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Piste d’atterrissage de Plaine-Corail: un éternel projet qui ne décolle pas
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Piste d’atterrissage de Plaine-Corail: un éternel projet qui ne décolle pas
Déception des Rodriguais en apprenant le désistement de l’AFD. Ce projet traîne depuis une quinzaine d’années et se heurterait à des considérations écologiques, mais l’Union européenne pourrait s’y intéresser.
Les Rodriguais sont toujours consternés. L’annonce du Premier ministre, Pravind Jugnauth, que l’Agence française de développement (AFD) ne financera pas l’agrandissement de la piste d’atterrissage a jeté un froid à Rodrigues, notamment parmi les opérateurs touristiques. Pourtant, les procédures avaient été enclenchées au niveau d’Airports of Mauritius (AML) et du gouvernement pour la construction d’une nouvelle piste d’atterrissage de 2,1 kilomètres à Rs 3 milliards, en 2018. À hier, le Premier ministre n’a donné aucune raison pour le retrait de l’AFD, mais il a confirmé que le projet irait de l’avant sans indiquer qui en sera le bailleur de fonds. Aux dernières nouvelles, l’Union européenne pourrait soutenir ce projet. Le gouvernement régional de Rodrigues n’a aucune explication non plus pour le changement de cap de l’AFD.
La direction de cette agence basée à Port-Louis n’était pas en mesure de nous répondre, hier. Toutefois, d’après les renseignements obtenus des milieux gouvernementaux, la raison serait sans doute que la piste se termine dans une zone avec des plantes endémiques rares. D’ailleurs, l’AFD avait imposé plusieurs conditions pour financer ce projet. Parmi celles-ci, il y avait une étude sociologique pour déplacer une quinzaine de familles du village se trouvant sur le terrain où la piste devait être construite, et une étude d’impact sur l’environnement afin de ne pas nuire à la faune et à la flore de Rodrigues.
L’ancien gouvernement de Serge Clair avait déjà relogé ces familles. En ce moment, l’Assemblée régionale de Rodrigues (ARR) travaille avec la Mauritian Wildlife Foundation sur un plan d’atténuation des risques pour limiter les dégâts et déplacer certaines plantes.
D’après un proche du dossier, la présence de plantes endémiques rares n’est pas une explication qui tient la route. D’après ses renseignements, le conseil d’administration ou le comité de l’AFD qui se penche sur le financement du projet est divisé sur le dossier de «Plaine-Corail», mais il n’en connaît toutefois pas la raison. Le chef commissaire de Rodrigues, Johnson Roussety, n’est pas en mesure non plus de nous dire pour quelle raison l’AFD se retire. «L’AFD nous a menés en bateau», regrette-t-il.
Toutefois, l’Union européenne est intéressée à financer ce projet comme le déclare à l’express Vincent Degert, son ambassadeur à Maurice. «L’Union européenne s’est engagée de manière forte sur ce projet il y a trois ans. Notre volonté n’a pas changé. Nous étudions donc avec le ministère de la Planification économique et des Finances la possibilité de confirmer notre engagement sur ce projet. Par ailleurs, nous travaillons avec l’ARR et les autorités mauriciennes dans le contexte d’une vaste consultation citoyenne sur le nouveau plan stratégique de développement durable et intégré de dix ans à Rodrigues», dit-il.
Revoir les plans
Le projet d’agrandissement de la piste d’atterrissage de Rodrigues ne date pas d’hier. Un professionnel qui a travaillé sur ce dossier depuis 2006 croit comprendre que les différents gouvernements ont trop tergiversé avec ce projet, d’où la décision de l’AFD de revoir ses plans. «Avec la crise économique mondiale causée par le Covid-19 et la guerre en Ukraine, l’AFD est en train de revoir ses plans de financement. Je crois comprendre que les tergiversations des différents gouvernements nationaux et régionaux pour finaliser ce projet ont joué contre Rodrigues», dit-il. En 2006, Airbus avait entamé une étude pour le compte de l’Aéroport de Paris qui allait développer l’aéroport de Plaine-Corail en partenariat avec le gouvernement mauricien.
D’ailleurs, quand l’ancien député Nicolas Von-Mally avait accepté de rejoindre le cabinet ministériel de Navin Ramgoolam en 2010, il avait imposé comme condition la construction d’une nouvelle piste d’atterrissage à Plaine-Corail. «Pour quelle raison l’AFD s’est retirée ? Est-elle arrivée à la conclusion qu’investir tant d’argent pour une piste d’atterrissage régionale ne vaut pas la peine ? Quand j’étais au gouvernement en 2010, nous avions choisi une piste de 3 kilomètres de long. J’avais aussi proposé que des avions en provenance de l’Asie et d’Australie fassent escale à Rodrigues, mais quand mon parti a perdu les élections régionales en 2011, Serge Clair a dit qu’une nouvelle piste d’atterrissage n’était pas une priorité pour son gouvernement. Le projet a été mis dans un tiroir», rappelle-t-il. L’ancien ministre ajoute que quand il était au gouvernement à partir de 2010, l’AFD était d’accord pour financer ce projet qui allait coûter Rs 2 milliards pour 3 kilomètres de piste. «Maintenant, ils veulent quelque chose de plus court», regrette-t-il.
Ce nouveau projet a été lancé à nouveau en mars 2018 avec une piste d’atterrissage de 2,1 kilomètres pour Rs 3 milliards. Pour ce faire, l’AML devait acheter les actions de la State Investment Corporation Ltd et du gouvernement central au sein d’Airport of Rodrigues avec l’aval du Conseil des ministres pour devenir l’actionnaire majoritaire. Ken Arian avait alors présidé Airport of Rodrigues. Cette nouvelle stratégie était expliquée à l’époque par le fait qu’il serait plus facile pour AML d’emprunter de l’argent auprès des bailleurs de fonds qu’Airport of Rodrigues qui n’était pas rentable.
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