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Aéroport de Rodrigues: la Banque mondiale peut-elle financer une entreprise privée ?
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Aéroport de Rodrigues: la Banque mondiale peut-elle financer une entreprise privée ?
Après le retrait de l’Agence française de développement de ce projet, l’aéroport de Rodrigues, ou plutôt le gouvernement mauricien, se tourne vers la Banque mondiale. L’Union européenne maintient, elle, son aide.
L’union européenne (UE) est revenue vers nous (voir l’express du 27 septembre) pour nous affirmer qu’elle maintient donc son aide – c’en est vraiment une, car ce n’est pas un prêt – au projet de construction du nouvel aéroport de Rodrigues. Ainsi, son offre de 16 millions d’euros (Rs 700 millions) est toujours valable, nous dit-elle, cela en dépit du retrait de l’Agence française de développement (AFD) qui allait prêter une somme de 86 millions d’euros (Rs 3,7 milliards). On ne sait toujours pas pourquoi l’AFD s’est retirée de ce projet. Il y a eu différentes explications qui ont été données.
Dans la lettre officielle adressée à la Rodrigues Regional Assembly, l’AFD parle du non-respect de l’environnement de ce projet et plus précisément de la nécessité d’abattre cinq arbres endémiques sur le tracé de la nouvelle la piste. «Si c’est la vraie raison, l’AFD devrait être classée comme la première institution financière du monde pour le respect de l’environnement», ironise un haut fonctionnaire. Sauf que cela est difficile à avaler d’autant plus que selon nos informations, les graines de ces arbres ont déjà été récupérées pour être semées ailleurs et des provins ont aussi été produits avec succès.
Trop d’explications…
Un proche du dossier, pour sa part, nous fait savoir que le retrait de l’AFD serait lié à l’exclusion de l’Aéroport de Paris d’ATOL. D’autres sources nous ont parlé de la dégradation du pays par Moody’s. L’UE, elle, fait référence au Covid, «notamment». Ainsi, on aura essayé plusieurs explications. Qui passent difficilement.
Et la décision de l’Independent Review Panel (IRP) du 30 septembre 2021, y est-elle pour quelque chose ? Pour rappel (voir l’express du 28 septembre 2022), cette autorité avait conclu dans un litige opposant deux consultants concernant le projet de la nouvelle piste d’atterrissage de Rodrigues que l’institution en charge, Airport of Rodrigues Ltd, est une compagnie vraiment privée et cela bien qu’elle fût mise sur pied avec l’agent public. Et qu’elle ne tombait pas dans le champ d’application de la Public Procurement Act. L’IRP soutenait sa décision, entre autres, en avançant que le projet de piste allait être financé non par le gouvernement mais par des fonds venant de l’AFD et de l’UE.
Maintenant que l’AFD s’est retirée et probablement remplacée par la Banque mondiale, la décision de l’IRP semble toujours tenir, du moins sous cet aspect, soit le financement par des institutions internationales. Or, justement, certains commencent à se demander si le retrait de l’AFD ne serait pas le résultat de cette décision de l’IRP du 30 septembre 2021. «Je vois mal, nous dit un haut fonctionnaire, une institution financière internationale qui prête normalement de l’argent contre une garantie gouvernementale, le faire à une compagnie privée.» On ne sait pas si le gouvernement mauricien garantira cet emprunt auprès de la Banque mondiale ou s’il allait le faire auprès de l’AFD… Si oui, on se demande comment cela pourrait-il s’accommoder avec la décision de l’IRP. Sinon, cela équivaudrait à ce que l’Etat garantisse un emprunt pour le compte de n’importe quelle compagnie privée.
De plus, continue notre interlocuteur, «je vois encore plus difficile l’AFD ou la Banque mondiale mettre Rs 3 ou 4 milliards dans un projet où l’allocation des contrats ne sera pas soumise au regard de l’IRP». Pour lui, que ces institutions internationales prêtent de l’argent sans garantie étatique et sans assurance de transparence pourrait aller contre leurs règlements internes.
Silence qui en dit long
La personne responsable à Maurice de la Banque mondiale, Brinda Dabysingh, n’a pas voulu nous confirmer si cette institution ira de l’avant dans ces conditions. Elle refuse de communiquer après avoir pris connaissance de nos questions. Pourtant, mercredi, la Country Director de la Banque mondiale pour le Mozambique, Madagascar, l’île Maurice, les Comores et les Seychelles, la Zimbabwéenne Idah Z. PswarayiRiddihough, qui avait rencontré le Premier ministre (PM) ce jourlà, a, elle, bien accepté de nous parler. Elle a déclaré qu’un des trois sujets abordés avec le PM était effectivement le projet de nouvel aéroport à Rodrigues. Une délégation de cette institution a même effectué une visite des lieux à Rodrigues. Cette rencontre à ce sujet avec le PM cadre mal avec la décision de l’IRP à l’effet qu’Airport of Rodrigues n’a rien à faire avec le gouvernement.
L’UE nous fait comprendre qu’elle est «en train d’examiner, avec le gouvernement, des alternatives pour trouver une autre institution financière internationale qui pourra se substituer à la partie que devait apporter l’AFD». Mais l’on ne sait pas si elle pensait à la Banque mondiale.
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