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Affaires Akil Bissessur et Rigg Needroo: des «fautes» commises par la police ?
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Affaires Akil Bissessur et Rigg Needroo: des «fautes» commises par la police ?
Depuis que 52g de drogue synthétique ont été retrouvés au domicile de Doomila Moheeputh, compagne d’Akil Bissessur, le 19 août dernier, il y a eu une constante bataille entre les hommes en robe noire et ceux en uniforme bleu. Chacun a sa version de l’affaire en question. Retour !
Seuls certains délits comme ceux liés à la drogue et au terrorisme permettent à la police de priver un citoyen de ses droits. Il semble donc que dans le cas d’Akil Bissessur, on ait choisi justement un délit de drogue pour pouvoir l’arrêter et le détenir plusieurs jours. Le crime de trafic de drogue est considéré comme l’un des plus graves dans le pays. Un condamné peut aller en prison pendant 30 ans même si la loi autorise un juge à prononcer une peine d’incarcération allant jusqu’à 60 ans. Ainsi, plusieurs se demandent en tenant compte de tous les éléments révélés dans l’affaire Bissessur si le gouvernement avec l’aide de la police n’aurait pas voulu mettre l’avocat en prison ?
Le radar de Pravind Jugnauth
Un des premiers éléments qui tendent à prouver qu’il y a eu un complot, du moins, selon Akil Bissessur lui-même, serait l’annonce par Pravind Jugnauth dans ses meetings. Son fameux «li ti lor nou radar» fait tiquer plus d’un. Comment le Premier ministre a pu commenter en public une affaire aussi grave, qui plus est, en justice ? Pour l’avocat, qui était invité sur le plateau de Radio Plus, c’est simple : «Le Premier ministre est devenu lui-même enquêteur, juge et partie prenante. Mais la cour n’écoute pas des personnes qui ont... un agenda politique.» Le fait que Pravind Jugnauth a utilisé le terme «nou radar» laisse toujours perplexe. Est-ce qu’il surveillait effectivement Akil Bissessur ? Est-ce qu’il y a d’autres personnes sur «son» radar ? Une chose est sûre, toutefois, le PM serait très au courant de l’affaire car il a un briefing quotidien avec le commissaire de police. Mais encore une fois, discute-t-il des affaires de tout citoyen lors de ces briefings ? Pravind Jugnauth a-t-il voulu en faire une affaire politique qu’il s’est trahi lui-même ?
«Warrant card» vs «search warrant»
La première vidéo publique dans cette affaire était un live sur la page Facebook d’Akil Bissessur lorsque la police essayait d’entrer chez lui. Dans la vidéo, on peut l’entendre demander le warrant. Dans la seconde vidéo (voir plus loin), rendue publique par la police, lorsqu’Akil Bissessur était dans la chambre, on l’entend encore une fois demander le warrant. L’officier lui répond : «Inn deza montré» et Akil Bissessur répondra que ce n’est pas le search warrant qu’on lui a montré mais la warrant card. Selon les avocats d’Akil Bissessur, ce sont deux choses différentes et pour faire une perquisition chez une personne, même si la police détient son insigne, elle n’a pas le droit de pénétrer de quelconque manière chez une personne sans lui avoir montré un search warrant, délivré par un juge.
Vidéo fuitée de la perquisition
Puis, il a eu la vidéo de la police – du moins une partie de cette vidéo – filmée le jour de l’arrestation de l’avocat et de sa compagne à Palma. Sur cette vidéo, filmée par la police de l’extérieur de la maison, l’on peut notamment voir l’avocat dans une chambre. Et à un certain moment, il sort de la pièce avec un sac et de là, la police dira qu’Akil Bissessur a essayé de «flush» de la drogue dans les toilettes de la maison. Elle tentera alors de casser les tuyaux des toilettes toujours à l’extérieur de la maison.
Mais ce qui est bizarre, explique Akil Bissessur, c’est le timing de la diffusion de cette vidéo. Selon lui, la vidéo a été fuitée sur Ion News, le samedi 20 août, juste au moment où sa motion de remise en liberté était débattue en cour intermédiaire. «Pourquoi avoir diffusé de telles images alors que la police aurait pu les utiliser contre moi pour m’incriminer ?», se demande-t-il. Il ajoute que cela a été fait dans un but précis pour qu’il n’obtienne pas la liberté provisoire.
Zéro empreinte digitale
La drogue était répartie dans des sachets qui ont été jetés dans les toilettes, selon la police. Akil Bissessur et Doomila Moheeputh ont demandé qu’on leur fasse subir des tests ADN pour comparer aux sachets de drogue que la Special Striking Team (SST) a affirmé avoir retrouvés chez eux. Selon les avocats du couple, aucune empreinte digitale des deux accusés n’a été retrouvée sur les sachets de drogue. Cependant, leurs avocats ont aussi demandé que les empreintes des officiers de la SST soient aussi prélevées pour les comparer à celles sur les sachets de drogue mais cela n’a pas été fait.
Pourquoi ? La réponse formelle n’a pas été donnée. Selon une source de la police, il n’est pas coutume que l’on demande aux policiers ce genre de choses, ajoutant que si c’était le cas, dans plusieurs affaires, des policiers auraient été considérés coupables même s’ils sont innocents. Car les policiers «oublient souvent de porter des gants dans le feu de l’action». D’ailleurs dans la vidéo de la première perquisition dans l’appartement d’Akil Bissessur, les officiers présents ne portent pas de gants.
Destruction des caméras CCTV
Puis, il y a eu la destruction des images CCTV à Palma, toujours chez Doomila Moheeputh… Selon nos informations, la police l’aurait fait dans l’unique but de protéger leur identité car plusieurs d’entre eux ne portaient pas de cagoule. Or, toujours selon Akil Bissessur, la police aurait refusé de filmer toutes les scènes. «Kifer zot in refiz filmé ? Zot pa ti pou envi ena incriminating evidence kont moi ?» Selon les informations disponibles, la police aurait toutefois, d’autres vidéos en leur possession qui seront produites au tribunal, mais Akil Bissessur persiste et signe. «L’enquêteur qui a pris ma déposition m’a dit que la police n’avait rien en sa possession. A-t-il menti ?»
«Exhibits» en vadrouille ?
En ce qui concerne le fameux sac, que l’on voit dans la vidéo faite à travers les barreaux de la chambre par la police à Palma, ce même sac apparaît sur les images CCTV de l’appartement d’Akil Bissessur. Le sac en question est dans les mains d’un officier de la SST, et selon la date et l’heure inscrites sur la vidéo, il s’agit de quelques heures après l’arrestation de Doomila Moheeputh et d’Akil Bissessur à Palma. Le sac a donc voyagé de Palma jusqu’à l’appartement d’Akil Bissessur. Est-ce légal ? Selon un officier de police à la retraite que nous avons contacté, toutes les pièces à conviction récoltés dans un endroit doivent aller directement au poste de police. «Bizin amenn li dan post lapolis met lantré et secure li. Li pa sipozé voyagé. Ek kan nou get videola nou trouvé ki lapolis-la pe trap li ek so lamé li pe marsé. Sak lamem-la sipozéman enn pies convksion et li pa légal manipil li koumsa.»
Fuite des vidéos intimes
En dernier lieu, il y a l’affaire des vidéos intimes. Des vidéos du couple et des clichés de Doomila Moheeputh ont massivement été partagés sur les applications de messagerie et les réseaux sociaux. De ce que l’on peut voir, les images ont été filmées à l’aide d’un autre téléphone puis partagées car on voit la main d’une tierce personne et le background d’une salle, des sons et même des voix de personnes. Selon Rama Valayden, un des avocats d’Akil Bissessur, il ne sera pas difficile de retracer la personne dont la main figure sur les vidéos fuitées. «Nous savons de qui il s’agit. Nou ena tou.» Pour lui, il est facile de savoir qui a fauté. «SST in fané dan sans ki sa (le téléphone) ti dan zot lamé ek ki sa in fuité. Zot ena enn sel simé sorti, kan SST al IT Unit, eski a sa moman-la ? Mé li inposib parski ou trouv lamé ek tann son, donk sifizan pou koné kot sorti.»
La Chronologie
19 août : La SST perquisitionne le domicile de Doomila Moheeputh, la compagne d’Akil Bissessur, à Palma. La police dit avoir trouvé 52g de drogue synthétique. Entre-temps, l’avocat fera un bref direct sur Facebook pour alerter les internautes sur ce qui se passe.
20 août : Les deux suspects sont traduits en cour intermédiaire. Ils n’obtiennent pas la liberté conditionnelle. En même temps, une vidéo de la police circule montrant Akil Bissessur à Palma en train de prendre un sac et de quitter une pièce alors que la police lui ordonne de rester immobile.
6 septembre : Après plusieurs allées et venues au tribunal, Akil Bissessur obtient finalement la liberté sous caution.
7 septembre : Doomila Moheeputh obtient également la libération provisoire.
10 septembre : Des vidéos intimes du couple commencent à circuler sur les applications de messagerie et sur les réseaux sociaux.
L’ASP Ashik Jagai : «Nou ena tou explikasion pou lakour»
Il a été contacté lors de l’émission Teleplus vendredi pour commenter tous les points d’interrogation dans l’arrestation et les fuites de vidéos et photos intimes du couple Akil Bissessur et Doomila Moheeputh. Le responsable de la SST, Ashik Jagai, a affirmé que «pour le respect des institutions, pa pou koz dan la pres». Selon lui, toutes les allusions faites au fameux sac, la vidéo CCTV, la fuite des vidéos intimes du couple, sont notamment «des tactiques et complots dans une tentative de faire un trial by the press, pour que l’affaire soit rayée en cour» mais que son équipe et lui «nou ena tou explikasion pou lakour. Ena poin par poin pou nou dire».
Où est passée Kalpana Koonjoo-Shah ?
On l’a vu faire des conférences de presse à propos de publications sur Facebook. On l’a entendu téléphoner pour prendre la parole sur la radio lorsque Sherry Singh parlait de Pravind Jugnauth. On l’a aussi très bien entendu dire du mal des membres de l’opposition lors des récents congrès. Mais elle reste injoignable par rapport à l’affaire de fuite de vidéos et de photos intimes de Doomila Moheeputh. Il s’agit de Kalpana Koonjoo-Shah, ministre de la l’Égalité des genres et du Bien-être de la famille. Cependant, Doomila Moheeputh a pu compter sur le soutien de plusieurs autres femmes d’autres partis. La députée rouge, Stéphanie Anquetil, a longuement commenté l’affaire lors d’une conférence de presse jeudi. La députée Joanna Bérenger a pour sa part démontré son indignation par rapport à cette fuite sur sa page Facebook. Le Hindu Ladies Council en a aussi fait mention dans une lettre au CP, demandant une enquête indépendante sur cette affaire.
Affaire Needroo : Une police deux poids deux mesures...
Les révélations de l’inspecteur Robin Bundhoo jeudi, dans la désormais célèbre affaire Needroo en cour intermédiaire, auront levé le voile sur des pratiques de la police et confirmé les craintes exprimées jusqu’ici par plusieurs personnes. Ainsi, l’inspecteur Bundhoo, qui était responsable de la Cybercrime Unit, a affirmé qu’il a exigé et pris la déposition de Rigg Needroo, défendu par Mᵉ Akil Bissessur, avant que la plaignante, en l’occurrence Kobita Jugnauth, n’ait donné la sienne. Cela voudrait dire que la police aura été, comme Lucky Luke, plus rapide que son ombre. Elle aurait déjà interpellé et interrogé Rigg Needroo avant même qu’une plainte à son encontre ne soit déposée. Télépathie ? Ou un simple coup de téléphone ?
Pour le juriste Rajen Narsinghen, normalement un délit affectant une personne directement doit être signalé par cette dernière à la police. Il ajoute, cependant, que la police a le droit d’aller vers un accusé directement, par exemple, si le policier a vu ou a été informé du délit avant qu’une plainte ne soit déposée. «Cependant, si tel est le cas, pourquoi la police n’a-t-elle pas interpellé Kenny Dhunoo, par exemple, quand la vidéo de l’agression d’un infirmier a été diffusée même en absence ou en attendant la plainte de la victime ? C’est un cas flagrant de deux poids deux mesures.»
Dans l’affaire Needroo, le délit allégué ne pouvait être signalé que par la «victime» quand elle s’est sentie «offensée», en vertu de l’Information and Communication Technologies Act. C’est pour cela donc que l’inspecteur Bundhoo qui traite de tels délits aurait dû trouver anormal qu’il ait eu à prendre la déposition de Needroo avant celle de Kobita Jugnauth. Comment cela a-t-il été possible ? Explication toujours de Bundhoo : l’ordre venait du DCP Jhugroo. On ne sait donc pas si le DCP Jhugroo a reçu un coup de téléphone d’Angus Road ou du PMO, mais toujours est-il que Bundhoo a reçu l’ordre de prendre connaissance de la publication de Needroo et d’aller l’interroger.
L’inspecteur Bundhoo fera une autre déclaration surprenante au tribunal, jeudi. Non seulement c’est la première fois dans sa carrière qu’il interroge un suspect avant qu’une victime ou un tierce personne n’ait signalé un délit mais il a aussi dû aller prendre la déposition de la présumée victime chez elle à Angus Road, plus précisément dans le salon du premier étage. Il ajoutera qu’en 30 ans de carrière, il n’a recueilli une déposition d’une victime à son domicile qu’en deux occasions. Et quelle est cette autre occasion ? Selon nos informations, elle concernerait l’affaire de bande sonore contre Akil Bissessur.
D’autres policiers ont déjà interrogé un suspect avant d’enregistrer la plainte de la victime. Rachna Seenauth, l’ancienne secrétaire de l’ancienne présidente Gurib-Fakim, a été interpellée avant même que Kaushik Jadunundun n’ait déposé plainte contre elle. C’est en tout cas ce que Rachna Seenauth a affirmé dans sa plainte au civil en avril 2020 contre le commissaire de police de l’époque, le Premier ministre, Kaushik Jadunundun et d’autres personnes encore. C’est Kaushik Jadunundun lui-même qui avait, dans un post sur Facebook, permis à Rachna Seenauth d’établir la chronologie des faits.
La police, toujours au service du pouvoir, s’est signalée encore une fois, le 11 juillet 2022 en allant prendre, nous dit-on, la déposition de Pravind Jugnauth contre Sherry Singh pour diffamation criminelle au Prime Minister’s Office ou à Angus Road ; en tout cas, ce n’était pas aux Casernes centrales. Dans le cas Kistnen, nous avons appris que le prêtre, qui serait un témoin clé de Yogida Sawmynaden, avait été interrogé par la police chez lui à Valentina. Et que dire de la déposition de Pravind Jugnauth en catimini à l’ICAC, pendant la nuit en pleins travaux parlementaires dans l’affaire Angus Road.
Ce sont là des cas où la police n’aura pas suivi les procédures et dont nous avons pris connaissance parfois par hasard. Dans combien d’autres cas la police a-t-elle agi ainsi ? Ce mode d’opération prouve que ce n’est pas la police qui convoque certains suspects mais que ce sont ces derniers qui la convoquent.
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