MT, des audits internes et externes sont effectués chaque année, les derniers par une firme de renom. «Je ne comprends pas la raison d’inviter un troisième ‘‘larron’’. Après le board précédent, on veut maintenant dénigrer ces professionnels de l’audit ? Et puis, pourquoi un audit maintenant ?» La réponse, on la connaît. C’est une promesse de Pravind Jugnauth.
Un éminent expertcomptable nous explique que seule une firme mauricienne ou indienne est auto- risée à examiner le bilan d’une entreprise locale. «Cependant, s’empresse-t-il d’ajouter, on peut avoir recours à un cabinet d’un autre pays pour un audit opérationnel, avec un cahier des charges bien précis, comme l’allocation de contrats.» Pourquoi alors une firme américaine qui, de plus, coûte extrêmement cher, et non une firme locale ? «Selon moi, le gouvernement ne veut pas prendre le risque que certaines informations recueillies soient divulguées ne serait-ce que par un employé d’une entreprise mauricienne. Avec une firme étrangère et des auditeurs étrangers, ce risque est minimisé sinon absent.»
«Sherry-picking»
Pourquoi voudrait-on cacher des informations ? «Il est clair que seules certaines informations seraient utilisées. On fera du Sherry-picking», ajoute le comptable, décidément farceur. Il est d’avis, en tout cas, qu’un audit ciblé sur les contrats alloués et surtout sur les ressources humaines est à la portée de n’importe quelle firme comptable locale. «Sauf s’il s’agit d’un audit d’un secteur spécialisé comme la cybersécurité.»
Justement, pourquoi une entreprise américaine qui est, rappelons-le, aussi active dans ce créneau ? N’est-ce pas pour tenter de découvrir si Huawei a installé des équipements ou logiciels espions et ainsi prouver que l’ex-Chief Executive Officer a trop laissé l’entreprise chinoise «envahir» MT, ce qui justifierait par la même occasion le sniffing effectué par des techniciens indiens et donner raison au Premier ministre ? Réponse du haut cadre de MT:«Jamais le gouvernement ne s’aventurerait à faire faire un tel audit. Sinon li mor.» Pourquoi ? «Comme il y a bien eu sniffing par les Indiens, il ne prendrait jamais ce risque.» On apprend d’ailleurs que c’est une équipe de Forensic Accounting américaine qui vient, pas celle de cybersécurité.
On a posé la question à MT à ce sujet, ainsi que celle du coût de cet audit. La réponse : «No comments from us.»
Selon nos informations, le choix de cette firme en particulier relève d’une tout autre considération, loin de celles que l’on attendrait. «C’est un membre de lakwizinn qui a fait ce choix», nous dit le haut cadre. «Et cette firme est un partenaire d’un cabinet juridique proche de cette même lakwizinn. Plusieurs intérêts particuliers ont convergé. Pas ceux de MT en tout cas.»
Sudhir Sesungkur, exministre de la Bonne gouvernance et expert-comptable, se pose la question : «Est-ce qu’il y a un prima facie case pour recruter FTI Consulting ou est-ce que c’est un face saving device pour noyer le poisson à grands frais ?»
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