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Pic-Pac, Le Roi, Le Fou: tueurs d’enfants

2 octobre 2022, 22:00

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Pic-Pac, Le Roi, Le Fou: tueurs d’enfants

C’était en 1951. Mais les souvenirs sont encore présents dans la tête de ceux qui ont vécu à l’époque où ce crime sordide a été commis, les victimes du désormais «célèbre» Pic-Pac étant des enfants… Retour sur une affaire qui a marqué les esprits.

Deux enfants sont morts dans des circonstances effroyables, le 3 octobre 1951. Il s’agit de Jaymoodin Mohamed Ibrahim Mokadam, huit ans, et sa sœur, Rabia Mohamed Ibrahim Mokadam, cinq ans, des habitants de la rue Mamelon Vert à Port-Louis. Plus de 70 ans plus tard, les souvenirs de ce double drame sont intacts.

Ce double meurtre avait été suivi de près par de nombreux Mauriciens à l’époque car les actes commis sur des enfants en bas âge étaient d’une violence extrême. Un frère et une sœur avaient subi des actes sexuels par des individus avant d’être jetés vivants dans un réservoir d’eau à proximité de la Citadelle où ils sont morts asphyxiés. Ces deux crimes abominables avaient été relatés en détail dans Le Mauricien du 6 octobre 1951. Ainsi, à la découverte des cadavres des deux enfants, si la thèse de l’accident était privilégiée, elle avait été balayée d’un revers de main quand les rapports d’autopsie sont tombés. Les enfants avaient bel et bien subi des sévices sexuels.

Rabia portait des traces d’une tentative de strangulation mais il était confirmé qu’elle était vivante lorsqu’elle avait été jetée à l’eau. Toujours selon Le Mauricien, il s’agissait à l’époque d’un des «plus sauvages forfaits qui n’aient jamais été perpétrés à Maurice...» Ce jour-là, les deux enfants n’étaient pas allés à l’école et s’étaient rendus sur la colline pour jouer ; mais ne les voyant pas rentrer, les parents se sont inquiétés. Après des recherches intenses, l’on retrouvera le corps du petit Jaymoodin flottant dans ce réservoir alors que celui de Rabia était au fond. La police et le plongeur du port avaient alors été sollicités pour extirper les petits cadavres.

Ce qui avait attiré l’attention de plusieurs personnes qui procédaient aux recherches sur la Citadelle, c’était la présence d’un homme d’environ 25 ans qui cherchait à se cacher derrière des pierres et qui s’était enfui à la vue des torches mais qui avait fini par être intercepté par des personnes et conduit aux Casernes centrales ainsi que deux autres hommes, deux jours plus tard. Après une fouille sur les lieux du drame à la Citadelle, un jour après la découverte macabre, la police retrouvait les sous-vêtements de la fillette, à demi-brûlés, ainsi que les chaussures du garçonnet. Mais aussi des objets appartenant aux deux occupants clandestins de la Citadelle. Frère et sœur avaient été inhumés au cimetière de Riche-Terre, le 4 octobre 1951.

«Le 25 février 1952, les trois accusés ont été exécutés par pendaison à 7 heures du matin à la prison de Port-Louis.»

Par la suite, l’affaire prendra une tout autre tournure. Au total, 300 personnes avaient été interrogées dans le sillage de cette affaire sordide. Seize personnes seront arrêtées puis les trois accusés initiaux condamnés à mort. Le Mauricien en date du 26 janvier 1952, soit quelques mois après le drame, titrait sur les trois accusés condamnés à mort, mais qui plaidaient leur innocence. Toutefois, «le verdict du jury fut unanime contre les trois accusés». Selon les retombées de l’audience d’alors, les accusés – Pic-Pac (Noël Jérôme Juillet), 25 ans, Le Roi (France Cangy), 32 ans, et Le Fou (Paul Célestin) 48 ans – avaient prémédité leur crime. D’ailleurs, Pic-Pac avait expliqué à la police après le drame qu’il avait fait subir des sévices sexuels à la petite mais qu’il n’avait pas jeté les deux corps dans le réservoir ; c’étaient ses deux autres ‘amis’ Le Roi et Le Fou qui l’avaient fait. Cependant, selon les archives, Pic-Pac était revenu sur ses aveux en cour, indiquant qu’il avait été battu par la police pour «accepter de dire que c’étaient eux». Or, il avait au préalable expliqué aux enquêteurs comment il avait enlevé son pantalon pour ‘faire des choses’ aux enfants. Ce qui avait largement joué en sa défaveur lors du procès. Les trois hommes avaient plaidé non-coupables mais avaient été jugés coupables en Cour suprême. Même après le verdict, les suspects avaient continué à clamer leur innocence. «Ziska devan bondié mo pou inosan», avait d’ailleurs dit Le Roi.

Plusieurs personnes s’étaient massées aux abords de la Cour et une fois le verdict prononcé, des applaudissements avaient retenti dans les rues de Port-Louis, alors qu’à «quelques mètres, à l’intérieur de l’ancienne prison de Port-Louis, trois hommes attendaient de s’en aller dans la nuit, fixés sur leur destin», soulignait Le Mauricien. Le 25 février 1952, les trois accusés ont été exécutés par pendaison à 7 heures du matin à la prison de Port-Louis. Ainsi «des personnes qui se tenaient à la rue Desforges entendirent la chute des corps...»

Les trois corps furent ensuite transportés par camion au cimetière de Bois-Marchand, en passant par la rue La Poudrière, le Champ-de-Mars, Vallée-Pitot…
 

 

Elle s’en souvient

<p>Un fait-divers dont se rappelle d&rsquo;ailleurs Barmawtee Prayag, aujourd&rsquo;hui âgée de 97 ans. Nous l&rsquo;avons rencontrée avec sa fille à son domicile à Vallée-Pitot. Bien que les années aient passé, les images de ce drame humain sont restées gravées dans sa mémoire. &laquo;<em>J&rsquo;habitais à ce moment-là, à la croisée Vallée-des-Prêtres et le jour du drame, je tenais mon fils d&rsquo;un an dans les bras quand j&rsquo;ai vu plusieurs personnes prendre le chemin de la Citadelle. Zot finn dir éna dé zanfan inn mor... Nou pa pe koné nou, nou pe trouv zis dimounn pé mont sa kolinn la...&raquo; </em>Elle explique que sa petite sœur de 12 ans à l&rsquo;époque était même parmi les personnes qui s&rsquo;étaient rendues sur la Citadelle le jour de la découverte des corps. &laquo;<em>Elle avait vu le déroulement des événements sur place ce jour-là.&raquo;</em></p>

<p><img alt="" height="200" src="/sites/lexpress/files/images/val.jpg" width="155" /></p>

<p>C&rsquo;est le jour suivant que la nouvelle du crime a fait le tour des rues, du quartier et des régions avoisinantes, du pays tout entier. <em>&laquo;Ti enn mové krim sa, tou dimounn ti pé koz sa.&raquo;</em> Barmawtee Prayag explique qu&rsquo;elle n&rsquo;avait jamais vu les enfants mais qu&rsquo;elle connaissait leur père. <em>&laquo;Le jour de l&rsquo;enterrement de ses enfants, le médecin est venu et a administré une piqûre à la mère pour qu&rsquo;elle se calme, elle a repris ses esprits après l&rsquo;enterrement. Elle était tellement affectée par la mort atroce de ses enfants. Ti bien bien tris sa...&raquo;</em> Quant au père, elle soutient que depuis le drame, elle voyait chaque matin ce dernier avec des fleurs blanches à la main. &laquo;<em>Il partait leur rendre visite au cimetière. Li pa ti pé raté pou al met sa fler la&raquo;</em>, se remémore l&rsquo;habitante de Vallée-Pitot, avec tristesse.</p>

<p>La vieille dame a aussi vu passer les trois cercueils des accusés entassés l&rsquo;un sur l&rsquo;autre sur un camion roulant vers Bois-Marchand le jour de leur pendaison. &laquo;<em>Tout le monde criait &lsquo;pendi pé pasé&rsquo;, ti éna dimounn dé koté simé pé get sa pasé, partou ti ena dimounn...&raquo; </em>se souvient-elle. Depuis le double meurtre, les habitants des régions voisines de la Citadelle avaient-ils peur ? Non, confie-t-elle, car ces trois personnes n&rsquo;étaient pas issues et connues de la région. Du moins, elle ne les connaissait pas. <em>&laquo;Mais le sort réservé à ces enfants et toutes cette affaire sont restés ancrés dans sa mémoire. Elle a raconté ces histoires à de nombreuses reprises à ses petits-enfants&raquo;</em>, confie sa fille.&nbsp;</p>