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Rajeev Hasnah: «On peut s’attendre à ce que l’inflation emprunte une tendance baissière en 2023»

14 décembre 2022, 21:00

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Rajeev Hasnah: «On peut s’attendre à ce que l’inflation emprunte une tendance baissière en 2023»

L’économiste s’explique sur la problématique de l’inflation et précise que depuis 2020 le taux cumulatif de l’inflation est de 20 %. Ce qui signifie forcément, dit-il, une baisse du pouvoir d’achat du même ordre pour la population.

L’année 2022 a été marquée par une inflation galopante à l’échelle mondiale. À Maurice, elle a dépassé la barre des 12 % et pourrait poursuivre cette tendance haussière l’année prochaine. Doit-on comprendre qu’elle n’a pas encore atteint son pic ? 
Je ne sais pas si l’inflation a déjà atteint son pic. On pensait qu’à 11 %, ce serait fait. Or, le taux dépasse aujourd’hui la barre des 12 %. À mon avis, tout dépendra de la tendance des prix à la consommation à l’international, du rythme de la dépréciation de la roupie et de la décision des commerçants de passer la compensation salariale sur les consommateurs en augmentant leurs prix. Toutefois, sur la base des tendances internationales du marché, je note qu’il est fort probable que les prix vont baisser. Du coup, on peut s’attendre ce que l’inflation emprunte une tendance baissière en 2023. Par ailleurs, il faut souligner que de 2020 à nos jours, le taux cumulatif de l’inflation est de 20 %, ce qui implique une baisse du pouvoir d’achat du même ordre. Ce qui est, somme toute, conséquent.

Plusieurs raisons sont avancées pour justifier ces pressions inflationnistes. Il y a d’abord l’effet de la guerre russoukrainienne sur les prix des commodités et des produits énergétiques mais aussi des raisons plus internes qui influent la masse monétaire et par ricochet celle des prix. Comment analysez-vous ces corrélations ? 
Premièrement, c’est un fait que la guerre en Ukraine a fait grimper l’inflation d’une manière plus conséquente que la crise du Covid. Maintenant, il va sans dire que la problématique de l’inflation a dégénéré après la décision de la Banque de Maurice d’avoir recours à la planche à billets en 2020 pour une valeur de Rs 158 milliards ainsi que l’annulation (writeoff) de Rs 60 milliards sur la recommandation du FMI. Cet exercice n’a fait que mettre des pressions inflationnistes intrinsèques sur l’économie mauricienne. Avec pour résultat une dépréciation de la roupie mauricienne et par ricochet une hausse de l’inflation. Par exemple, on peut déjà voir ce qui se passe aux Seychelles où sa roupie a déjà retrouvé son niveau pré-Covid alors que ce n’est malheureusement pas le cas ici. La différence entre les deux îles relève effectivement de l’indépendance de l’utilisation de la planche à billets.

Pour le moment, les banques centrales, à Maurice comme à l’étranger, ont eu recours à la politique monétaire pour juguler l’inflation. Estimez-vous que l’efficacité de cette mesure a des limites comme certains spécialistes semblent l’évoquer ces jours-ci ? 
On comprend bien que la Banque centrale de Maurice tente d’enlever les pressions de la dépréciation de la roupie en augmentant le taux d’intérêt. L’impact de ces interventions visant à stabiliser la roupie pour maintenir une certaine forme de parité dans la différentiation du taux d’intérêt chez nous et à l’étranger a eu pour résultat que le bilan de la Banque de Maurice s’est dégradé avec une «shareholders’ equity» négative. Donc, il y a une école de pensée qui estime que pour combattre l’inflation, il faut réduire la masse monétaire en augmentant le coût de l’argent afin qu’on assiste à une baisse généralisée de la demande. Ce qui réduira l’inflation à court et moyen termes. 

Il existe en revanche une deuxième école de pensée, qui souligne que les grandes banques doivent ajuster leurs taux d’intérêt pour maintenir leur crédibilité en tant qu’institutions indépendantes. Cela, pour contenir l’inflation et celle anticipée. Quant à la troisième école, elle défend l’idée que le but du combat contre l’inflation est de protéger le pouvoir d’achat de la population. Ainsi, si c’est une inflation tirée par le coût et si on augmente parallèlement le taux d’intérêt, cette démarche accentuera la perte du pouvoir d’achat. D’où l’idée émise par des économistes de renom que l’augmentation du taux d’intérêt par les banques centrales pour lutter contre l’inflation ne bénéficiera pas à terme aux consommateurs.

On considère volontiers que l’inflation est une taxe sur les ménages, généralement ceux au bas de l’échelle. Ce qui amène l’État à déployer des mesures sociales pour les soulager en subventionnant certaines denrées de base. Or, les subsides profitent plus aux riches comme des institutions internationales l’ont rappelé à plusieurs reprises. Faut-il en pareilles circonstances économiques privilégier une politique de ciblage ? 
C’est un fait que l’inflation et la dépréciation sont une taxe déguisée sur des individus. C’est la raison pour laquelle le mandat de combattre l’inflation et de stabiliser le taux de change est la responsabilité d’une institution indépendante comme la banque centrale dans n’importe quel autre pays. Personnellement, je ne souscris à aucune de ces écoles de pensée. J’estime pour ma part qu’une inflation bien maîtrisée, couplée avec une croissance inclusive, devrait soulager la population dans son ensemble.