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Siddique Khodabaccus: «Les frais professionnels ont été diabolisés alors que cela n’aurait pas dû être le cas»
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Siddique Khodabaccus: «Les frais professionnels ont été diabolisés alors que cela n’aurait pas dû être le cas»
Frais professionnels, protection des données de patients, manque de médicaments sur le marché… depuis quelque temps, les pharmaciens sont confrontés à des problèmes en série ; et au coeur ces polémiques se trouve le public. Le président du Pharmacy Council détaille ses plans pour remédier à la situation.
Quelles sont les priorités actuelles du Pharmacy Council ?
En haut de la liste figure la revalorisation de la profession. Nous avons vu, pendant la pandémie, que le rôle des pharmaciens a été conséquent en offrant des services de proximité. Évidemment, nous aurions pu faire plus, mais la regulation sur les injections n’a été introduite que récemment. Désormais, les pharmaciens sont autorisés à les faire. Une des priorités est donc d’offrir le programme de formation pour que ce service puisse voir le jour…
Il faudra payer pour ce service ?
Allons droit au but. Il y a eu une polémique sur les frais professionnels des pharmaciens. Il est clair qu’un professionnel doit pouvoir se faire rémunérer pour ses services. Aujourd’hui, un pharmacien peut conseiller des médicaments vendus over the counter pour des maladies bénignes, comme une petite grippe et autres. Nous voulons aller plus loin. Il faudrait que les pharmaciens puissent aussi prescrire des antibiotiques et autres médicaments nécessitant une prescription. Pour cela, il faut une consultation, connaître les antécédents du patient, lui demander s’il prend d’autres médicaments et analyser s’ils peuvent interagir, entre autres. Bien sûr, pour avoir le statut de «prescribing pharmacist», il faudra suivre un cours. Nous travaillons en ce sens. Pour revenir au paiement, oui. Ces frais de Rs 100 ont été diabolisés alors que cela n’aurait pas dû être le cas. Ce paiement sera pour une consultation et non à chaque fois qu’une personne se rend à la pharmacie.
Tous les nouveaux services connaissent des «teething issues». Qui va contrôler la mise en place de ces services ?
Cela fait longtemps que nous demandons que le Council exerce plus de responsabilités et que les toutes les inspections, pas uniquement des services, se fassent en collaboration avec l’organisme. Actuellement, ces inspections se font par un corps totalement détaché, mais lorsqu’une faute est constatée, le dossier nous est envoyé. Cela n’a pas trop de sens. Il faut déjà une Inspection Unit à part entière et que nous soyons partie prenante des exercices car le code de pratique a été établi par le conseil.
«Il faudrait que les pharmaciens puissent aussi prescrire des antibiotiques et autres médicaments nécessitant une prescription»
On a aussi évoqué un manque de pharmaciens à un moment…
C’est le résultat d’une distribution de licences à tort et à travers ; le pays compte donc 535 pharmaciens alors que seuls 450 sont employés. Certains ne veulent pas travailler pour diverses raisons. Une dizaine vont bientôt passer les examens et d’autres finiront leurs études bientôt. Il n’y a donc pas de manque.
Pourquoi ce problème est-il donc souvent évoqué ?
Le problème est ailleurs. La loi est claire. Une pharmacie ne peut pas opérer sans pharmacien. Mais la licence pour ouvrir une pharmacie est octroyée à n’importe qui. C’est contradictoire. Pour assainir la situation, il faut une étude sur le nombre de pharmacies et le nombre de pharmaciens. Puis, il faudra définir les régions où il y a un manque et ne plus donner des licences à n’importe qui. Il faudra aussi redéfinir le travail. Un pharmacien doit travailler 40 heures par semaine. Il se passe quoi après son départ ? La pharmacie ferme ? Donc, il faudra aussi un cadre régissant les horaires d’ouverture et qu’il n’y ait pas d’exploitation des pharmaciens.
Il faut aussi comprendre que les pharmacies sont des commerces pour les non-pharmaciens qui décident de se lancer dans le domaine ; donc en cas de manque ou de démission du pharmacien, la pharmacie ne peut simplement pas fermer. Cela aura un impact non seulement sur l’économie, mais aussi sur les habitants de la région, surtout si c’est une zone où il n’y a pas d’autre option. Ailleurs, le système de supervision existe. Un autre pharmacien peut superviser une pharmacie dans laquelle il ne travaille pas pour une durée déterminée, histoire que l’affaire tourne et personne ne soit pénalisé. Évidemment, il y a des restrictions, comme l’interdiction de la vente des psychotropes. C’est une des avenues pour pallier un manque éventuel.
Il y a quelques mois, il y a eu une levée de boucliers contre le contrôle de la vente de psychotropes par la Mauritius Revenue Authority. Quelle est la situation aujourd’hui ?
Il faut un contrôle. Là-dessus, il n’y a pas de discussion. D’ailleurs, le rapport Lam Shang Leen l’avait recommandé. Mais ce contrôle serait mieux assuré par le conseil. Mais dans l’immédiat, nous attendons toujours l’assurance que les données des patients sont bien protégées. De plus, ce contrôle mis en place est incomplet et s’il n’est pas étendu ailleurs, il n’aura aucun effet. Il n’est pas logique de contrôler uniquement les pharmaciens privés. Il faut aussi un contrôle des hôpitaux et des médecins qui prescrivent des psychotropes.
Attendez. Vous mettez beaucoup d’accent sur le contrôle. Les abus sont si fréquents ?
Dans n’importe quelle profession, il y a des brebis galeuses, surtout lorsque les licences sont attribuées à n’importe qui. Raison pour laquelle il faut une surveillance accrue. Le pharmacien, en ce qu’il s’agit de psychotropes, est un exécutant des prescriptions de médecins. Mais si le médecin lui-même ne rend pas de comptes, le problème reste entier. Puis, encore une fois, c’est le conseil qui est responsable du bon fonctionnement de la profession.
Venons-en à un problème persistant. La pénurie.
C’est depuis la pandémie. La chaîne de distribution a été chamboulée. Les demandes des fabricants ont augmenté, le fret ne fonctionne plus comme avant, la roupie a chuté, entre autres. De plus, nous sommes un petit marché, donc les commandes que nous passons sont relativement basses. Face à la situation, nous avons proposé l’importation parallèle, et nous maintenons que c’est la solution. Prenons un médicament fabriqué sous licence dans un pays asiatique, où la main-d’oeuvre est moins chère. Ce sont les mêmes molécules, les mêmes principes actifs. Si l’importation de ces médicaments était autorisée, cela règlerait le problème. De plus, la compétition que cela va créer permettra une auto-régulation des prix des médicaments.
Où en est la question de «regressive mark-up» ?
Ce n’est pas encore applicable, mais je peux déjà vous dire que cela ne règlera pas grand-chose car le prix d’achat est déjà élevé ; donc même si nous enlevons toute la marge de profit, le problème reste entier. Encore une fois, la solution est l’autorisation de l’importation parallèle. Il faut aussi revoir le système de santé en profondeur et mettre en place ce qui existe à l’étranger, à savoir, une contribution à une assurance médicale, et une allocations pour les personnes âgées et dans le besoin.
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