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Guruduth Bhagan: victime collatérale de l’escadron de la mort...

9 octobre 2022, 22:00

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Guruduth Bhagan: victime collatérale de l’escadron de la mort...

Cette semaine nous revisitons un crime de 1996. Le planteur Guruduth Bhagan est retrouvé mort sur la route des Mariannes à proximité de sa plantation. Son meurtre ne sera élucidé que quatre ans plus tard en mettant en lumière d’autres faits divers terrifiants...

Nous sommes dans l’après-midi du vendredi 4 octobre 1996. Guruduth Bhagan, 55 ans, quitte son domicile à Triolet dans son 2×4, une Toyota de couleur bleue, pour se rendre dans sa plantation de canne à sucre et d’ananas à Montagne-Longue. En lui disant au revoir, ses proches et son épouse ne pouvaient se douter que ce serait la dernière fois qu’ils le verraient vivant. En effet, ce planteur et père de trois enfants sera retrouvé très tard dans la même soirée, face contre terre avec une balle dans le dos en bordure de la route menant vers les Mariannes. Entre choc et tristesse, la famille avait du mal à comprendre ce qui c’était passé. «Nou rapel sa bien. Sa zour-la bann fami misié-la ti pe gagn traka et ti pe rod li paeski li ti abitié fini rantré avan fer nwar. Zot ti pe rod li et zot inn al dekouver li dan sa leta-la. Bien tris parski enn so bann zanfan ti ankor miner kan inn ariv sa», confie un ancien habitant de Triolet, aujourd’hui âgé d’une soixantaine d’années et qui connaissait bien la famille Bhagan.

L’Homicide Squad (HS), unité policière chargée d’enquêter sur les homicides dans les années 90, s’occupera de cette affaire. Le lieu du crime ne portait pas beaucoup de preuves, à part une douille et deux canettes de bières vides sur le sol près du corps. Toutefois, la disparition de son 2x4 était un élément majeur. Mais que s’est-il réellement passé en ce vendredi 4 octobre 1996 ? Un ancien policier en fonction à l’époque se rappelle cette affaire comme si c’était hier. «Je ne travaillais pas comme enquêteur sur ce meurtre mais je me rappelle bien qu’à cette époque la police était dépassée par les évènements. Il s’agissait de la cinquième victime par balle de cette année-là», confie le retraité.

L’ancien policier ajoute que pour d’autres victimes, il y avait des motifs et des pistes comme le trafic de drogue, des affaires d’argent ou encore un crime passionnel. Mais dans l’affaire de Guruduth Bhagan, ils avaient du mal à comprendre car cette victime particulière était un homme sans histoire, un travailleur connu par son entourage comme étant un homme honnête, discipliné et très responsable. Il n’y avait rien dans son passé qui faisait de lui une personne qui serait morte par vengeance ou à cause de maldonnes. Comme le rapportaient les médias de l’époque, il n’était qu’un ex-chauffeur et propriétaire de camion qui s’était recyclé dans la plantation de canne à sucre.

Selon nos sources, la première thèse de l’HS était qu’il devait s’agir d’une simple affaire de vol de véhicule, qui aurait mal tourné. Cependant, quelques jours après la découverte du corps, cette thèse ne tenait qu’à un fil car le 2x4 de Guruduth Bhagan sera retrouvé dans un champ de canne, à La Louisa, Pamplemousses.

Son véhicule apportera encore plus de fil à retordre à la police car en examinant le 2x4 et l’endroit où il avait été découvert, ils ont trouvé à une vingtaine de mètres du véhicule, les affaires personnelles de Guruduth Bhagan, posées par terre. «Koumadir bann saki tinn pran sa loto-la pa ti intéresé ar saki ti ena ladan ek zot ti anvi fer konn sa», révèle l’ancien policier.

En effet, les vêtements, une paire de bottes, un tupperware, un bout d’éponge, trois bouteilles d’herbicide et trois régimes de banane qui appartenaient à ce père de famille, gisaient intacts sur le sol. Le siège arrière du 2x4 bleu par contre, était partiellement calciné. Ce qui aurait fait comprendre aux enquêteurs que les criminels qui l’avaient pris avaient tenté d’y mettre le feu.

«Ils se doutaient cependant que cela ne pouvait être l’œuvre d’une seule personne sans savoir que 22 jours plus tard, un triple meurtre à la rue gorah issac serait lié de très près à cette affaire...»

Pour l’aider, l’HS avait fait venir les chiens policiers. Ces derniers les avaient conduits du champ de canne jusqu’à un sentier reliant la route principale de Pamplemousses au stade Anjalay à Belle-Vue pour ensuite s’arrêter à un arrêt d’autobus où, selon la police, les suspects ont dû prendre le bus pour partir. Cependant, comme il n’y avait aucune caméra de Safe City ou autres à l’époque, ils ne pouvaient pas mettre des noms ou des visages sur ces suspects. «Ils se doutaient cependant que cela ne pouvait être l’œuvre d’une seule personne sans savoir que 22 jours plus tard, un triple meurtre à la rue Gorah Issac serait lié de très près à cette affaire...», confie un autre témoin de cette affaire.

Saisie d’armes

Faute de piste concrète, la police arrêtera un proche de Guruduth Bhagan, un mois après la découverte du corps, en se basant sur une date qui aurait été mal notée. Cependant, un jour après cette arrestation, elle devait découvrir avoir commis une erreur et relâcher cette personne. Pendant quatre ans, le meurtre du planteur restera donc un mystère, jusqu’au mercredi 22 novembre de l’année 2000. Ce jour-là, le CCID de l’époque fera une importante saisie d’armes à Camp-Yoloff chez un boucher âgé de 27 ans. Ce dernier, Khadafi Oozeer, fera découvrir à toute l’île Maurice qu’un escadron de la mort sévissait. Il donnera des pistes dans l’affaire du triple meurtre de la rue Gorah Issac et plusieurs noms. Et parmi ces noms, celui d’Hateem Oozeer, un de ses proches.

Et c’est Hateem Oozeer qui, après quatre ans, mettra en lumière le mystère du meurtre de Guruduth Bhagan. En effet, Hateem Oozeer se rendit à la police après que quatre de ses confrères en crime s’étaient suicidés en ingurgitant du cyanure et que les autres avaient été arrêtés.Le 28 décembre 2000, il se rendit à la Flying Squad, une nouvelle unité de la police mise en place par sir Anerood Jugnauth, Premier ministre à l’époque. Hateem Oozeer avouera avoir été le chauffeur de plusieurs véhicules volés, qui avait véhiculé l’escadron de la mort pour commettre des hold-up.

Dans son interrogatoire, il avoue que l’un des véhicules qu’il avait conduits était celui de Guruduth Bhagan. Mais était-il celui qui l’avait tué de sang-froid ? Il affirme que non mais c’est bien un membre de l’escadron de la mort qui l’aurait fait. «Comme les membres de cette bande agissaient quelquefois deux par deux ou plus mais pas tous ensemble, on ne sait pas qui exactement a tiré sur Guruduth Bhagan. Il peut s’agir d’un des quatre suicidés ou autres. Liyyakat Polin et le policier ripou Afzal Chummun qui en faisaient partie n’ont jamais avoué ce meurtre cependant», ajoute une source concordante qui a travaillé sur le terrain au démantèlement de l’escadron de la mort.

Selon nos sources, la famille porte toujours les séquelles de ce crime. D’ailleurs, nous avons tenté en vain de les joindre mais un ami de la famille nous expliquera qu’après 26 ans, il est bien trop dur de ressasser le passé et de les laisser tranquilles. Quoi qu’il en soit, pour tous ceux qui ont suivi cette affaire de loin ou de près, peu importe les rumeurs ou les insinuations qui ont été faites quand le corps de Guruduth Bhagan a été retrouvé, «il reste connu comme étant une des victimes les plus innocentes de ces criminels qui ont terrorisé de nombreux Mauriciens....»