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Agrandissement du site d’enfouissement | Mare-Chicose: à qui profite l’annulation de l’appel d’offres ?
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Agrandissement du site d’enfouissement | Mare-Chicose: à qui profite l’annulation de l’appel d’offres ?
Depuis presque trois ans, un appel d’offres pour une extension verticale court, pour finalement être annulé en avril, les documents du «tender» devant être retravaillés. Du coup, le projet, qui est urgent vu la saturation de Mare-Chicose, prend du retard, et l’actuel gérant du site, Sotravic, aussi soumissionnaire avec une offre très basse, bénéficie d’extension sur extension de son contrat sur une base mensuelle.
Qui dit service public, dit contrat à coups de millions, voire de milliards de roupies. La gestion des déchets en fait partie. Oui, les déchets dont nous nous débarrassons, rapportent gros. Et très gros.
Le pays compte un unique centre d’enfouissement à Mare-Chicose, qui gère plus de 543 200 tonnes de déchets solides par an. De 2016 à ce jour, le ministère de l’Environnement et celui du Logement et de l’aménagement territorial n’ont trouvé aucun autre terrain de l’État approprié pour répondre aux problèmes de capacité de Mare-Chicose, site déjà arrivé à saturation alors que la quantité de déchets augmente d’au moins 10 % annuellement depuis ces dix dernières années.
C’est d’ailleurs le constat alarmant que dresse Marcos Orellana, Rapporteur spécial des Nations unies sur les incidences sur les Droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux. Son rapport, avec ses conclusions et recommandations découlant de sa visite à Maurice du 25 au 29 octobre 2021, qui est accessible en ligne, a été remis au gouvernement mauricien cette année et a été à l’ordre du jour de la 51e session du Conseil des Droits de l’homme de l’ONU, du 12 septembre au 7 octobre.
Il est vrai que le Rapporteur spécial de l’ONU fait ressortir que des procédures sont en cours pour pallier cette carence, en vue d’augmenter la capacité de la décharge. Dans la forme, il y a bien eu un exercice d’appel d’offres pour un contrat de Landfill works for vertical expansion of the Mare Chicose Landfill and operation and post closure management of cells.
Toutefois, c’est ce qui se déroule depuis le lancement de cet exercice, il y a 34 mois (presque trois ans) qui interpelle.
Ce projet a vu plus d’un rapport d’évaluation. D’abord, celui du Bid Evaluation Committee (BEC) - une équipe d’ingénieurs sous la présidence d’un professeur de l’université de Maurice – daté de septembre 2021. Dans le milieu concerné, l’on parle de «rapport très détaillé avec des analyses en profondeur qui a trouvé ‘a bid abnormally low as it was lower by 54% of the estimated budget whereas as per directive 46 of the PPO Act 2006, a bid is considered abnormally low when it is lower than the estimated budget by 15%’».
Puis, il y a eu un deuxième rapport d’un consultant dit indépendant, à savoir une firme comptable, qui, elle, recommande l’annulation de l’appel d’offres.
Et aux dernières nouvelles, retour effectivement à la case départ. L’exercice a été annulé à la mi-avril. La clause 39(1) (e) de la Public Procurement Act, stipulant qu’«in the public interest, the bidding documents requires substantial modification making it more convenient to restart a new bidding process», a été brandie dans la correspondance adressée aux soumissionnaires par le bureau du secrétaire permanent du ministère de l’Environnement, le 18 avril.
Une nouvelle fois, les services du même consultant qu’à l’origine ont été retenus pour remanier les critères en vue d’un nouvel appel d’offres. Sauf que, dans le milieu concerné, les questions fusent car le Central Procurement Board (CPB) a bien examiné les documents initiaux de l’appel d’offres. Des documents qu’il a approuvés avant le lancement du premier exercice. Tout comme il a avalisé les réponses fournies aux demandes de clarifications des soumissionnaires par la suite.
Abus de pouvoir
Si le CPB, qui a approuvé les documents d’appel d’offres, y compris les estimations de coûts permettant au ministère de lancer le tender, avait de sérieuses réserves, il aurait pu demander des actions appropriées à tout moment avant l’exercice, fait-on ressortir. «Il a reçu les offres, les a évaluées et ce n’est qu’au moment de recommander une attribution qu’il s’est soudainement rendu compte que les documents d’appel d’offres nécessitaient des modifications substantielles rendant plus pratique de recommencer le processus d’appel d’offres. Pour toute personne raisonnable, ne s’agit-il pas d’un abus de pouvoir ?», s’interroge-t-on. Ce qui, dans la foulée, ouvre la voie à des questions sur les liens entre un membre influent du CPB et un des soumissionnaires.
Toujours dans le milieu concerné, l’on fait ressortir que si la décision du CPB d’annuler cet appel d’offres est autorisée à ne pas être remise en question et contestée, le début du projet, qui se veut urgent à Mare-Chicose, sera sérieusement retardé. «Celui qui repartira avec le contrat ne pourra être sur le site qu’en janvier 2025 et, dans l’intervalle, le contrat actuel sera prolongé sur une base régulière et périodique, comme c’est le cas depuis l’expiration du contrat. Cette extension sera plus longue que le contrat initial. Une bonne étude de cas pour les étudiants en gestion de projet.»
En effet, avec un exercice d’appel d’offres caduc, Sotravic, l’actuel gérant du site, qui, précisons-le, a aussi participé à l’appel d’offres dont il est question ici et qui a fait l’offre, de très loin, la moins élevée, bénéficie d’extension sur extension de son contrat sur une base mensuelle.
L’express a sollicité le ministère de l’Environnement qui est le client du projet. Les réponses du département des déchets solides auxquelles nos quatre questions ont été transmises se font toujours attendre, une semaine plus tard.
Un représentant de Sotravic qui s’occupe de Mare-Chicose et à qui nous avons fait suivre trois questions jeudi dernier, n’est, lui non plus, toujours pas revenu vers nous.
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