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Déficits commerciaux: la vérité sur les accords de libre-échange avec la Chine et l’Inde
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Déficits commerciaux: la vérité sur les accords de libre-échange avec la Chine et l’Inde
Dans son communiqué de vendredi, le Conseil des ministres vante les mérites des accords de libre-échange signés entre, d’une part, Maurice et la Chine et, d’autre part, avec l’Inde. Demi-vérités ou désinformation ?
Ces accords de libre-échange sont entrés en vigueur avec la Chine en janvier 2021 et en février 2021 avec l’Inde. Plusieurs ministres se flattaient que Maurice soit le premier et seul État d’Afrique à les avoir signés avec deux pays qui sont beaucoup plus puissants que nous et produisent à moins cher. Les autres États africains qui ne se sont pas aventurés dans de tels accords n’ont-ils pas fait preuve de plus de discernement et de patriotisme ? À lire les chiffres de Statistics Mauritius, ils avaient raison. Mais à lire ceux du communiqué du Conseil des ministres, Maurice s’en sort soi-disant gagnant. Extrait du communiqué : «InterMinisterial Committee on Monitoring and Implementation of Free Trade Agreements held recently. The Committee took note that – (a) exports to China increased by 148 percent in 2021, with an export value of Rs 1.4 billion. Exports to India also increased by 60 percent during that period.»
C’est le genre de communiqué qui induit en erreur, pour ne pas dire autre chose. Car, en fait, selon Statistics Mauritius, les exportations vers la Chine n’ont été que de Rs 1,072 milliard en 2021 et non Rs 1,4 milliard. Soit une augmentation de seulement Rs 138 millions ou 15 %. Et non le faramineux 148 % indiqué par le cabinet. Erreur ou mise à jour ? Cependant, même si Rs 1,4 milliard était le bon chiffre, l’augmentation n’aurait été que de Rs 466 millions soit de 50 %, très loin des 148 %.
Du balai
Ce qui est encore plus préoccupant, c’est que le Conseil des ministres omet de donner les chiffres des importations de la Chine. Pourtant, c’est important car comme chacun le sait, un accord de libre-échange profite normalement aux deux parties. Même si c’est avec la Chine (ou l’Inde, voir plus bas), un tel accord lui profitera beaucoup plus qu’à Maurice. Justement, les importations de la Chine sont passées de Rs 27 milliards en 2020 à Rs 38 milliards en 2021, soit «un grand bond» de Rs 10 milliards ou 38 %, comparé aux 15 % d’augmentation de nos exportations vers l’Empire du Milieu. Un propriétaire de quincaillerie nous proposait même des balais fatak chinois qui se vendent à moins cher que ceux produits localement, nous disait-il, malgré la hausse du fret.
«Et encore, nous dit un économiste, le communiqué du Conseil des ministres cite les chiffres en roupies mauriciennes. Quelle est la valeur en dollar américain avec la dépréciation de notre devise ? On cite la roupie ou les devises étrangères quand cela arrange !» De plus, notre interlocuteur se demande quelle est la valeur ajoutée dans ces exportations. «À part le sucre, presque tous nos produits ont besoin d’intrants et de la main-d’oeuvre étrangère pour lesquels il faut payer en devises lourdes.»
Ananas en rade
On apprend d’ailleurs que les produits à forte valeur ajoutée que l’on veut exporter vers la Chine tels que le thon et l’ananas n’ont pas encore reçu l’approbation des autorités chinoises, malgré l’accord de libre-échange. Pourquoi ? «The license/permit concerns perishable goods/fresh produce like fish, vegetables and fruits. A team from the Chinese side is expected to Mauritius to monitor this as well as sign the Sanitary and Phytosanitary (SPS) protocol agreement between our two count», nous explique l’Economic Development Board. C’est peut-être pour cette raison que le même communiqué du Conseil des ministres parle de «Sanitary and Phyto-Sanitary and Technical Barriers to Trade issues». Un peu tard !
Concernant notre commerce avec l’Inde, la situation s’est encore plus détériorée avec l’accord de libre-échange. Alors que le Conseil des ministres parle d’une hausse de 60 % de nos exportations vers la Grande péninsule, en fait, elles n’ont augmenté que de 46 %, soit de Rs 589 millions. Et les importations de ce pays ? Parlons-en. Elles sont passées de Rs 15 milliards en 2020 à plus du double, soit Rs 33 milliards ! L’Inde a ainsi vu ses exportations vers Maurice bondir de 111 % alors que ses importations de Maurice n’ont augmenté que de 46 %.
Lorsque l’on parle d’un succès ou de l’échec d’un accord de libreéchange, nous dit l’économiste, «il faut comparer les montants nets, c’est-à-dire, la situation du déficit ou de surplus entre Maurice et l’autre pays. Précisément, si l’on compare le déficit commercial de Maurice avec ces deux pays, en 2020 il était de Rs 26 milliards avec la Chine et est passé à Rs 37 milliards en 2021, et avec l’Inde, de Rs 14 milliards en 2020, il est passé à Rs 31 milliards».
«Mais qui sont ces imbéciles qui ont approuvé ces accords ?» se demande l’économiste. «Aux États-Unis, un tel projet de loi doit passer par les deux chambres et faire l’objet d’intenses débats et surtout de projections. A-t-on fait ces calculs ?» Nous n’en sommes pas au courant.
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