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Sudhir Sesungkur: « Sattar Hajee Abdoula se met toujours dans des situations délicates »

1 septembre 2022, 20:00

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Sudhir Sesungkur: « Sattar Hajee Abdoula se met toujours dans des situations délicates »

L’ancien ministre des Services financiers commente la tenue de l’Assemblée Générale des actionnaires de SBM Holdings  au moment où, Pabari, un des ex plus gros débiteurs de la banque accuse le Chairman, Hajee Abdoula, de conflits d’intérêts.

Que pensez-vous de l’accusation faite par les directeurs du groupe kenyan Pabari à l’encontre de Sattar Hajee Abdoula ?
Ce n’est pas la première fois que ce monsieur très estimé par Lakwizinn se met, ou plutôt, est mis dans de telles situations de conflit d’intérêts. Rappelez-vous comment, étant administrateur de feue la BAI, il était parti négocier avec Dawood Rawat. Je ne vais pas revenir sur le contenu de sa conversation avec son boss. Il y a eu aussi d’autres cas.

Lesquels ?
Il était assesseur à la Commission d’enquête sur Britam et pourtant c’est lui qui avait été l’administrateur de la même BAI. D’ailleurs, on se rappelle de ses frais exorbitants réclamés pour cette administration. Il y a aussi l’affaire de l’administration d’Air Mauritius où il y avait au moins deux cas de conflits d’intérêts. C’est lui qui avait évalué les actifs d’Air Mauritius avant d’être nommé administrateur. C’est lui qui était chairman de SBM Holdings, un des créanciers d’Air Mauritius dont il fut l’administrateur. Sattar Hajee Abdoula a été aussi celui qui a agi comme recouvreur de dettes attitré de plusieurs institutions publiques. Pour faire simple, il vaudrait mieux se demander dans quelles institutions publiques Abdoula n’a pas mis son nez et sa main.

Tout cela n’a, semble-t-il, pas posé de problèmes ?
Ni les régulateurs, ni les associations professionnelles n’y ont trouvé quelque chose à redire. Pourtant, souvenez-vous du scandale de la vente à prix soldés des avions alors qu’Air Mauritius manque d’avions maintenant. Plus les Rs 25 milliards d’argent public injectés dans cette compagnie. Une administration volontaire donc, non seulement inutile mais aussi contre-productive.

Dans l’affaire SBM-Pabari, vous ne trouvez pas étrange que ce fût un auditeur externe qui découvre que les quatre sociétés – Unifresh Usd 85 m, BNK Usd 75 m, WIL Usd 40 M et PDL Usd 37,5 M – soit un total de Usd 237,5 M, auxquelles la SBM a prêté quelque Rs 10,6 milliards, appartenaient à un même groupe et donc que le risque était trop concentré ?
Je me demande quel genre de Know Your Customer a été effectué sur ces sociétés sans que l’on découvre ce lien. Quid de la BoM ? Étrangement, le régulateur, qui fait un suivi quotidien des portefeuilles de crédit des banques, a également laissé échapper ce cas qui va coûter cher aux déposants. Pabari a déclaré dans son affi- davit qu’il ne pouvait connaître les lois mauriciennes sur la concentration des risques mieux que la SBM.

Cependant, les Pabari ont accepté de transférer USD 85 M de dettes vers d’autres banques à la demande de la SBM. Mais pourquoi d’après vous cela n’a pas marché ?
Cette «réparation» de l’affaire de surconcentration a été pilotée, paraît-il, par Sattar Hajee Abdoula, en dépit des flagrants conflits d’intérêts le concernant. Encore une fois, tout comme dans l’affaire d’Air Mauritius, on constate qu’au lieu de réparer, les Pabaris sont poussés à ne pas rembourser leurs dettes. Pourquoi ? Est-ce pour que Grant Thornton hérite du dossier de liquidation et empoche des honoraires ? Je vous rappelle que Grant Thornton d’Abdoula avait déjà été désignée par Abdoula lui-même selon les Pabaris pour le recouvrement des dettes.

À lire l’affidavit des Pabari et Kotecha, il y a eu beaucoup d’atermoiements de la part de la SBM pour régler le problème. Est-ce de l’incompétence ou autre chose ?
Les erreurs sont trop nombreuses et flagrantes pour parler de négligence ou d’incompétence. Je vous cite un exemple. Comment la SBM a-t-elle pu accepter (voyez le paragraphe 17 de l’affidavit) de transférer la dette de USD 67,5 M (Rs 3 milliards) vers une banque kenyane en libérant en même temps la garantie en liquide qu’elle détenait ? Résultat, la position de la banque est davantage fragilisée en cédant des garanties en liquide. Et puis, comme relevé dans l’article de l’express du mercredi, il y a eu trop d’atermoiements et de reculades. Je me demande moi aussi si Abdoula ne cherchait pas en fait la mise sous liquidation des Pabari ? Qui profitera de cette situation ?

Et les accusations de conflit d’intérêts ?
C’est très grave. Pour ceux qui ne le savent pas, un conflit d’intérêts est une situation où quelqu’un a un potentiel intérêt personnel alors qu’il défend l’intérêt d’une entreprise ou d’un département d’État. Dans le cas de l’affaire SBM-Pabari, il est clair que le risque n’était pas seulement potentiel mais s’est matérialisé. Je me demande depuis quand un chairperson exécute des tâches comme le recouvrement des créances de la banque ? D’autre part, s’il a agi en tant que CEO de Grant Thornton, il faut aussi alors poser la question : qui a financé le déplacement de Sattar Hajee Abdoola ? Si la banque a encouru ces frais, c’est encore plus grave.

Que pensez-vous de l’assemblée renvoyée de la SBM le 23 juin ?
Après ce cinglant désaveu, voilà que ce monsieur vient éclabousser l’image et la crédibilité de la banque une nouvelle fois. À mon avis, il aurait dû avoir la décence de se retirer de la banque. Je me désole pour les actionnaires qui ont vu le prix des actions de la SBM dégringoler, pour les employés et managers consciencieux de la banque et pour les clients mauriciens dont l’argent est utilisé pour enrichir quelques personnes.