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Nishal Joyram: «Si (…) me joindre à la politique peut aider mon pays je suis prêt à le faire»
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Nishal Joyram: «Si (…) me joindre à la politique peut aider mon pays je suis prêt à le faire»
Il s’est fait connaître du grand public en entamant une grève de la faim le 15 novembre. Cela, pour demander une révision à la baisse du prix des carburants. Aujourd’hui encore, il ne lâche pas prise et continue son combat à sa manière...
Que devenez-vous depuis que vous avez mis fin à votre grève de la faim ?
Je redeviens moi-même... Je me suis toujours engagé dans des petits combats. Aujourd’hui, j’ai un autre plus grand. Depuis la fin de ma grève, j’ai eu de multiples rencontres avec plusieurs personnes et associations. Nous bougeons vers une conscientisation citoyenne, nous avançons en terrain fertile. Le Mauricien veut faire entendre sa voix mais il avait perdu foi. Il suffit de s’unir et de le faire collectivement car si nous voulons que les choses changent dans ce pays, il faut impérativement que le citoyen s’engage...
N’êtes-vous pas déçu que votre combat n’ait apporté aucun changement aux prix des carburants ?
Non. Il n’y a effectivement pas eu de changement au niveau du prix des carburants mais j’ai eu quelque chose de bien plus important. Quand, j’étais sur le parvis de la Cathédrale, beaucoup de Mauriciens sont venus et j’ai vu quelque chose de beau. On a prié ensemble. Vous imaginez! Indépendamment de leurs croyances religieuses, les Mauriciens sont venus prier à cet endroit. À travers ce mouvement, je suis entré en communion avec le mauricianisme.
Souvent avant les élections, nous voyons surgir le démon communal; mais moi j’ai vu le mauricianisme grandir. J’ai fait ce que je pouvais, dans la limite de mes capacités ; de dire haut et fort que je ne suis pas d’accord avec leur façon de gérer les choses, principalement la State Trading Corporation (STC), et le maintien des prix malgré la baisse sur le marché mondial. Changer le prix est une décision qui revenait au gouvernement. C’est lui qui doit être déçu car il n’a pas pu répondre à la demande de la population.
Et maintenant ? Quelle est la suite ? Avez-vous d’autres revendications ?
Nous allons ver s une conscientisation de la population, par rapport à la responsabilité citoyenne. Comme le Printemps arabe, en décembre 2010… S’il n’y a pas de revendications, il n’y a pas de changement. Tout ce que nous avons eu à Maurice est un système qui a marché tant bien que mal pendant les 54 dernières années, postindépendance. Nous sommes arrivés à la fin d’un cycle. Nous ne pouvons pas continuer ainsi. Il faut des changements profonds. Le pouvoir ne doit pas être concentré dans la main d’une seule personne. Aujourd’hui à Maurice, nous élisons un constitutional dictator, car une fois au pouvoir, cette personne se permet de faire n’importe quoi, ayant la majorité en main. Nous voulons une île Maurice moderne et un Printemps mauricien.
Que pensez-vous de l’indifférence des autorités, du PM, de la STC, du ministre du Commerce ?
Si aujourd’hui on n’arrive pas à faire baisser le prix des carburants c’est parce que nous avons une mauvaise gestion. Depuis ma demande faite le 28 octobre, le coût des carburants a encore baissé sur le marché mondial. J’avais demandé une baisse de Rs 20 à ce moment-là, aujourd’hui, on devrait demander une baisse de Rs 26 pour l’essence et Rs 15 pour le diesel. Le prix du baril est en chute libre actuellement. Le fret a aussi considérablement baissé et le dollar est stable. Si la STC et le ministre du Commerce font la sourde oreille, c’est parce qu’il y a eu une mauvaise gestion, je le redis. L’année prochaine je m’expliquerai, chiffres et statistiques à l’appui, car là je comprends que les Mauriciens sont en période festive. Les chiffres avancés par la STC ne tiennent pas la route et je dirai pourquoi.
Une grève de la faim pour demander la baisse du prix des carburants, ne trouvez-vous pas que c’était excessif ?
Il y a plusieurs demandes de personnes que je qualifie moi de ‘géants’ – le leader de l’opposition, l’ancien Premier ministre et autres politiciens – mais rien n’a été fait par le gouvernement. Pour moi, simple citoyen, je ne pouvais pas le dire de la même façon que ces ‘géants’, je devais venir avec plus d’intensité. Chose que j’ai faite d’une manière pacifique et sans dérapage, d’où cette grève de la faim.
Racontez-nous comment se sont passés les 22 jours sous cette tente sur le parvis de la Cathédrale ? À quoi pensiez-vous le soir ?
J’étais dans ma tente. Je recevais la visite d’une centaine de personnes au début puis de plus d’un millier quotidiennement. Plusieurs carnets ont été signés par nombre d’entre eux. Un certain jour on a eu jusqu’à 2 800 signatures. À quoi je pensais ? Confiné, mon imagination était mon seul véhicule, qui d’ailleurs marche sans carburant. Je laissais mon esprit papillonner, j’ai une imagination très fertile, vous savez (Rires).
Qu’est-ce qui a été le plus dur ?
Ah ! Il y avait des personnes qui venaient et en me voyant, souffraient plus que moi. Ça, c’était dur. Au bout de deux, trois jours, vous ne sentez plus la faim. Par exemple, je me souviens de la visite de madame Dowlut, mon enseignante au primaire ; la voir souffrir était vraiment dur pour moi.
Comment s’est passé le retour à la normale ?
Je ne peux pas vous dire que c’est un retour à la normale. J’ai recommencé à manger certes, mais il y a certaines choses qui ont changé désormais. Je croise tous les jours des Mauriciens inquiets pour notre pays et qui prennent conscience de leur responsabilité citoyenne.
Songez-vous maintenant à faire de la politique peut-être ?
Qu’est-ce que vous entendez par faire de la politique ?
Vous joindre à un parti ? Être candidat aux prochaines législatives ?
La politique est, entre autres, l’organisation de la société. Toute action citoyenne serait une action politique car nous défions cette organisation. Je comprends que vous me parlez ici de politique partisane ; je suis réaliste et je prône la compétence. Je reconnais que nous avons des personnes plus compétentes que moi, aptes à diriger le pays. Si on juge que me joindre à la politique peut aider mon pays, je suis prêt à le faire. Mais à ce jour, je n’ai pris aucune décision.
«Confiné, mon imagination était mon seul véhicule, qui d’ailleurs marche sans carburant.»
La controverse des vidéos ((NdlR, sur lesquelles on voit Nishal Joyram dans une salle de classe avec des policiers appelés à intervenir) sur les réseaux sociaux, de quoi il s’agit ?
Quand je vois des abus, j’ai du mal à me retenir. Il y a eu une mauvaise gestion des examens dans mon école et on avait mélangé les enseignants et les surveillants dans la même salle, le staff room. Pour moi, c’était éthiquement inacceptable. Déjà, les salles allouées au Mauritius Examinations Syndicate étaient plus que suffisantes pour ces examens. Quand j’ai dit que ce n’était pas correct, ils ont appelé la police. Mais par la suite, les policiers sont partis car ils ont compris que c’était un problème administratif. Je n’ai eu aucun problème au niveau de l’école par la suite. Je dois faire ressortir que je n’ai jamais pris d’enfant ‘en otage’.
Comment la vidéo s’est-elle retrouvée sur les réseaux sociaux ?
Peut-être que cela a été partagé par un collègue acheté, qui voulait discréditer ma grève.
La réponse des Mauriciens face à votre combat pour tous a-t-elle été à la hauteur de vos attentes ? Sommes-nous un peuple de moutons cachés derrière nos écrans ?
Certainement pas ! Nous sommes juste dans une comfort zone. Le Mauricien reconnaît qu’il y a un problème dans le pays. Mais il faut aussi faire ressortir que le Mauricien est fatigué, il y a eu la marche en 2020, plusieurs marches qui n’ont abouti à rien par la suite. Nous devons incarner le changement que nous voulons.
Quid du soutien à Bruneau Laurette, l’activiste qui défend toutes les causes ?
J’ai participé à ses marches mais je ne le connais pas personnellement. Toutefois, les personnes qui le connaissent vous diront que Bruneau Laurette ne peut pas être un trafiquant de drogue et pour moi si jusqu’ici nous n’avons pas eu les vidéos promises par la police, cela me pousse à m’interroger. Y-a-t-il eu planting ? Si cela a été le cas, il faut que justice soit faite le plus rapidement et qu’il puisse retrouver sa famille.
Comment voyez-vous 2023 ?
La situation pour le portemonnaie sera-t-elle pire ? Je vois une situation inflationniste. La perte du pouvoir d’achat sera plus conséquente. Si l’année 2023 n’est pas gérée correctement, le Mauricien aura du mal à sortir la tête de l’eau. Entretemps permettez-moi de souhaiter un joyeux Noël et une très bonne Année 2023 à tous. Osons croire en une île Maurice meilleure !
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