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Agressé par des policiers: le mineur « marqué à vie »

1 septembre 2022, 13:30

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Agressé par des policiers: le mineur « marqué à vie »

Il se remet petit à petit mais la cicatrice sur son visage de même que sur son moral est toujours présente. À seulement 17 ans, il a été victime de brutalité policière mardi à la station de métro de Rose-Hill. Hier, avec sa mère, Rachel, l’activiste Ivann Bibi et son avocat, Me Mahen Saulick, le mineur s’est exprimé pour la première fois sur cette affaire. Il s’est aussi rendu à l’Independent Police Complaints Commission, pour porter plainte.

«Zamé mo pou bliyé sa. Inn tap mwa akoz enn lot group zanfan inn désann dan métro inn kriyé ‘krapo’», raconte ce mineur de 17 ans habitant Résidence Kennedy, qui lutte tant bien que mal contre les souvenirs qui le hantent. Pourquoi un tel acharnement soudain des policiers sur lui ? «Mardi, un policier a menacé un élève avec une matraque pointée sur son visage. J’ai filmé cette scène que je trouvais injuste et un des policiers m’a vu et quand je montais les escaliers pour aller prendre le tram, deux policiers m’ont suivi. L’un d’eux m’a infligé un coup de matraque au visage et m’a projeté au sol. J’en garde la cicatrice», relate l’adolescent.

L’aîné d’une famille de trois enfants raconte qu’il se rendait à son premier jour d’entraînement de handball à Plaisance. La suite de l’histoire sera filmée et apparaîtra sur les réseaux sociaux. Il sera immobilisé, battu et traîné dans un fourgon de la police pour être conduit au poste de Rose-Hill, où son calvaire aurait continué. «Le même policier et un autre m’ont infligé un coup de poing et à l’aide d’une planche, un coup au visage. Ils ont refusé que j’appelle mes parents.»

Le mineur raconte qu’il a subi une série de questions et de commentaires désobligeants à son égard et sur son physique. «Mo’nn dir lapolis apel mo kouzin ki res dan Cité Kennedy, zot inn dir mwa si mo pé rod fer tou sité désann lor zot», explique-t-il.

La douleur, il la ressent tant moralement que physiquement depuis l’incident, mais plusieurs de ses amis ne cessent de l’appeler pour le soutenir.

«From polico crapo to fuck the police» : Ivann Bibi en roue libre

Il a tenu à apporter son aide à la famille. Ivann Bibi, activiste social, a aidé cette dernière à trouver un avocat et il s’est exprimé hier de manière virulente, déplorant les abus de la police. «En Amérique, les gens écoutent des chansons qui disent ‘Fuck the police’ et ici à Maurice, la police est offusquée à cause du mot ‘krapo’. (…) Les policiers ont mal agi envers ce jeune. C’est dégoûtant et déplorable ce genre de comporte- ment. Plusieurs politiciens disent qu’ils travaillent pour l’avenir et que les jeunes représentent l’avenir. C’est comme ça qu’on traite l’avenir ?» Il se dit indigné de la façon d’agir de la police. «Bizin éna enn sertenn fason fer, peu importe sékinn arivé, sirtou anver bann zenn», déplore-t-il.

Divers commentaires

Cette interpellation filmée et qui fait le buzz est diversement commentée. «Mo démann mwa ki sa zanfan-la kapav inn fer pou lapolis fer koumsa ar li», se demande une internaute. Mais d’autres avancent que l’ado l’aurait bien cherché. La veille, il se serait trouvé parmi un groupe de jeunes qui se bagarraient (ce que dément sa mère). Un jeune a eu le malheur d’intervenir pour les séparer. Il a été roué de coups dans un autobus. La police avait été sollicitée mais, à leur arrivée, les collégiens étaient déjà partis. Mardi, lorsque des jeunes se sont à nouveau querellés, la police a été appelée. Ils ont expliqué aux agents que le mineur était parmi les agresseurs du collégien de la veille. Des membres de la Divisional Supporting Unit auraient alors décidé de l’embarquer et de lui faire du counselling.

Sa mère : «Les gens parlent (...) sans savoir»

Rachel n’en revient toujours pas. Elle était au travail quand cela s’est produit vers 15 h 15. Entre apprendre que son fils a été tabassé par la police et surmonter les critiques, elle a passé la nuit de mardi quasi blanche. «J’étais encore plus choquée de voir tant de haine dans les commentaires sur cette vidéo où mon fils, âgé de 17 ans seulement, se fait taper dessus par un policier, un adulte, en public. Certains commentaires où les gens disaient que mon fils méritait plus que ça, que la punition n’était pas suffisante. En tant que mère, ça blesse. Mais je ne me suis pas laissé abattre et je tenais à répondre à ces gens qui parlaient sans rien savoir car je suis une mère et je me dois de protéger mon fils», avance-t-elle, les larmes aux yeux.

Elle souhaite d’ailleurs clarifier une chose : «Mo’nn trouv éna zournal pé dir ki mwa ek so papa ti al sers li stasion. Manti. Mo garson inn pran métro tousel pou rétourn lakaz. Enn so kamarad ki éna 18 an inn prézant so kart idantité pou lapolis les mo garson al ver 16 h 15 par la», se remémore Rachel, regardant désespérément son fils qui ne comprenait pas pourquoi ses mains ne cessaient de trembler. Elle espère que cela n’arrivera pas à un autre enfant et dément catégoriquement que c’est son fils qui apparaît dans une autre vidéo de bagarre à la gare de Rose-Hill. «Les gens parlent de tout et de rien sans savoir. Ce n’est pas mon fils qui apparaît dans cette vidéo de bagarre. Oui, il a la même coiffure mais ce n’est pas lui. D’ailleurs, le jeune qui se faisait agresser dans cette vidéo fréquente la même école que mon fils.»

Quand la chanson «Polico Crapo» irrite des flics

<p>Le mineur de 17 ans n&rsquo;est pas le seul jeune à avoir été malmené par des policiers à cause de la chanson Polico Crapo du groupe 666 Armada. Presque le même scenario s&rsquo;est produit fin juin, à la gare de Flacq cette fois-ci. Un autre mineur avait été giflé par un policier après avoir joué la chanson à plein volume avec ses amis. <em>&laquo;La chanson jouait et les policiers l&rsquo;ont accosté. L&rsquo;un d&rsquo;eux l&rsquo;a giflé en lui disant qu&rsquo;il était interdit de jouer cette chanson sur la voie publique&raquo;, </em>explique la directrice de l&rsquo;école où est admis l&rsquo;élève.</p>

<p>Elle explique que tous sur place étaient sous le choc et ont alors commencé à filmer l&rsquo;altercation entre les policiers et l&rsquo;élève. <em>&laquo;Ils l&rsquo;ont ensuite laissé partir. Mais je trouve que c&rsquo;est très grave. L&rsquo;enfant a été traumatisé par la suite. Zis akoz pé zwé enn santé, zot pa kapav bat enn zanfan&raquo;,</em> affirme la directrice d&rsquo;école. L&rsquo;adolescent de 17 ans, un habitant d&rsquo;un village de l&rsquo;Est, n&rsquo;est pas allé de l&rsquo;avant avec l&rsquo;affaire. Car, selon la directrice, il est issu d&rsquo;une famille modeste et il n&rsquo;a pas voulu créer plus d&rsquo;histoire. <em>&laquo;Li finn préfer fini sa parlamem&hellip;&raquo;</em></p>

<p>Du côté de la police, on affirme que la situation au quotidien est hors de contrôle à la sortie des classes<em>. &laquo;Par jour, plusieurs cas concernant des comportements violents de jeunes sont rapportés. Certains élèves bousculent même des personnes âgées sur les gares. Ces comportements violents s&rsquo;accentuent surtout à la gare de Rose-Hill et celle du Nord, à Port-Louis, où la police est en patrouille continue dans l&rsquo;après-midi.&raquo;</em></p>

<p><strong>&laquo;Zot fer koumadir zot pli konn lalwa ki ou&hellip;&raquo;</strong></p>

<p>On explique qu&rsquo;à part la gare routière, la police a noté des problèmes majeurs entre élèves à Rose-Hill, dans les environs du Plaza et du bâtiment Galaxy, les cinq jours de la semaine. Selon notre source policière, souvent, ce sont les jeunes qui provoquent la police, notamment avec la chanson Polico Crapo, très en vogue depuis quelque temps.</p>

<p><em>&laquo;Koumadir zot atann oumem pasé pou pas bann komanter ou santé sa bann parol-la&hellip; Il faut se faire respecter, oui, mais sans la violence. Souvent, nous les approchons et faisons de la sensibilisation. Zot fer koumadir zot pli konn lalwa ki ou&hellip;&raquo;</em> Toujours selon la police, les paroles sont grossières et ne sont pas admissibles en public. <em>&laquo;C&rsquo;est dénigrant et il faut respecter le métier de chacun.&raquo;</em> D&rsquo;autres diront que les hommes en uniforme abusent de leur <em>&laquo;pouvoir&raquo; </em>contre certains collégiens. <em>&laquo;Mais heureusement, aujourd&rsquo;hui, on a le réflexe de sortir nos portables, ils ne peuvent pas nier.&raquo;</em></p>

Ce que dit la loi : l’arrestation de mineurs permissible mais sans violence

<p>La vidéo de l&rsquo;adolescent de 17 ans arrêté à la gare de Rose-Hill fait le tour de la Toile depuis mardi soir. Une arrestation qui, pour beaucoup, est jugée violente, alors que le jeune homme et ses parents affirment qu&rsquo;il aurait été victime de brutalité policière. Qu&rsquo;en est-il donc de l&rsquo;arrestation d&rsquo;un mineur ? Est-ce la police ou seule la Brigade de la famille devrait s&rsquo;en charger ? Selon une source de cette dernière, dans un cas de rogue and vagabond ou dans d&rsquo;autres délits, comme le vol, la police a le droit d&rsquo;arrêter un mineur et même de se servir de la force s&rsquo;il se montre récalcitrant. Cependant, elle explique que <em>&laquo;la force ne veut pas dire brutalité. La police a le droit de l&rsquo;attraper de force pour le conduire au poste mais elle n&rsquo;a pas le droit de frapper le mineur ou de l&rsquo;injurier&raquo;. </em>En effet, l&rsquo;arrestation d&rsquo;un mineur est permissible dans la loi. Car, comme le stipule la <em>Children&rsquo;s Act,</em> la responsabilité pénale est fixée à 14 ans. Avec la Brigade des mineurs qui a été reconvertie en Brigade pour la protection de la famille, pour être sur la même longueur d&rsquo;onde que la <em>Children&rsquo;s Act,</em> il n&rsquo;y a pas que les policiers de cette brigade qui peuvent arrêter un mineur qui commet un délit, explique-t-on. De plus, les membres de cette brigade n&rsquo;officient plus uniquement en civil, comme le faisait la Brigade des mineurs auparavant. Pour l&rsquo;Ombudsperson for Children, Rita Venkatasawmy, ce cas demande une enquête approfondie. Elle s&rsquo;accorde toutefois sur le fait qu&rsquo;un mineur peut être arrêté s&rsquo;il commet un délit mais ajoute qu&rsquo;il ne faut pas utiliser la violence physique ou verbale pour le faire. <em>&laquo;C&rsquo;est sûr que l&rsquo;on ne peut pas combattre la violence par la violence&raquo;,</em> explique-t-elle. Il est aussi urgent, précise-t-elle, de s&rsquo;occuper du problème persistant de violences et de désordres que commettent les mineurs dans les gares. <em>&laquo;J&rsquo;ai reçu plusieurs appels à ce sujet&raquo;,</em> soutient-elle.</p>