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Moeurs: les travailleuses du sexe «connectées»

18 décembre 2022, 18:00

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Moeurs: les travailleuses du sexe «connectées»

Samedi, le monde a commémoré la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux travailleuses du sexe. À Maurice, celles-ci luttent toujours pour être respectées et acceptées dans la société et elles font toujours face à de graves agressions qui sont malheureusement souvent noyées dans l’obscurité, vu que leur métier est considéré comme illégal. Toutefois, ces deux dernières années, certaines ont trouvé d’autres manières de se protéger de ce qu’elles appellent «des malades». Elles travaillent donc à travers les réseaux sociaux...

Elle s’appelle Sheela (prénom d’emprunt). Âgée d’une vingtaine d’années, cette jeune femme est travailleuse du sexe depuis trois ans. Si avant elle recherchait des clients sur le terrain, depuis un an et demi, c’est à travers les réseaux sociaux qu’elle s’est fait une clientèle. «Kan inn gagn Coronavirus Moris, li ti bien difisil pou gagn travay pandan konfinman. 2020- la pa ti fasil ditou pou zwenn lé dé bout», confie Sheela. 

Gagner sa vie comme travailleuse du sexe n’était pas son premier choix. Petite, elle rêvait de devenir hôtesse de l’air, mais comme elle vient d’une famille qu’elle qualifie de «difficile», à 18 ans, elle a dû trasé pour pouvoir manger. «Mo pa konn mo papa. Mo mama toxikomann ek mo boper osi. Dépi laz 13 zan monn bizin aret lékol pou rod kas pou zot. Mo ti pé gagn baté. Laz 18 an monn désidé pou élwagn mwa ar zot.» 

Sheela raconte avoir essayé d’avoir un travail que les gens qualifient «d’honnête» quand elle s’est retrouvée sans toit mais comme elle n’avait aucun diplôme, les portes se fermaient les unes après les autres. «C’est comme cela que j’ai commencé à me prostituer. C’est important pour moi de raconter cette partie de mon histoire», révèle-t-elle. De plus, lorsqu’elle a commencé en tant que travailleuse du sexe, elle a aussi eu son lot de problèmes. «À plusieurs reprises j’ai failli perdre la vie. Ena inn rod défigir mwa. J’ai été frappée, malmenée et même violée. Certains clients étaient des personnes bien mais une grande majorité sont des malades. Monn pran bokou létan pou konpran sa.» 

Lorsqu’en 2020 arrive le confinement et qu’elle a du mal à joindre les deux bouts, elle a dû commencer à chercher d’autres moyens pour avoir des clients. «Pou konfinman 2020 monn koumans travay lor apel. Mo ti pé al zwenn zis dé klian habitiels ki ti éna mo niméro. Vu ki monn trouvé ki sa marsé monn rod plis klian pou travay par apel kan finn tir restriksion.» Sheela explique que pendant ces quelques mois entre le confinement de 2020 et celui de 2021, cette méthode marchait bien mais pendant le confinement de 2021, les choses se sont corsées. «Lerla mem monn komans travay lor rézo sosio.» 

Elle raconte qu’elle a commencé en s’inscrivant sur une application de rencontres où dans sa bio, elle a inscrit eskort, comme lui avait conseillé un de ses clients étrangers. «Linn dir mwa eskort pou plis atir misié ki bann mo koma prostitué, etc.» Sa photo de profil était une photo d’elle de dos en minijupe. «Sa inn bien marsé. Monn gagn boukou dimounn inn vinn ver mwa. Monn gagn bokou klian ek sertin lerla inn fer mwa rant lor bann lot group lor bann rézo sosio mem.» 

Depuis, dit-elle, c’est à travers les réseaux sociaux qu’elle a agrandi sa clientèle. «En un an et demi, j’ai beaucoup appris en travaillant à travers l’écran. Au début, je me suis laissé aller en faisant des shows par vidéo call, etc. et j’ai subi des représailles comme voir des images de moi être partagées partout. J’ai aussi eu des cas où au téléphone je pensais parler avec une personne mais en réalité, il s’agissait d’une toute autre personne avec des préférences sexuelles très dangereuses. J’ai dû apprendre comment travailler avec cet outil pour ma propre sécurité», révèle-t-elle. 

Sheela explique que dorénavant elle ne fait plus de «shows» sur vidéo. Lorsqu’un client l’approche par message, elle demande à faire un appel vidéo pour être sûre de qui il s’agit et demande que la moitié de son paiement soit versé par service bancaire sur internet avant de rencontrer la personne. «Avec cette nouvelle façon de travailler, je me sens plus en sécurité. Lontan lor terin mo ti pé gagn baté ou sibir bann agresion omwin trwa fwa par mwa. Travay lor lari difisil aster», dévoile-t-elle. De plus, en étant ajoutée sur des groupes, entre autres, elle s’est rendu compte que beaucoup de travailleuses du sexe à Maurice ont adopté cette manière de travailler à travers les réseaux sociaux et que beaucoup de clients aussi préfèrent cette manière de les aborder. «Enn klian inn dir mwa li trouv sa pli diskré. Deal tou online ek zwenn...» 

Selon Neha Thakurdas Luximon, la coordinatrice de l’association Parapli Rouz, qui se bat pour le respect des droits des travailleuses du sexe, il est vrai que depuis quelque temps déjà beaucoup de travailleuses du sexe se sont tournées vers les réseaux sociaux pour exercer. «Tout comme nous le faisons avec celles qui travaillent sur le terrain, on leur demande de faire très attention pour éviter de se mettre en danger», souligne cette dernière. L’association a eu des cas qui ont prouvé que même derrière un écran, le danger n’est pas évitable à 100 %. «Il y a eu des filles victimes de chantage en travaillant à travers les réseaux sociaux. Nous faisons de notre mieux pour les sensibiliser et les mettre devant les faits afin qu’elles s’assurent que leurs droits soient respectés.» 

En ce qu’il s’agit de violence sur le terrain, Neha Thakurdas Luximon apaisées que les choses ne se sont pas apaisés malgré l’évolution. Beaucoup de travailleuses du sexe subissent encore de terribles violences en essayant de gagner leur vie. Cependant, elle fait ressortir que l’association soutient ces femmes, non seulement pour les aider à se protéger en leur fournissant des préservatifs, etc. mais aussi en les sensibilisant à connaître leurs droits. 

Selon Neha Thakurdas Luximon, ces actions portent des fruits. «Nous avons aidé et aidons beaucoup de travailleuses du sexe à avoir justice, à connaître leurs droits et à se faire respecter. Nous avons aussi remarqué que nos interventions nous ont fait connaître de la force policière, entre autres institutions, et que dorénavant il y a un peu plus de respect des policiers pour nos bénéficiaires dans les rues.» Selon elle, le travail de Parapli Rouz ne s’arrête pas et continue pour faire avancer les droits de ces femmes...