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Le Dr Ismaël Bahemia tué à cause… d’un certificat médical
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Le Dr Ismaël Bahemia tué à cause… d’un certificat médical
Il y a 14 ans, le corps sans vie du médecin est découvert dans son cabinet de consultation. Ce meurtre d’une rare violence a marqué les esprits. Ses proches, eux, ont vécu l’horreur. Et la plaie est toujours béante, pour sa fille notamment.
Les habitants des villes-sœurs n’oublieront jamais la date du 20 novembre 2008. Ce jour-là, en pleine journée, le corps sans vie du Dr Ismaël Bahemia est retrouvé gisant dans une mare de sang dans son cabinet de consultation à la rue Rémono, à Rose-Hill. Un crime d’une violence inouïe dont la seule pensée évoque une peine atroce à ceux qui ont côtoyé ce médecin de 72 ans, tué froidement par Sagadheeren Murday, 30 ans, un cuisinier à la prison centrale de Beau-Bassin...
Quatorze ans après, la tristesse ne s’est pas évaporée. La voix nouée au bout du fil, la fille du Dr Ismaël Bahemia a du mal à s’exprimer. Les coups de couteau qui lui ont enlevé son papa à jamais lui ont aussi transpercé le cœur. Causant une plaie qu’aucun pansement ou médicament ne pourra soigner. «J’avais 32 ans quand j’ai perdu mon papa. C’était un père et une personne extraordinaire. D’ailleurs, pour la personne que mon père a été en tant que médecin aussi et comment il a fini, c’est juste atroce», révèle-telle avec émotion. En effet, le Dr Bahemia était un généraliste au grand cœur. Ceux qui l’ont côtoyé affirment que l’argent ne l’intéressait pas. Au fil de sa carrière, ils sont nombreux à avoir témoigné que le généreux et altruiste docteur les avait auscultés et soignés gratuitement. D’ailleurs, plusieurs familles à faible revenu venaient le voir sans se soucier du paiement car ils savaient pouvoir compter sur lui pour les traiter ou leur prodiguer des conseils médicaux.
Quand son cadavre est retrouvé en pleine journée en ce fatidique 20 novembre 2008 dans son cabinet à la rue Rémono, à Rose-Hill où il exerçait depuis 42 ans, le choc est immense. Une de ses anciennes patientes s’en rappelle comme si c’était hier. «Je travaillais dans le quartier. J’ai connu ce médecin après m’être sentie mal au travail une fois. Depuis ce jour, il était devenu mon médecin pendant trois ans. Ti enn misié bien zanti, émab ek profesionel. Zour monn tann sa, mo ti dan travay mo pann kapav réténir mo larm», se souvient la mère de famille. Ce serait d’ailleurs son professionnalisme et son honnêteté qui auraient causé sa mort... Retour sur les faits.
Il est environ midi le jeudi 20 novembre 2008. La rue Rémono à Rose-Hill est bondée. En se dirigeant vers le bâtiment commercial où se trouvait le cabinet du Dr Bahemia, sa dernière patiente n’aurait jamais cru qu’elle verrait son médecin traitant, gisant sur le sol dans une mare de sang. Estomaquée, elle en informe immédiatement la police. Les enquêteurs et le Dr Satish Boolell arrivent sans tarder sur les lieux. Vu que le corps est encore ‘chaud’, le légiste comprend que le crime a dû avoir lieu entre 10 h 30 et 11 h ce matin-là. En examinant le cadavre, le Dr Boolell découvre 10 entailles profondes causées par une arme tranchante. Sept au cou, un à l’abdomen et deux à l’avant-bras. Des coups «d’une violence inouïe», dira-t-il.
Sur les lieux du crime, une serviette sanglante appartenant au médecin. La manière dont celle-ci a été jetée par terre, dans un coin à côté du corps, et les traces de sang dessus, révèlent qu’elle a servi d’essuie-mains au tueur. La serviette est tout de suite mise sous scellés et envoyée à la scientifique pour un test ADN. Cependant, ce ne sera pas l’unique élément crucial de l’enquête. En examinant les effets personnels du médecin, les enquêteurs se rendent compte que ses cartes bancaires et son téléphone portable ont disparu. Ils contactent la banque et demandent de ne pas les bloquer. Leur idée étant que si le tueur a fait parler le Dr Bahemia avant de le tuer, il est fort probable qu’il se servira des cartes pour retirer de l’argent. Par ailleurs, ils font surveiller le téléphone du médecin au cas où le criminel le réactive.
En premier lieu lors de l’enquête, les soupçons se portent sur des toxicomanes. Comme il y en avait beaucoup dans le quartier, qui commettaient des vols et agressions à l’époque, la police pensait qu’il pouvait s’agir d’un vol ou de chantage pour des psychotropes qui aurait mal tourné. Plus de sept toxicomanes avaient été appréhendés. Cependant, ils seront vite relâchés car il n’y avait rien qui les incriminait. Il aura fallu cinq mois pour que la police attrape le criminel...
La première piste sera la caméra d’une banque, qui a filmé un homme utilisant les cartes du Dr. Bahemia sur un distributeur automatique. Cependant, comme il s’est camouflé le visage et porte une casquette, les policiers auront du mal à identifier l’agresseur. Mais quelque temps plus tard, avec la réactivation du téléphone portable du Dr. Bahemia, la police mettra la main sur Sagadheeren Murday, cuisinier à la prison centrale de Beau-Bassin. Ce dernier, âgé de 30 ans à l’époque, avait offert le téléphone à… son épouse.
«C’était un généraliste au grand coeur (...) que l’argent n’intéressait pas....»
Le cuisinier, arrêté le 10 avril 2009, aurait commis ce meurtre à cause d’un bout de papier... «Je l’ai tué car il ne voulait pas me donner de certificat médical», avouera Sagadheeren Murday aux enquêteurs après son arrestation. Il ajoutera avoir des remords et que son acte n’était pas prémédité. Il faudra attendre cinq ans pour que le jugement de Sagadheeren Murday soit prononcé. Et il reste inconnu malheureusement pour la famille, comme nous indiquent plusieurs sources qui révèlent que le Dr Boolell n’a pas été appelé lors du procès pour son rapport d’autopsie mais seulement pour l’enquête préliminaire en 2012.
Selon plusieurs sources, le flou sur le meurtre du médecin demeure. Pour beaucoup de personnes qui ont suivi le dossier, la thèse selon laquelle Sagadheeren Murday n’aurait pas agi seul demeure même s’il a été jugé comme l’unique auteur de cet acte innommable. D’ailleurs, lors de l’enquête préliminaire en 2012, un autre crime semblait lié à cette affaire. Mais la piste avait été abandonnée plus tard. Il s’agit du meurtre d’Aslam Mustapha, 42 ans. Le corps de ce chauffeur de camion avait été retrouvé dissimulé sous des branches sur un terrain en friche à la rue Capitaine Bruce à Rose-Hill. Il portait au moins cinq profondes entailles au cou et des blessures au visage, comme révélé dans le rapport d’autopsie du Dr. Sudesh Kumar Gungadin. Selon des sources policières, le nom d’Aslam Mustapha figurait sur la liste des témoins assignés dans l’enquête préliminaire sur le meurtre du Dr Bahemia.
Quoi qu’il en soit, pour la fille du médecin, si certains n’ont pas été jugés, elle se raccroche à sa foi, qui l’aide à vivre chaque jour sans son papa adoré.
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