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«Lettres d’amitié, de respect et de mise en garde…» de Boualem Sansal

13 novembre 2022, 10:44

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«Lettres d’amitié, de respect et de mise en garde…» de Boualem Sansal

Né à Theriet El Had (Algérie), Boualem Sansal est l’auteur de Le Serment des barbares» et de 2084, la Fin du monde, qui a remporté à la fois le Grand Prix du Roman de l’Académie française 2015 et le titre du Meilleur livre de l’année 2015 du magazine LIRE.

Au début de Lettres d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre, il se demande si sa démarche est pertinente : «Elle l’est peut-être, mettre en garde les peuples et les nations de la terre contre les dangers qui les guettent est assurément louable, mais est-elle utile et bienvenue ? Les peuples et les nations connaissent leurs malheurs et savent bien, allez, ce qu’il faudrait faire pour les chasser. Le leur rappeler, de cette manière intempestive, par écrit et publiquement, est quelque part un reproche, une offense, un appel à réagir, enfin, que diable.»

Le déclic, écrit Boualem Sansal, a été provoqué par la parole d’une Indienne Iakota du Dakota du Sud habitant une réserve fantomatique livrée à la désertification, aux vents brûlants des espaces infinis, à l’alcoolisme, aux infatigables tumbleweeds, au chômage sans rémission, à l’ennui, à l’arrogance de l’administration qui gouverne ces vestiges voués à la fossilisation : «Nous avons une demeure dans la mort mais aucune dans cette vie.» Pour l’auteur, rien ne dit mieux que cette phrase la condition faite aux nations et aux peuples de la terre.

Après un chapitre, où il répond aux questions «Qui vous écrit et d’où vous écritil ?», Boualem Sansal dit son amitié et son respect pour les peuples avant de les mettre en garde un peu contre eux-mêmes mais surtout contre ce qu’il appelle les Destructeurs. Il en voit quatre qui totalisent 90 % de la mortalité humaine globale estimée à 110 milliards depuis le début de l’histoire de l’humanité : les Jeux d’arène, l’Argent, la Religion et le Fast-food. Je ne présenterai ici que le premier.

L’auteur rappelle que l’homme est, à la base, un être jouant : «Avant de savoir marcher, penser et de s’essayer à la sagesse pour finalement sombrer dans la débilité et la sénilité, l’homme a joué.» Les Jeux d’arène, qui sont sur la plus haute marche du podium des Destructeurs, comprennent les Jeux de guerre, qui à eux seuls ont expédié dans la tombe entre 70 et 100 millions de personnes lors des deux grands conflits du XXe siècle. Il importe, cependant, de distinguer entre les jeux volontaires et les jeux imposés.

La Seconde guerre mondiale est le type même des jeux imposés. Rêvée et planifiée par Hitler et ses hiérarques, elle a été subie par le monde entier, contraint et forcé. Les jeux volontaires, qui sont aussi destructeurs, sont illustrés par la guerre dite froide, ou guerre géostratégique, où les adversaires s’observent par satellite et se font la guerre par États périphériques interposés.

À la fin du chapitre, Boualem Sansal explique pourquoi il a appelé ces mises à mort Jeux d’arène : «Parce que la mise à mort est un jeu, étrange et fascinant, dès qu’il y a un public pour le suivre, s’en délecter, le soutenir de ses cris et de ses paris… C’étaient ça les arènes romaines, parfois archicombles, où l’on mourait sous d’intenses applaudissements…».

«Lettres d’amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre», Boualem Sansal, Editions Gallimard, 2021, 12 euros.